Chapitre 28

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Hestia

Trois semaines s’étaient écoulées après ce tragique soir de novembre. Nous étions à présent en plein mois de décembre et la neige avait fait sa première apparition. Dehors, le sol était recouvert d’un sublime manteau blanc, les branches des arbres étaient habillées de paillettes neigeuses et les animaux étaient partis se blottir dans leur terrier.

J’étais restée dans le coma sept jours et sans l’aide d’Apollon, je ne serais peut être plus de ce monde, mais au milieu des ombres. Le seigneur de la guérison avait usé de son savoir faire et de sa magie pour me sauver, pourtant il ne me devait rien.

Rallyeso m’avait expliqué qu’il se sentait coupable de ce que son père me faisait endurer. Qu’il en avait assez de ce règne de terreur et qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour m’aider à anéantir le Maître des Cieux. Il avait même dissimulé à l’aide d’un sort d’invisibilité la maison dans laquelle nous nous trouvions. Elle était isolée au milieu d’une forêt. Il s’agissait du chalet d’un chasseur et en cette période de l’année, il semblait inhabité. Nous attendions que je sois entièrement remise pour quitter cet abri de fortune et en trouver un autre.

Rallyeso et Danaos m’accompagnaient dans ma fuite, malgré le fait que je leur avait affirmé qu’ils n’étaient pas obligés de me suivre. Je devais accomplir ma quête seule et ne voulais en aucun cas les mettre en danger. Ils étaient la seule famille qui me restait et il était hors de question que je les perde eux aussi. Ils n’avaient pas voulu entendre raison et pour cela je les aimais encore plus. Il savait qu’être proche de moi, signifiait qu’ils seraient constamment en danger, mais leur amitié était plus forte que tout, m’avaient-ils raconté. Nous nous étions fait la promesse de rester ensemble, quoi qu’il se passe.

Une bûche craqua dans l’âtre de la cheminée. Je quittai mon poste d’observation pour aller me réchauffer près du feu. Rallyeso me rejoignit et nous admirâmes les flammes sans parler, je n’en éprouvais pas le besoin. Je leur avait déjà relaté le calvaire de cette nuit, l’horreur que j’avais vécu. J’avais beaucoup pleuré et à présent je n’avais plus de larmes à déverser. Mon cœur, tel un drapeau lors d’un deuil national, était en berne. Pour apaiser ma douleur je me plongeais dans un silence méditatif en essayant de verrouiller mes pensées dans une pièce cadenassée. Parfois, j’y arrivai, mais le plus souvent les images que je souhaitais oublier me hantaient. Dans ces cas-là, je serrai contre ma poitrine Bunny, la peluche de Zéphyr, afin de m’imprégner de son souvenir.

J’avais affirmé à la Reine qui portait mon nom, ma volonté de me battre, sauf que pour l’instant je n’avais aucune destination.

J’attendais…

Nous attendions la venue d’Apollon qui serait notre guide, car je n’avais pas la moindre idée de la façon dont j’allais mettre en œuvre la prophétie. Autrefois, les héros de la mythologie grecque se rendaient chez les oracles qui leur expliquait comment leur quête se déroulerait au travers d’énigmes à décortiquer. Zeus avait tué les diseurs d’avenir, je n’avais donc pas de mode d’emploi sur la manière dont j’allais mettre fin à cette tyrannie.

Je ne connaissais même pas les us et coutumes de l’Olympe. Je ne réfléchissais pas comme un être magique, plutôt comme une mortelle. Tout ce que je savais des Rois et Reines de l’Olympe, c’était mon professeur d’histoire qui me l’avait enseigné, un humain. Décerto et mon père étaient restés très lacunaire, il me fallait remédier à cette ignorance avant de détruire Zeus et ses sbires.

Sans m’en être rendue compte, j’avais posé la tête sur les genoux de Rally qui caressait avec tendresse mes cheveux. Je levais mes yeux vers elle, car j’avais cru entendre le son de sa voix.

—Tu es revenue parmi nous Hestia ? me demanda-t-elle en dardant ses opales sur moi.

Je rougis honteuse de l’avoir ignorée alors qu’elle se tenait à mes côtés.

—Je suis désolée, lui répondis-je

—Tu n’as pas à t’excuser, Hestia. Je te disais juste qu’il était l’heure de manger.

Je me relevai et la nymphe me prit la min pour m’emmener dans la petite cuisine qui ne contenait que le strict minimum : une petite table en bois sombre, avec quatre chaises, un fourneau en inox, un évier en plastique et quelques placards remplis de boites de conserve en tout genre.

Je m’installai sur le siège branlant et Rallyeso posa devant moi un bol de soupe d’où s’échappais de la vapeur. Elle me découpa un morceau de pain, qu’elle tartina de beurre avant de me le tendre. J’étais un peu gênée par toutes ses attentions, mais elle ne faisait pas cela, je ne me nourrissais pas, je n’en ressentais pas le besoin, au contraire de mon organisme. Sans grand appétit, je machai ma tartine et avalait le velouté insipide qui me réchauffa.

—Merci, soufflai-je à l’attention de mon amie.

Le sourire qu’elle m’adressa n’atteignit pas ses yeux car elle se faisait du souci pour moi et évitait de me contrarier.

—Tu sais quand Apollon doit venir ? l’interrogeai-je d’une voix incertaine.

—Il ne nous a laissé aucune indication, juste qu’il reviendrai quand tu irais mieux, m’expliqua-t-elle tout en s’affairant à ranger la table.

—Tu ne peux pas l’invoquer ?

Elle soupira d’un air peiné et ses épaules s’affaissèrent.

—Il me l’a formellement interdit. S’il répond trop à mes invocations son père va trouver ça louche.

—Et si nous sommes attaqués, comment faisons-nous ?

Mon ton était sec.

—Ne t’inquiète pas Hestia, il nous a entouré de puissantes protections et …

—Décerto m’avait dit la même chose et regarde où elle en est ! Elle est morte ! explosai-je en renversant ma chaise. Mon père aussi avait entouré la maison de défense et cela n’a pas empêché cet aigle de malheur d’entrer et de nous massacrer !

Sur ces mots, je quittai la cuisine pour aller me réfugier dans la chambre. Je me blottis sous les couvertures en agrippant avec l’énergie du désespoir Bunny. L’histoire se répétait. Les puissants nous promettait de nous aider et ils faisaient rien, nous étions seuls et livrés à nous-même. Encore une fois, nous devions nous débrouiller par nous-même.

***

Le matin lorsque je m’éveillai, Danaos n’était plus là. Comme tous les jours, il patrouillait inlassablement dans la forêt et je ne le voyais quasi jamais car lorsqu’il rentrait je dormais. Me fuyiez-t-il ? Aucune idée et de toute manière j’avais d’autres préoccupations. Nous devions nous éloigner le plus possible de cet endroit, pour aller où ? Je n’en savais rien, mais je me sentais mal-à-l’aise dans ce chalet isolé.

Je m’étais excusée auprès de Rallyeso pour mon emportement de la veille et comme à son habitude, elle m’avait pardonné. La mort de Zéphyr et Décerto m’avait changé. J’étais devenue irritable et la moindre remarque me faisait exploser. J’avais bien réfléchi hier soir et j’avais pris ma décision, libre à Danaos et Rally de me suivre où pas, mais à la tombée de la nuit, j’aurai quitté cette habitation, qui ne m’inspirait pas confiance !

Un bruit sourd se fit entendre dans la chambre à côté de la mienne, alors que mes amis étaient tous les deux dehors. Je sortie comme une furie hors de la pièce et me ruais dans cette d’à côté en hurlant :

—Si vous êtes venus me tuer, je vous préviens tout de suite, c’est vous qui allez mourir !

Je saisi la lampe qui trônait sur un meuble et la fracassait sur l’intrus qui me tournait le dos.

—J’en ai marre, d’accord, foutez-moi la paix, braillai-je en lui sautant dessus et en le tapant de mes poings rageurs.

L’homme, car c’en était un, ne bougea pas d’un centimètre et me laissa le frapper sans broncher. Son corps semblait être fait de béton tant il était dur.

—Petite fleur, je ne suis pas venu pour te tuer, mais pour t’aider. Calme-toi, m’expliqua l’inconnu.

Son timbre était doux et chaud et je me calmai dans la seconde. Confuse je m’éloignai de lui, car il s’agissait d’Apollon. Je ne m’excusai pas pour autant, car il m’avait causé une frayeur inimaginable.

—Les portes sont faites pour être utilisées, lui fis-je remarquer irritée.

—J’ai utilisé un portail, et il m’a amené directement dans cette chambre.

—Pourquoi vous-êtes là ?

—Je suis ravie de voir que tu t’es remise, j’avais oublié à quel point ta langue était acérée, me dit-il un rictus moqueur s’affichant au coin de sa bouche.

Je croisai les bras sur ma poitrine mécontente.

—Cela fait deux semaines que je suis réveillée, et je ne vous attendais plus de toute manière, je me débrouillerai seule.

J’étais de mauvaise foi, alors qu’il m’avait aidé. J’aurai dû le remercier, or je faisais tout le contraire.

—J’ai fait une promesse et je la tiendrai. Je comprend ta douleur Hestia et …

—Non ! Vous ne comprenez rien ! Vous n’avez jamais endurer de souffrance ! assenai-je hors de moi.

—Ah tu crois ! Je suis né il y a de cela des millénaires et j’ai vu des gens que j’aimais d’un amour sincère périr, parce qu’ils étaient humains ou parce que mon père les a tués ! Alors ne commence pas à te morfondre parce que tu as perdu deux personnes que tu aimais ! J’en ai perdu des dizaines et pourtant je me tiens là devant toi ! Alors oublies-les, tu es immortelle tu t’en remettra !

—Taisez-vous ! criai-je en me bouchant les oreilles.

Comment pouvait-il me dire cela. Zéphyr et Décerto n’était pas des personnes lambdas, ils étaient ma famille et je les aimais profondément.

—Non, il faut que tu comprennes ! Tu dois te ressaisir beaucoup compte sur toi pour les sauver, ne sois pas égoïste.

Ses prunelles mordorées s’étaient assombries et tout son être irradiait d’une colère mal contenue. IL était à la fois beau et terrifiant.

—Vous n’avez pas de cœur ! Vous…vous…

Je perdais mes moyens, face à de telles inepties.

—Oh si j’en ai un, mais il s’est endurci et toi aussi tu dois faire comme moi ! Des gens mourront autour de toi, mais tu devras rester debout !

Je n’avais plus d’arguments à faire valoir.

—Je ne sais pas comment faire, avouai-je piteuse. Ma tristesse se change en colère dès que je m’adresse à quelqu’un.

Il s’approcha de moi pour me saisir ma les épaules, son regard s’était adouci.

—Tu dois puiser dans cette colère pour surmonter ta tristesse et trouvé un équilibre. Il faut te forger une armure infranchissable ! Cela prendra du temps, mais je suis sur que tu y parviendras.

Je hochais la tête en me triturant les mains.

—Merci, dire marmonnai-je entre mes dents.

Il me sourit et me pris dans ses bras puissants.

—Je suis là pour t’aider Hestia, tu n’es pas toute seule dans cette quête.

Je me laissais aller dans cette étreinte, j’en avais grand besoin.

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