Suite du 15/08/2021

"Mesdames, je vous invite à vous rendre à la pépinière, que nous puissions prendre notre thé en parlant potins et nouvelles."

Un bruit de froufrous et de murmures s'élève dans l'assemblée, et une foule de tissus se déplace tel un troupeau vers la porte de sortie qui donne sur les jardins. Vu le nombre de fois que j'ai été forcée à me rendre ici, je connais l'itinéraire comme ma poche. Il suffit de continuer tout droit sur l'allée pavée, puis de bifurquer sur la gauche, sous les arches de cerisier, et ensuite, la belle pépinière aux murs de verre apparaît, comme le Saint Graal.

Alors que je m'apprêtais à emboîter le pas aux dames, une main me saisit par le coude et me tira en arrière, sans que je ne puisse émettre la moindre protestation. Mon ravisseur ne me lâcha que dans l'ombre des murs d'un couloir sombre.

"Mais qu'est-ce qu'il vous prend à la fin?!"

Je peste contre l'homme qui me fait face.

"Vous croyez peut-être vous être débarassée de moi en me laissant en plan dans les jardins, mais vous n'allez pas vous en tirer comme cela. Belle performance, en passant, auprès de votre père. J'ai failli y croire."

Son ton railleur sur la fin ne me donne qu'une envie, inscrire la magnifique empreinte de ma main sur sa joue.

Nous verrons qui aura le dernier mot, arrogant!

"Que me voulez-vous à la fin?!"

Je souffle peu gracieusement, et replace une mèche qui a pris la liberté de s'échapper de ma coiffure.

"Votre petite réplique face à votre père m'a assez amusé, alors je vous propose de mettre en exécution ce que vous lui avez dit.

_ Quoi donc?

_ Passer plus de temps ensemble, au lieu de faire des conclusions hâtives sur notre future relation.

_ Qui vous dit qu'une "future relation" est envisageable entre nous?

_ Mademoiselle, mon séjour m'a apporté beaucoup de choses, que ce soit concernant les comportements humains, la société, en économie, en agriculture, et tout ce qui peut-être transmis.

_ Et ensuite? Avez-vous fini de vous jeter des fleurs? De faire votre auto-éloge?

_ Non, je n'ai pas fini.

_ J'ai appris bien des choses, j'ai fait face à bien des personnes. Et vous, vous n'êtes pas si différente des autres. A part que vous n'ayiez pas froid aux yeux pour repousser un homme de mon rang, de vous montrer sauvage, intrépide, et insaisissable, votre comportement, vos gestes, restent humains. Alors, croyez-moi...

_ Quoi donc?!

_ Vous êtes loin d'en avoir fini avec moi, demoiselle. Et même si vous ne faites que me repousser et qu'aucune autre option ne vous est envisageable, je vous assure que cela changera, Elisabeth..."

L'entendre prononcer mon prénom me fait frissonner, et j'essaye tout de suite de trouver un échappatoire pour masquer mon trouble.