01. La chute de l'ange

7 minutes de lecture

La curiosité est un vilain défaut. Une qualité pour certains, un péché pour d’autres, parfois inexcusable. Pour un ange, certaine erreur ne devrait en aucun cas être commise. Le vice des humains ne doit pas les atteindre. Ils doivent garder leurs ailes totalement blanches. Regarder la Terre d’en haut peut parfois apporter des doutes. Voir les civilisations naître, puis mourir dans un claquement de doigts. L’éternité peut paraître si courte, mais à la fois si longue.

Camille était un ange comme parmi tant d’autres, un apprenti de Gabriel, pour être plus précis. Chaque Archange avait des apprentis pour faire fonctionner toute cette grande fourmilière qu’était le Paradis. Il y avait beaucoup de travail pour chacun d’eux, entre accueillir les bonnes âmes et développer leur fonctionnement. Camille lui, était plutôt rêveur, curieux et lors de ses pauses, il se postait sur un des nuages les plus fins pour observer le monde.

Il n’avait en tête seulement ce que les défunts racontaient. Des histoires de technologie, de monde sans magie, enfin presque. Des plaisirs qu’il ne connaissait pas et surtout toutes les tentations des démons mis chaque jour sur leur passage. Il ne comprenait pas que Dieu avait autorisé que Lucifer créer ces monstres. Qu’il le laisse appliquer la terreur, la maladie et les péchés sur le monde des humains. C’était pourtant la création parfaite du divin… Et le diable en faisait une sorte d’expérience de vice malsain. Les démons pouvaient aller et venir dans le monde des hommes, alors que les anges, eux n’en avaient aucunement le droit.

L’apprenti sorti de sa rêverie, il devait accueillir plusieurs âmes aujourd’hui. C’était son travail, remplir les dossiers d’admission. Car tout comme sur Terre il y avait toute une administration au Paradis. Pour savoir quelle âme arrivait, quelle âme devait être réincarnée et quelle âme arrivait à la fin de son existence pour devenir un ange à part entière. Il n’avait pas non plus le droit à l’erreur, car certaine âme tentait d’échapper à l’Enfer et de ce fait, se faisait passer pour des âmes pures. Parfois la supercherie était tellement parfaite qu’il était difficile de la voir.

L’erreur est humaine, elle est seulement humaine et non angélique. Camille ne le savait pas mais ce jour-là, il fit l’erreur qu’un ange ne devait pas commettre. Si une âme mauvaise entrait au Paradis, cela provoquait un dérèglement, on pouvait voir apparaître des noirceurs dans ce monde si pur, comme des tâches résiduelles. Il venait de finir son travail quand l’Archange Gabriel lui-même le convoqua. Camille très loyal et respectueux était aux anges de pouvoir parler avec son Maître. Celui-ci le conduisit au grand palais principal, il s’arrêta devant l’une des grandes colonnes qui soutenaient l’édifice.

- Que vois-tu Camille ? demanda l’Archange.

L’apprenti écarquilla les yeux face à ce qu’il pouvait voir. La colonne originellement blanche, était marbrée de veines noires qui semblaient la ronger, comme la rouille avec le fer. C’était la noirceur d’une mauvaise âme, du moins plusieurs pour en arriver à ce résultat. Le jeune ange recule d’un pas, les yeux vibrant d’une émotion entre la stupeur et la terreur.

- Mais…? gémit-il en s’étouffant.

- Tu as laissé entrer trois âmes noires au Paradis, Camille. Les Archanges les ont traqués et renvoyés en Enfer avant que ça ne soit trop tard.

Il déglutit, baissant la tête face à son Maître. Il serra le petit chapelet en lapis lazulis entre ses mains, murmurant alors des prières inaudibles. Gabriel soupira, il connaissait le dévouement de son apprenti pour l’ordre des anges. Il savait que cette erreur n’était en aucun cas volontaire, mais elle était cependant inacceptable.

- Nous allons devoir nous réunir et parler de ton avenir, j’espère que tu comprends ton erreur, dit Gabriel gravement en croisant les bras sur son torse.

- Oui… Oui, je comprends et j’accepterais les termes de ma punition sans broncher.

- Bien, va te reposer, nous viendrons te chercher dans deux heures.

L’Archange posa une main bienveillante sur son épaule, il avait de la compassion pour son apprenti, mais la loi du Paradis était ainsi. Un ange ne devait faire aucune erreur, sinon en subir les conséquences, qui pour ce cas précis aurait pu détruire une bonne partie du Paradis. Camille était anéanti. Il ne comprenait pas comment il avait pu se faire berner par trois âmes. Il avait discuté avec elles, sûrement de la vie sur Terre, comme à chaque fois et c’était fait embobiner avec des étoiles plein les yeux.

Il se pose alors sur le nuage le plus fin pour observer comme à chaque fois le monde d’en bas. Cette fourmilière de petite vie humaine qu’il voyait d’en haut, c’était bientôt la nuit et la ville qui se trouvait juste en dessous commencer à se vêtir de magnifiques lumières multicolores. Le spectacle était magnifique vu d’ici, plein de point lumineux, clignotant ou fixe qui rendait à la Terre la lumière du jour. Camille imprimait dans son esprit cette image comme si c’était la dernière fois, il se doutait du jugement. Sûrement devrait-il revivre une vie humaine pour absoudre ses péchés avant de redevenir un ange à nouveau. C’était souvent ce genre de sentence pour les anges en apprentissage comme lui, purger sa peine en tant qu’humain avant de redevenir un ailé et oublier à nouveau sa vie humaine.

Tous les anges ne se souvenaient pas de leur vie passée, c’était cela le plus dur pour Camille, car les mortels l’attirait, le passionnait. Il aurait voulu savoir qui il était avant de devenir un ange, était-il un banquier, un pilote d’avion ? Avait-il voyagé sur la lune ? C’était des questions auxquelles il n’aurait jamais de réponse, malheureusement. Il se perdait dans ses réflexions, à tel point qu’il ne sentit pas une présence s’approcher dans son dos. Tout ce qu’il senti, c’était une main se poser entre ses omoplates et le pousser avec force.

Camille bascula en avant, chutant à travers la très fine épaisseur du nuage, à tel point qu’il le traversa. L’ange ne comprit pas instantanément ce qu'il venait de se passer, mais quand son cerveau analysa qu’il était en chute libre, la panique le prit. Il pivota pour regarder derrière lui, quelqu’un était penché sur le rebord du nuage, l’observant tomber. Il s’éloignait de plus en plus vite et Camille était tétanisé par l’incompréhension.

- Déploies tes ailes, Camille ! s’ordonna-t-il.

Mais son dos était crispé, tout comme ses ailes qui ne voulaient pas sortir. Il se retourna, le sol s’approchait, le monde des humains allait le percuter. Enfin lui allait percuter cette terre des mortels et un ange, même immortel, pouvait avoir de très graves séquelles en cas de chute aussi grande. Il s’ordonna une nouvelle fois de déployer ses ailes et cette fois réussit, sauf que quelque chose le percutât, un oiseau venait de s'encastrer dans son aile droite. Il perd alors le contrôle et commença à chuter en toupille, prenant de plus en plus de vitesse, jusqu’à finalement atteindre les premiers bâtiments.

Il déploya une nouvelle fois ses ailes, mais trop tard, son aile gauche se fracassa sur le toit d’un immeuble, le projetant ainsi contre les parois d’un autre. Il tombe ainsi entre deux bâtiments dans un grand bruit de fracas métallique à chaque fois qu’il heurtait un escalier de secours. Jusqu’à finalement terminer sa chute au sol dans une flaque de boue.

Des plumes d’un blanc pur voletaient autour de lui, arrachées de ses ailes pendant sa chute. Elles étaient rougies par son sang et l’une d’entre elles avait un angle peu naturel, l’os de celle-ci ressortant même. Quant à lui, il avait le visage esquinté, les mains griffées, mais en soit les plus grosses blessures de sa chute étaient ses ailes. Camille était sonné, totalement perdu à cause des nombreuses vrilles et aussi de la douleur insupportable qui irradiait dans tout son corps. Il avait les larmes aux yeux et poussait des gémissements plaintifs d'un animal blessé. Camille redressa la tête, tentant vainement de se lever, mais la douleur était bien trop forte.

- Aidez-moi…, supplia-t-il.

Sauf qu’il ne demandait pas aux hommes, mais aux anges. Sauf que là où il se trouvait, ses prières ne seraient jamais entendues par ses semblables. Il plaça ses bras sous sa tête, se redressant alors sur ses coudes. Sa vision était floue, il ne savait pas où il était, ni n’arrivait à déterminer ce qui l’entourait. Une silhouette s’approcha alors de lui, sûrement un homme. Camille plissa les yeux pour tenter de le discerner. Un homme, très svelte, des cheveux d’un noir profond, une belle peau blanche. Il aurait presque cru que c’était un ange s’il n’était pas vêtu comme un humain. La seule chose qui perturbait Camille, ce fut ses yeux rouges, il y avait quelque chose d’étrange chez cet homme. Il était aussi percé de partout, et sa beauté était bien trop irréelle.

- Démon…, murmura Camille.

Sauf que ses dernières forces décidèrent de l’abandonner. Ses yeux se flouent de nouveau, laissant un voile noir apparaître à sa vision. Il perdit alors connaissance, sans pouvoir se défendre face à ce démon, car oui ce n’était pas un humain qui l’avait découvert dans cette ruelle sombre et sordide.

Annotations

Vous aimez lire Reiko . ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0