Les nuits se lèvent ( 2ème partie)

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LES NUITS SE LÈVENT

2ème partie

A Nuits, comme partout, les bras manquent et ceux qui les accueillent leurs sont grand ouverts. Ils sont nourris, blanchis, héritent de vêtements en manque de propriétaires.

Ils logent chez des sœurs jumelles qui ont perdu leur mari au début de la guerre.

L'impression de nuire à la réputation de leurs logeuses les gêne beaucoup mais, rapidement les ragots les disculpent.

Les mariages étaient véreux, les mariés pourris, les épouses déconfites.

La version la plus courante n'est pas la moins attendue, deux propriétaires en mal de “climat” deux filles à caser, deux incapables à rentabiliser et le monde qui s'en mêle.

Une autre histoire se révèle surprenante, glauque, à vomir, impossible, venimeuse.

Celle que les vipères racontent à la sortie de la messe.

Ces langues qui, à sexte se mettent à la prière, à none se rendent à confesse pour se racheter une âme qu’elles vendent avant complies.

Elles voient d'un mauvais oeil deux jeunes veuves ignorer le noir, les pleurs, la douleur et surtout, surtout être riches de terres et de bâtisses à seulement vingt-deux ans.

L’arrivée des deux hommes n'arrange rien à l'affaire.

Heureusement, pour la majorité nuitonne, ces deux femmes sont des anges.

Bonnes chrétiennes, serviables, dévouées aux plus démunis, souriantes et joyeuses (malgré les malheurs qui les ont frappées), sachant mener leurs affaires et d'une grande beauté.

Le curé se méfie de ces “ énergumènes” qui déjà se trouvent à la même table que lui dès le premier dimanche de leur arrivée.

Il en fait part à ses protégées qui lui font remarquer en rigolant qu'elles ont eu affaire à plus coriaces, que ces deux là ont l'air bien braves et leurs bras honnêtes et vaillants.

Comme nos deux hommes savent se tenir, ont de la conversation, apprécient la bonne chair et le bon vin, l'abbé leur donne sa bénédiction.

Les bigotes aboient et les vendanges passent,

Le soleil se glace,

Les côtes se couvrent de feuilles d'or,

Les jours deviennent frileux,

les sentiments fusionnent.

Toujours honnêtes, nos vagabonds ne cachent pas leur désir de rester libres et d’aller voir plus loin ce que la vie leurs réserve.

Toujours rebelles, les deux belles ne cachent pas leur désir de rester libres de choisir avec qui elles déploient les ailes du plaisir.

ils sont discrets, on se retourne sur leur passage, les bavardages restent soupçons.

Le millésime 1919 s’annonce exceptionnel, tout le monde est satisfait. Sauf les jumelles qui pensent que leurs amants vont reprendre la route.

ils sont leur premier.

S’ils ont été étonnés de le découvrir, jamais ils n’ont posé de questions et personne n’en a jamais rien su.

Chacun dans leur coin, ils se sont demandés comment cela était possible en plus d’un an de mariage.

Nous sommes mi-octobre, il ne serait pas raisonnable de se jeter sur les routes aux risques de devoir affronter le froid et la neige.

Les hôtesses approuvent leur prudence et comme il n’est pas question de les entretenir, elles leurs proposent, en attendant le printemps et ses jours meilleurs, de leurs trouver du travail dans une carrière de Comblanchien.

Levieux et Lejeune y travaillent tout l’hiver. Il y a du travail car, même si cela fait bientôt soixante ans que le marbre à parer le palais Garnier, sa réputation reste mondiale.

Ils prennent aussi leur part dans l'entretien du vignoble. Taillant en janvier, prélevant des boutures en février, labourant, déchaussant, décavaillonnant en mars, plantant et palissant en avril.

Un matin de mai, Levieux dit à son compagnon:

- Il est temps de partir, l’attache devient trop forte. Nous savons toi et moi que l’on ne peut s’éterniser. Moi je suis trop vieux pour elle, aussi belle soit-elle et toi je sais que jamais tu ne tirera un trait sur ta “belle amour”. Ce ne serait pas honnête. Je vois poindre l'espoir dans leurs mirettes, elles ne méritent pas qu’on les chagrine. Demain, reprenons nos bagages. Nous leurs dirons ce soir, ce sera mieux pour tout le monde. chaque jour qui passe rend les adieux plus douloureux, la plaie guérira plus vite et la cicatrice, à la place de l’empreinte d’une déchirure, sera la parenthèse de souvenirs heureux.

Ils ne pensaient pas rencontrer

sur les routes bourguignonnes

Aux milieux des vignes,égarées,

deux hôtesses mignonnes.

Ils se pensaient malfrats.

Abandonnés de tous

Elles ont ouvert leurs bras

Leurs offrant des nuits douces.

Ignorant leur chagrin,

et leurs yeux en averse

Ils partirent un matin,

délaissant leurs caresses...

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