4. Guerre

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Sang.

Larmes.

Cris.

Douleur.

Elle s'avance péniblement sur le champ de bataille en contemplant les blessés. Il n'y a rien, aucune expérience, aucune habitude, qui vous empêche de vomir et de hurler en voyant ça. A chaque fois, le spectacle est pire. Il n'y a que la plus grande insensibilité qui peut vous permettre de traverser un tel enfer sans trembler de tout son corps.

Odeurs.

Métal brisé, rêves écorchés, familles déchirées.

Il y a les morts aussi bien sûr, pas seulement ceux qui vont survivre, bien qu'handicapés, pas seulement ceux qui, par miracle, ne garderont aucune séquelle de cette bataille à part leurs souvenirs qui les hanteront à jamais. Les morts sont assurément les plus chanceux. Ils ont disparus, comme ça, sans que personne ne s'en aperçoive particulièrement dans la folie de la guerre, des armes qui s'entrechoquent et du sang qui jaillit. Ils sont tombés, les uns après les autres, pour permettre à leurs compagnons de remporter cette bataille... ou de la perdre. Ils seront pleurés, ils seront honorés, ils seront à l'origine de grandes souffrances pour leurs proches, pour ceux qui remarqueront leur disparition... mais rien, rien, ne pourra remplacer les conditions dans lesquelles ils ont été tués. Rien ne pourra remplacer, rien ne pourra effacer le fait que c'est dans le chaos et la destruction qu'ils ont trouvé la fin. Rien, à part peut-être, une paix partagée que leur sacrifice aura permis de construire, lentement mais sûrement. Et encore, peut-on vraiment affirmer que la guerre est une bonne chose si elle permet d'arriver à une paix stable ? Elle ne le pense pas, en fin de compte, pas vraiment. Elle, elle aurait préféré ne jamais devenir infirmière en cette période de guerre. Elle, elle aurait préféré faire partie de ceux qui ne se relèveront jamais plutôt que de devoir panser les blessures des survivants. Elle, elle aurait préféré ne pas avoir les mains recouvertes de sang à la fin de chaque journée. Elle, elle aurait préféré ne pas avoir à les frotter en pleurant, hurlant, criant, à la fin de chaque journée, dans le vain espoir d'effacer toutes ces traces qui souillent son corps et sa conscience. Mais bien sûr, personne ne lui a demandé son avis. C'est ça le propre de la guerre : elle prend, elle prend, elle prend, sans jamais demander et sans jamais rien donner en échange. La guerre ne suit aucune règle, malgré ce qu'on essaye de nous faire croire. Et aucune guerre n'est sans cicatrices.

Destruction, fumée, mort, amours perdus, larmes incontenues.

Que faudrait-il faire pour que l'horreur s'arrête ? Et en même temps, qu'est-ce que tous ces humains qui souffrent par rapport à l'Univers ? En même temps, quelle importance avons-nous, quand on sait que notre présence dans le système solaire, dans la galaxie, dans cette myriade d'étoiles... n'est rien ? En même temps, pourquoi faudrait-il se soucier de l'humanité quand le monde est si vaste, si brillant, si... vivant, ailleurs et partout ? Nous ne sommes même pas un grain de poussière, c'est à peine si nous existons, aux yeux de l'Univers.

Elle non plus ne la connaît pas, cette importance. Elle est Perdue au milieu de cet océan de ténèbres, et pourtant, elle continue de vivre, son coeur continue de battre, une force invisible de la tirer vers l'avant. Quelle partie d'elle-même va-t-elle encore devoir laisser derrière avant, d'enfin, arriver à s'extirper du tunnel ?

Son visage crève la surface de l'eau et elle prend une grande inspiration. Mais même cinquante ans après, elle ne se sentira toujours pas propre.

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