La société n'est qu'un monde d'apparences (1)

4 minutes de lecture

 Le Festival de la Culture. C’est assurément l’une des caractéristiques principales qui différencie les écoles japonaises des autres. Du point de vue d’un occidental, le Japon est un pays de rêve, un pays où les gens sont respectueux, un pays où l’école est la meilleure, un pays idyllique dans lequel se passe tout ce qu’on peut voir dans les mangas ou dans les romans. C’est en partie vrai, mais cette vérité n’est que la face visible. Ici, au Japon, on nous apprend la discipline, l’ordre, et la responsabilité. Le culte du travail bien fait et de l’effort est bien réel. Le Japon est un pays où celui qui ne travaille pas est vu comme un raté, un pays où l’on se focalise beaucoup sur le regard d’autrui, plus que dans d’autres contrées. Ce n’est pas un pays où l’on peut dire ce que l’on pense ouvertement, il faut sans cesse courber l’échine, ravaler sa fierté, cacher ses sentiments. Au Japon, nous ne sommes pas libres, nous sommes prisonniers, prisonniers de nous-mêmes, et prisonniers des autres.

 Le Festival rompt avec cela. Il donne une certaine liberté aux élèves, puisque ce sont eux qui l’organisent du début à la fin. Voilà pourquoi la plupart des lycéens adorent ce moment. C’est la liberté qu’ils recherchent inconsciemment. Et cette liberté, on vient de me l’enlever une nouvelle fois, en me forçant à participer à ces satanées réunions du Comité d’Organisation. Il faut dire que c’est aussi de ma faute, pourquoi est-ce que j’accepte au moindre petit piège qu’on me tend ? J’aurais tout aussi bien pu refuser fermement et rester tranquille… Malheureusement, ce n’est pas ce que j’ai fait. Décidément, quelque chose ne tourne pas rond avec moi en ce moment...

 Hinokuni m’a expliqué sur le chemin que le but de ces réunions est d’organiser un événement particulier : inviter une chanteuse célèbre, qui est aussi élève de ce lycée, pour donner un concert. Le budget, l’organisation et tout ce qui se rapporte à cet événement est donc discuté chaque jour après les cours.

 Me voilà donc dans la salle de réunion du lycée, assis à coté de la Présidente du Conseil de Étudiants, autour de tables disposées en cercle. De mon coté se trouvent tous les membres du Conseil des Étudiants ainsi que d’autres Premières Années. En face, ce sont les Deuxièmes Années qui sont assis. L’élève qui préside la réunion, n’est pas Hinokuni, contre toute attente. C’est un grand jeune homme à lunettes à l’air sérieux. Il est la version masculine de Kagami. Il commence après s’être recoiffé d’un mouvement rapide de la main.

  • Merci d’être à nouveau là pour cette réunion, et merci aux nouveaux arrivants (il me regarde). Bien, commençons. La dernière fois nous avons évoqué les problèmes de budget et nous avions essayé d’y remédier par un brainstorming, sans résultat. Je propose donc que nous commencions par cela. L’idée la plus convaincante était de...

Hinokuni me chuchote à l’oreille.

  • Ça fait trois semaines qu’on est sur ça, on a pas avancé d’un poil…
  • Quoi ?!

Mince, j’ai fait trop de bruit…

  • Vous avez quelque chose à dire ? me demande le président du comité.
  • Absolument pas, réponds-je avec nonchalance sans même m'excuser.

Les étudiants de mon côté restent silencieux. Ceux d’en face, en revanche, prennent la parole pour donner leurs idées, mais le président les refuse à chaque fois sans même y réfléchir.

  • On pourrait faire une boîte à dons pour augmenter le budget !
  • Nous n’avons plus qu’une semaine avant le festival, nous n’aurons jamais assez d’argent.
  • Et si on demandait l’aide d’autres écoles ?
  • Non, le Festival vise à montrer que nous sommes capables d’organiser un événement presque national, étant donné l’importance de la Cité Étudiante au Japon. Si nous demandons de l’aide, nous ternirons notre image.

Oui, c'est bien une conversation d'adolescents de quinze à dix-sept ans. On pourrait croire que c'est une réunion d'hommes politiques farfelus mais ce sont bel et bien des lycéens. Dans ce lycée hors du commun, les élèves sont aussi hors du commun... N'oublions pas que Nishi est un établissement qui regroupe les élèves moins bons. Je n'ose pas imaginer le lycée Higashi...

 La réunion s’est déroulée ainsi pendant plus d’une heure. À la fin, on nous a mis tout le travail de comptes-rendus sur le dos, pendant que les Deuxièmes Années discutaient de toute autre chose et ne faisaient rien.

Alors que je me fais exploiter à remplir des dossiers encore et encore, Hinokuni vient me voir.

  • Alors, tu as eu un aperçu de l’horreur de ces réunions ?
  • Oui… À ce rythme là on aura jamais fini avant le Festival… D’ailleurs, pourquoi c’est pas toi la présidente ?
  • Parce que je suis en Première Année ! Même si je suis la Présidente de Conseil des Étudiants, beaucoup ne sont pas d’accord avec le fait que je sois apte pour ce poste, donc on a préféré mettre un Deuxième Année à ma place…
  • Je vois… En tout cas, ces réunions sont vraiment inutiles…
  • Ça je te le fais pas dire ! C’est pour ça que je te voulais, Kagami m’a dit que tu arrivais à toujours trouver des solutions à tout !

En entendant cela, Kagami s’approche pour s’excuser au près de moi, puis repart. Hinokuni reprend.

  • Fuyuno aurait peut-être été d’une grande aide, mais... je ne sais pas... j’ai un mauvais pressentiment, j’ai l’impression qu’elle n’est pas faite pour ça.
  • Tu as raison... réponds-je en regardant le plafond, cette fille n’est pas faite pour diriger, ça crève les yeux…

Après avoir fini mon travail, j’ai pu rentrer. Pour une fois, je vais m'impliquer dans ce que je fais. Il va falloir que je trouve une solution pour mettre fin à ces réunions. Il faut que je trouve une idée qu'on ne pourra pas réfuter, une idée parfaite...


Réfléchissons...

...

...

Ah ! J'ai trouvé !

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