Chapitre 25

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Danaos

L’appréhension de ce que j’allais découvrir sinuait dans mes veines tel un serpent. Quand Hestia avait raccroché, je n’avais pas hésité une seule seconde et sans prendre la peine de m’habiller chaudement, j’avais sauté sur ma moto.

Le froid mordant de cette nuit de novembre ne m’atteignais pas. Mon corps était devenu une boule nerveuse dopé par la terreur. Hestia était la fille la plus courageuse que je connaissais et l’entendre ainsi pleurer m’avais fait disjoncter. J’enchainais infractions sur infractions. Ma belle danseuse était en danger et avait besoin de moi, de ma protection et il était hors de question que je la perde !

Mon comportement avec elle était des plus contradictoire, je le savais. Le problème était que j’avais peur des sentiments que je ressentais à son égard. Dès que je voyais sa silhouette aux courbes parfaites, sa chevelure si noire et brillante, ses yeux si particuliers et sa bouche nacrée, je perdais pied. Mon cœur commençait à battre plus fort, mes mains devenaient moites et une chaleur irréelle embrasai mon corps. La seule solution que j’avais trouvé c’était de la fuir.

Cela la blessait, je le constatais, cependant je n’arrivai pas à assumer toutes les émotions qui m’assaillaient quand elle était là, près de moi, son parfum me chatouillant le nez.

Le jour de mon anniversaire, sa seule présence m’avait fait l’effet d’un ouragan, dévastateur et magnifique. La couleur de sa robe faisait ressortir son teint de porcelaine, elle ressemblait à une poupée. Lorsque nous avions dansé la douceur et la chaleur de sa peau m’avait consumé et j’avais compris ! Cette vérité que je cachais dans un placard secret était ressortie : j’étais amoureux. Sa bravoure face à Python n’avait fait qu’accentuer cet état de fait.

Soudain la pluie se mit à tomber me trempant de la tête aux pieds.

—Fais chier, grommelais-je entre mes dents serrées.

Au loin, j’aperçu les éclairs d’un orage qui zébraient le ciel devenu sombre. Je fronçai les sourcils devant l’étrangeté de ce phénomène, car la foudre s’abattait inlassablement au même endroit…

—Merde !

J’accélérais la vitesse, car il s’agissait de la maison de Décerto. La route était silencieuse, rien ni personne ne venait troubler son sommeil, sauf la colère de Zeus qui était portée sur la maison de la nymphe.

Arrivé devant chez Hestia, je sautais de mon véhicule sans couper le couper le contact ni tirer la clé et je me précipitai sur la porte d’entrée qui n’était pas verrouillée. Aucun dégât apparent au rez-de-chaussée. Je montais les escaliers et lorsque j’arrivai sur le palier une scène des plus macabre s’offrit à mes yeux.

Au fond du couloir gisait une créature immonde et défigurée. Sa peau était noircie et des cloques purulentes la parsemait. Son buste avait été ouvert en deux et toutes ses entrailles sectionnées. Son visage avait été ravagé, il ne restait qu’une sorte de bouillie où se mélangeait du sang mauve et de la cervelle grise.

Je détournai le regard, incapable de regarder plus sans gerber. Mes pas me menèrent dans une chambre d’Hestia, il n’y avait personne, pareil pour celle de Zéphyr et la salle d’eau. Il ne me restait qu’une pièce et elle était fermée. Je poussais le battant de la porte et entrais.

Du sang et des organes maculaient le sol formant un tapis sordide. Sur le lit un corps était dissimulé sous une couverture, en déglutissant avec difficulté, je soulevais cette dernière et le choc me percuta avec dureté. Je me retrouvais les quatre fers en l’air abasourdi.

—Ce n’est pas possible, chuchotai-je d’une voix rauque.

Zéphyr était un chouette gamin et je savais qu’Hestia et lui entretenait une relation fusionnelle. Quant à Décerto, c’était une mère et une grande sœur pour elle. Une goutte d’eau s’échappa de mon œil, car je les connaissais depuis toujours, j’avais vu grandir Zéphyr et la nymphe avait été comme une tante pour moi. Ravalant mon chagrin et gardant espoir, je remis la couverture et partis à la recherche de ma dulcinée.

Je fouillais la maison de fond en comble. Elle n’était nulle part. Un coup de vent fit claquer une fenêtre, je me retournai et vis un éclair déchirer la nuit me faisant apercevoir une silhouette étendue au milieu du jardin et en plein cœur de la tempête.

—Hestia, hurlais-je à m’en arracher les poumons tout en courant dans sa direction.

Elle était étendue dans un dôme protecteur. Je parvins à y accéder. Sa pâleur mortelle m’inquiéta et je la soulevais pour la prendre dans mes bras.

—Hestia, réveille-toi, soufflai-je contre son oreille.

Aucune réaction.

J’examinai son corps et remarquai qu’elle avait plusieurs plaies d’une étrange couleur. Ce qui m’angoissa le plus c’était son bras droit. Les extrémités des doigts d’une main y étaient plantées et sa peau était toute noire, je déduisais qu’il s’agissait de poison.

J’attrapai mon cellulaire que j’avais eu le réflexe de prendre et appelai Rallyeso, elle seule pourrait la guérir en tant que nymphe de la forêt. Elle répondit assez rapidement alors qu’il était presque quatre heures du matin.

—Danaos ? m’interrogea-t-elle

—Ecoute moi bien ! Tu dois préparer un contre poison pour Hestia ! Elle a été empoisonnée et son bras est devenu noir, lui expliquai-je d’une traite.

—D’acc…ord hoqueta-t-elle troublée. Mon ton avait dû l’alerter sur la gravité de la situation.

—J’arrive le plus vite possible.

J’appuyais sur le bouton rouge pour éteindre l’appel et remis l’appareil dans ma poche. Je transportai Hestia, qui était légère comme une plume, jusqu’à ma moto et démarrai à tambour ouvert. Il était difficile de conduire avec une seule main, car l’autre enserrai la taille de mon amie. Je n’avais pas le choix de toute façon et j’espérais ne pas me faire arrêter par les flics. La bulle dorée qui l’entourait d’une douce clarté miroitait doucement et nous protégeait de la foudre du seigneur des cieux.

Une fois arrivé au bas de l’immeuble ou Rallyeso et moi habitions, je pris avec délicatesse Hestia et montai avec dextérité les sept étages de marches. L’adrénaline me transcendait tant la situation était urgente.

La nymphe des bois m’attendait déjà dans le couloir menant à son appartement.

—Par l’enfer, que s’est-il passé ? me demanda-t-elle horrifiée par l’état d’Hestia.

—Plus tard ! Où est-ce que je la place ? répliquai-je.

Elle reprit contenance et dit :

—Dans ma chambre, j’ai tout préparé.

Je m’y dirigeais et je déposai la blessée sur le lit de Rally qui revêtit sa fonction de guérisseuse. Elle s’empressa d’extraire les griffes venimeuses à l’aide d’une pince placée sur un linge blanc, le front plissé par l’incertitude.

Je la laissai à sa tâche, le cœur au bord des lèvres à l’idée de laisser Hestia.

Sans me retourner, j’annonçai à la nymphe :

—Zéphyr et Décerto sont morts, je vais m’occuper de leurs dépouilles.

Elle releva la tête et ses prunelles émeraudes se remplirent de chagrin.

Après un dernier regard pour ma belle danseuse, je parti m’atteler aux funérailles de deux êtres aimés.

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