La solitude fait la force

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  C'est une chance pour moi – ou plutôt pour Nakashima – que j'ai croisé Iroiro avant le tournoi. « J'ai bien envie de voir la tête qu'elle fera ! » étaient ses paroles, n'est-ce pas ? Alors je suis sûr et certain que c'est elle la coupable. Et mes intuitions sont souvent justes.

 Heureusement, personne n'est à l'horizon. Je suis tout de même dans le dortoir des filles, mais c'est pour la bonne cause. En m'approchant de la chambre 106, celle de Nakashima, j'entends des rires féminins, mais aussi masculins... Il semblerait que je ne sois pas le seul garçon à avoir enfreint les règles... Sans plus attendre, j'ouvre la porte fermement, ces idiots ne l'avaient pas fermée à clé. Un spectacle décadent se présente alors à mes yeux.

Devant moi, trois étudiants mineurs, deux garçons et Iroiro, sont en train de fumer ce qui semble être du tabac, voire pire. Des bouteilles d'alcool jonchent le sol. Une odeur nauséabonde de fumée envahit la pièce. Iroiro porte à son cou le collier argenté de Nakashima. J'avais vu juste. Un des deux garçons qui accompagnent la jeune fille s'approche de moi.

  • Qu'est ce que tu fais là, gamin ?

Je l'ignore et m'avance un peu plus dans la pièce.

  • Iroiro-senpai, où as-tu eu ce collier, il est beau...
  • Quoi ? T'es qui déjà ?

Elle ne m'a pas reconnu. Pourtant j'étais là hier et nous nous sommes croisés ce matin... Il faut dire que je suis invisible à peu près tout le temps...

  • Je suis juste un première année, et ce collier, c'est pas le même que celui de Nakashima ?
  • Je vois, alors c'est elle qui t'a dit de venir me le reprendre...
  • Non, elle ne sait même pas que c'est toi qui l'as pris.
  • Ha ha ! Elle n'avait qu'à pas me prendre de haut et laisser son précieux collier dans les vestiaires ! s'exclame-t-elle fière de son acte, de ce rire méprisant si caractéristique de ceux qui vous rabaissent.

Il est vrai qu'elle n'est pas maline. Elle tient tant à son collier mais le laisse dans les vestiaires, à la vue de n'importe quel chapardeur...

Le garçon que j'avais ignoré me saisit l'épaule.

  • Eh, je t'ai parlé, pourquoi tu m'ignores, gamin ?
  • Parce que c'est pas à toi que je suis venu parler.
  • Espèce de...

 Avant de finir sa phrase, il se jette sur moi, en même temps que le deuxième garçon présent. Ils essayent de me frapper mais avant même qu'ils en soient conscients, je suis déjà derrière eux. Ils se tournent rapidement après l'avoir réalisé mais un coup de poing dans le ventre me suffit à terrasser le premier. Le deuxième est plus vivace. Il me roue de coups mais n'arrive jamais à toucher sa cible. Lorsque j'en ai assez d'esquiver, je passe derrière lui et lui fais une clé de bras. Après l'avoir plaqué au sol, je lui donne un bref coup du tranchant de la main sur sa nuque. Il perd alors connaissance.

Je m'approche d'Iroiro. Celle-ci recule et a l'air d'avoir peur de moi.

  • J'espère que tu me prends au sérieux, maintenant, lui dis-je en la regardant fermement dans les yeux.
  • P-Pourquoi tu fais ça ?
  • Je te l'ai dit, non ? Donne moi son collier.
  • D'accord, d'accord, tiens, le voilà !

Elle me donne rapidement ce que je suis venu chercher.

  • T'inquiète pas, je vais pas te frapper. Mais tu vas faire quelque chose pour moi.
  • Hein ?
  • Premièrement, tu vas nettoyer cette chambre jusqu'à ce qu'elle brille, deuxièmement, je veux que tu ne dises à personne ce que tu viens de voir, et troisièmement, tu vas remplir le formulaire pour changer de chambre.
  • Quoi ?! Mais pourquoi je t'obéirais ?

Elle pense encore être en position de supériorité ? Vraiment exaspérant...

  • Ce serait dommage qu'un professeur apprenne que l'une des élèves fume et boit de l'alcool dans l'enceinte du lycée, non ?
  • Je t'en supplie, tout mais pas ça !
  • Je ne dirai rien, alors fais ce que je t'ai dit de faire et tu n'entendras plus parler de moi.

Elle accepte finalement. Une fois ressorti dans le couloir, je respire un bon coup, cette odeur de tabac était devenue insupportable. Je range le collier dans ma poche puis je me dirige vers son propriétaire.

***

 Le soleil a fini par se coucher. Le ciel est maintenant totalement rouge, comme si les nuages saignaient. Il n'y a pas un bruit dans les couloirs. On pourrait presque s'attendre à voir passer un virevoltant comme dans les vieux films de western. La salle de classe est calme et éclairée par cette lumière écarlate. Nakashima ne pleure plus mais elle est toujours mal en point. Kagami et Fuyuno ne sont plus là. Il ne reste plus que le président et sa fille. Je rentre alors nonchalamment dans la salle, les mains dans les poches en baillant.

  • Vous êtes toujours pas rentrés ? demandé-je.

Le président essaye de m'expliquer la situation.

  • Eh bien, en fait...

Je le coupe brusquement.

  • J'ai trouvé ce truc par terre, c'est à toi, Aiko, non ?

En entendant ces mots, Nakashima se retourne brusquement et ses yeux s'écarquillent. Je m'approche d'elle et le lui donne. Elle le porte dans le creux de ses mains et le regarde longuement. Elle lève ensuite la tête vers moi. Ses yeux sont remplis de larmes. Elle se jette à mon cou et s'y accroche, avant de fondre en larmes, sa tête sur mon épaule.

  • … Merci !!! … Merci de l'avoir trouvé ! Merci !!!

Elle ne peut retenir ses larmes. Elles me serre de plus en plus comme si elle tenait une peluche, ce à quoi son père réagit.

  • Mais... Ne la serre pas comme ça, je ne t'ai pas permis de la toucher !
  • C'est elle qui me serre, j'ai rien demandé, moi, lui réponds-je difficilement.

Je parviens finalement à la détacher de moi. Lorsqu'elle reprend enfin ses esprits, je précise bien les choses afin qu'elle ne s'imagine rien.

  • Je l'ai juste trouvé par terre, pas de quoi en faire tout un plat.
  • Ce collier lui a été offert par son grand-père, elle y tient beaucoup, m'explique le président.
  • Mais tout de même... ça fait deux fois que tu m'aides... dit Nakashima en regardant le sol avec un léger sourire.

Elle se rend alors compte de son erreur et prend un air surpris en mettant sa main devant la bouche pour montrer qu'elle a fait une gaffe.

En entendant cela, le président reste quelques secondes sans dire un mot, puis se décide à réagir.

  • Quoi ? Comment ça la deuxième fois ?
  • Ah... euh... non... rien !
  • Je l'ai hébergée pour une nuit, dis-je nonchalamment

En entendant cela, la concernée m'adresse un regard presque horrifié voulant dire « Pourquoi tu lui as dit ? ».

Il me faut trouver une excuse pour l'expliquer à son père. Nakashima ne veut pas que son père sache qu'elle se fait persécuter par sa colocataire.

  • Hébergée ?! Comment ça ?!!!
  • Il y avait des travaux de canalisations dans sa chambre et elle n'avait nulle part où dormir, et il pleuvait.

Je sais très bien mentir, contrairement à Nakashima. Il n'y a aucun mal à mentir, si c'est pour la bonne cause. On dit souvent que la vérité est cruelle. Le mensonge est son opposé alors je peux dire que le mensonge est une forme de gentillesse.

  • Je vois... dit le président.
  • Vous n'êtes pas en colère ? demandé-je.
  • Je préfère ça plutôt que ma fille reste sous la pluie. Alors je te remercie.

Il incline sa tête pour exprimer sa gratitude. Il se lève ensuite brusquement et me regarde de haut.

  • Yamatori, tu es quelqu'un de bien. Quelqu'un de confiance, tu nous l'as démontré jusqu'ici. Tu as aidé ma fille et tu n'as jamais essayé de lui faire du mal. Tu es fort et intelligent.
  • Qu'est-ce que vous essayez de dire ?

Soudain, sans crier gare, il s'incline rapidement. Son corps forme maintenant un angle à quatre-vingt dix degrés.

  • S'il te plaît, continue de veiller sur ma fille pendant mon absence !

« Hein ? » est la réaction que moi et Nakashima avons eu.

  • Veiller sur votre fille ? Pourquoi ferais-je une telle chose ?
  • S'il te plaît ! dit-il en renforçant son inclinaison, si c'est ce que tu désires alors tu seras payé !
  • Je ne veux pas de votre argent. Mais relevez-vous, c'est vraiment bizarre que le président de la Cité Étudiante s'incline devant un élève...

Il se relève finalement. Il me regarde avec insistance, guettant ma réponse.

  • Qu'est-ce que vous voulez dire par « veiller sur elle » ? demandé-je en soupirant.
  • Ne t'inquiète pas, tu auras juste à faire attention qu'il ne lui arrive rien de mal. Par exemple tu pourras l'aider si elle a des problèmes.
  • Elle a des amis pour ça...
  • S'il te plaît ! répète-t-il en baissant légèrement la tête pour m'inciter à accepter.

Je me dirige vers la fenêtre. On entend du bruit venant du gymnase. Le soleil a bientôt fini de se coucher, et le ciel est encore plus écarlate. Sans me retourner, je marmonne ma réponse.

  • Bah... si j'ai juste à observer, ce sera simple puisqu'on est voisins de table...

Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter ?! Pourquoi avoir fait une chose pareille ?! Je ne serai plus jamais tranquille...

En entendant cela, le président prend une mine réjouie avant de se précipiter vers moi et de me prendre les mains.

  • Merci, Yamatori, tu es quelqu'un de bien !

Nakashima se lève de la chaise sur laquelle elle était assise puis s'avance un peu trop près de moi, avec ce grand sourire dont elle a le secret.

  • Dis, Yamatori, tu viens à la fête de fin du tournoi ?
  • Il y a une fête ?
  • Oui, dans le gymnase ! T'as dû remarquer qu'il y a personne dans le lycée, c'est pour ça ! Il paraît même qu'il y aura un feu d'artifice ! Tu viens ?
  • Non, j'y vais pas.
  • Hein ? Mais pourquoi ? Allez !
  • Non, c'est non.
  • Ohh ! Allez !

Après avoir insisté et essayé de me convaincre pendant une demi-heure, elle a finalement cédé, puis est partie à cette fameuse fête avec son père, Fuyuno et Kagami. Pour ma part, je me suis contenté de retourner dans ma chambre et de me reposer.

***

 Le lycée est tellement calme, c'est agréable. Vers 22h, un éclat retentit dans le ciel. Le feu d'artifice a commencé. Ma chambre est bien positionnée, depuis ma fenêtre, je peux voir le gymnase du lycée, ainsi que la foule qui y est présente. Des lumières, des stands de nourriture, et des décorations ornent le lieu. Dans le ciel, des fleurs de feu apparaissent les unes après les autres, offrant un bouquet magnifique qui donne du pétillant à ce ciel morose. Si j'étais accompagné, je n'aurais jamais pu profiter pleinement de ce spectacle. Si j'avais été dans la foule, j'aurais été obligé de me tordre le cou pour regarder le ciel. Or, en ce moment, je suis assis confortablement sur mon lit à admirer le ciel qui est dans mon champ de vision direct. Seul, je profite mieux de la vie. C'est seul que j'ai résolu tous les problèmes qui se sont posés. Il n'y a pas à dire, ma devise est on ne peut plus juste...

Vraiment, la solitude est le remède à tous les maux...

FIN DU TOME 1

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