XIX. Le brûlé

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Tous les derniers gladiateurs avaient bondi au même moment que le lézard. Maya et Saylin, derrière lui, s'étaient jeté un bref regard avant de le suivre dans la mêlée. En courant, la Reflétée se focalisa sur la neige à ses côtés et, tout en priant Aïa, la souleva en son sillage. Saylin la doubla rapidement et sourit en remarquant les progrès fulgurants de la jeune fille. Devant elles, l'affrontement s'était lancé, dans un tourbillon de neige, si légère qu'elle se soulevait au moindre mouvement des combattants. Arse s'était directement dirigé vers l'immense loup, qui s'était fait un plaisir de le recevoir. Autour d'eux, les bandits massacraient sans pitié les quelques gladiateurs inexpérimentés qui n'avaient pas osé participer à la première journée. Ses poings s'étaient enflammés, sous le regard admiratif de la foule, tandis qu'il se tenait en garde devant le monstrueux animal. Ce dernier claqua des dents en grondant, ce qui provoqua une seconde acclamation des spectateurs. Toutes les attentions étaient concentrées sur leur affrontement à venir. Chacun retenait son souffle, pariait intérieurement sur le gagnant. Pour s'assurer que la foule était à eux, le lézard se tourna vers les gradins et y lança un mouvement d'encouragements. Bientôt, tous se mirent à scander le nom de leur futur champion :" Le brûlé ! Le brûlé ! Le brûlé ! Le brûlé !"

Heureux de sa réussite, Arse se tourna à nouveau vers Feorl, lui fit un bref clin d'œil puis bondit sur lui sous les acclamations du public. Le loup roula sur le côté, se releva et tenta de faucher les jambes du lézard. Celui-ci esquiva d'un bond en arrière mais ne vit pas arriver un coup de griffe et se fit lacérer la jambe. Prit d'une fureur noire pour cette blessure qui n'aurait pas dû exister, il se positionna juste en face de la bête et pointa son pieu enflammé sous sa gorge pour la tenir en respect. Leur regard se croisèrent s'entendirent malgré la colère d'Arse qui hocha la tête, tout se passait bien. La foule hurlait, réclamait du sang, du feu, de la destruction. Avec un semblant de sourire, le loup rétrécit brutalement, se changeant en un majestueux aigle, à la tête immaculée et aux serres aiguisées comme des rasoirs. Profitant de l'effet de surprise qu'il avait provoqué, il prit son envol, érafla d'un coup sec la joue du lézard et s'éleva, malgré le filet qui lui empêchait de monter en haute altitude. Sa stupeur passée, Arse cracha au sol et chercha des yeux la silhouette imposante du rapace. Quand il la repéra, tournant en de larges cercles au-dessus de la mêlée, il courut dans sa direction, banda de toute sa force son bras tenant le pieu avant de le lancer vers le ciel. Le trait de feu poursuivit sa course a une vitesse phénoménale avant d'effleurer l'oiseau, qui s'enflamma avec un cri strident. La bête perdit l'équilibre de son vol, flancha, puis s'écrasa dans la neige avec un bruit mat. Arse fonça vers le cadavre de l'oiseau, le saisit par le coup, l'agita devant la foule déchaînée qui s'exclamait encore plus frénétiquement :" Le brûlé ! Le brûlé ! Le brûlé ! Le brûlé !", puis balança le corps au sol. Il hurla d'une fausse joie en levant son poing devant son nouveau public. Brusquement, un détail lui sauta aux yeux. Parmi la foule, composées majoritairement de teintes brunâtres, un habit blanc, pur et éclatant scintilla puis disparut soudainement. Un habit immaculé...

Deux bandits, en apercevant le couloir de neige formé par Maya se dirigèrent prudemment vers elle. En les voyant, elle refoula sa peur, se remémora son rôle, le plan de Feorl, les encouragements d'Arse. Tout allait bien se passer. Pour cacher son courage branlant, elle afficha un sourire de défi en direction des deux bandits. Ces derniers, ne s'attendant pas à une aussi jeune fille comme adversaire, s'avancèrent vers elle en ricanant, comme s'ils avaient totalement oublié l'étrange magie qu'elle produisait. Maya s'étonna de ne pas distinguer dans leurs yeux la lueur qui brillait en chaque gladiateur, la peur. Ils n'avaient pas peur. Cette pensée la terrifia. Que pouvait-elle faire face à quelqu'un qui n'avait pas peur de se battre, de prendre une vie, de mourir ? Puis elle pensa à Arse. Arse ne craignait pas la mort, ni le danger. Il redoutait de perdre. De perdre ses camarades, sa famille, ses amis, son honneur. Elle retourna le problème, elle songea comme le courageux guerrier-lézard. Il n'avait pas peur d'elle, et tant mieux pour elle. Ils ne se méfieraient pas, ils ne craindraient pas ses pouvoirs et en paieraient le prix. Elle se surprit à être vexée que ces horribles personnages ne la prennent pas au sérieux mais cette impression s'effaça vite derrière un mur de détermination. Elle allait leur montrer qui elle était. Et jamais plus ils ne la sous-estimeraient, eux, ou qui que soit d'autres.

Maya releva un regard de défi vers les deux hommes qui s'approchaient d'elle en se frottant les mains. Une ombre de doute passa dans leur regard alors qu'elle canalisait ses forces. La marque sur son visage commença à la picoter, le lien avec Aïa se noua, sa voix résonna dans sa tête, encore indéchiffrable. La neige derrière se souleva, formant un haut mur dans son dos. Un sourire aux lèvres, la Reflétée modela la glace comme un immense main, qui leur faisait signe d'approcher. Elle s'attendait à des exclamations du public mais toute l'arène semblait accaparée par le duel entre le loup et Arse. Les bandits s'arrêtèrent, se regardèrent puis, refusant de fuir devant une jeune fille, s'élancèrent en avant comme ils l'auraient fait contre n'importe quel adversaire. Maya jubila intérieurement. Enfin elle comprenait le gout du combat d'Arse, l'adrénaline tout simplement. Cependant, elle rechignait à blesser les autres. La véritable satisfaction venait de la découverte de son potentiel. Elle sépara sa gigantesque main gelée en deux plus petites. L'une balaya d'un revers le premier bandit, qui ne parvint pas à esquiver et roula au sol, la tête la première dans la neige. La seconde saisit l'autre brigand à la taille, le souleva dans les airs, le secoua quelques instants avant de le lancer sans ménagement auprès de son camarade. Si seulement le Calciné avait vu ça, si seulement quelqu'un l'avait vu, soupira-t-elle intérieurement. Doucement, elle reforma la main gigantesque, la déposa devant elle, monta dessus, tâchânt de tenir debout puis se focalisa sur le bras qui la portait. Elle se souleva dans les airs et un filet de neige la porta jusqu'au cœur de la mêlée où Arse, acclamé par toute la foule, se battait contre d'autres bandits. Aucun trace de Feorl... Le plan s'était bien déroulé. Seulement, Saylin était invisible dans la mêlée...

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