Si l'ennui était mortel, l'école serait un cimetière

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 La cérémonie d'ouverture. Ce moment que tout étudiant redoute, non pas par stress ou par peur, mais par ennui. Ce moment marqué par les discours interminables du proviseur, du président du conseil des étudiants ainsi que du major de la promotion précédente. La moitié – si ce n'est les trois quarts – des élèves prolongent pendant cet enfer le sommeil dont ils ont été tirés pour venir. Si je devais faire une comparaison, j'assimilerais ce moment au monde : ennuyeux, cliché, sans surprise et rien qui puisse le rendre palpitant. Les gens sont inintéressants, à commencer par moi. Je ne peux qu'être témoin de ce quotidien qui semble invariablement conduire vers la même chose : l'ennui. Malgré tout, les jours défilent, les mois s'écoulent, les années passent, et le temps file comme une ombre. Même si ce quotidien est ennuyant, il me convient parfaitement et c'est celui auquel j'aspire.

 Après les discours soporifiques, il est temps pour les étudiants de rejoindre leurs classes respectives. Je me dépêche donc de me diriger vers la classe 1-B pour réserver une place. Bien évidemment, je veux la place du fond. Cependant, jamais je ne céderai au cliché du manga en prenant la place qui se trouve du côté de la fenêtre. La place du fond, à côté de la porte, est de loin préférable. Elle permet en effet de sortir plus rapidement à la fin des cours.

 Le professeur principal est en retard. Certains élèves se connaissaient déjà et avaient déjà formé leur groupe. Pour ma part, je reste dans mon coin à attendre désespérément que la sonnerie retentisse afin de rentrer chez moi. Au bout de quelques minutes, un élève se lève et se dirige vers l'estrade, au niveau du tableau. C'est un garçon aux cheveux en bataille, blond aux yeux verts, assez grand et qui arbore un grand sourire. Il a l'air d'être quelqu'un de bien et incarne ce que l'on pourrait appeler un beau gosse. Il réclame l'attention de ses camarades.

  • Votre attention, je voudrais vous proposer quelque chose, comme le professeur est en retard, j'aimerais que l'on se présente pour mieux devenir amis !
  • Je suis d'accord !
  • Oui faisons ça !

Ce garçon est sûrement celui qui sera le plus populaire dans la classe, beau, de bonnes notes, des bonnes compétences en communication et gentil, les filles seront folles de lui et les garçons compteront beaucoup sur lui. Il est probablement le genre d'élève à rejoindre le club de football et devenir célèbre dans toute l'école.

  • Bien, alors je commence : je m'appelle Arima Akio, ravi de vous rencontrer ! J'espère bien m'entendre avec vous tous et être votre ami, donc n'hésitez pas à venir me parler ! J'aime beaucoup tout ce qui touche aux activités d'extérieur et je compte rejoindre le club de football.

Bingo. J'avais vu juste, mes talents d'observation ne me trahissent jamais. Ce monde est tellement répétitif et ennuyeux qu'il n'y a personne qui puisse sortir du lot et être un peu spécial. Quoi qu'il en soit, après les applaudissements, c'est au tour d'une jeune fille à l'air taciturne de se présenter. D'une beauté sans pareille. Ses cheveux longs et noirs brillent à la lumière de la fenêtre à côté de laquelle elle est assise. Ses yeux sont d'un bleu si profond et éclairé qu'on croirait plonger dans une mer infinie et rejoindre le ciel tropical en même temps. Cette fille sera sûrement populaire, bien que son côté taciturne l'empêche d'avoir des amis. Belle et intelligente, elle sera difficilement accessible, les filles l'admireront et les garçons l'aimeront. Elle est probablement habituée à la solitude. C'est avec grâce et élégance qu'elle se lève pour se présenter de manière rapide et sans bavure.

  • Je m'appelle Fuyuno Yuki, ravie de vous rencontrer.

Le fait qu'elle se soit rassise directement sans développer sur ses goûts et loisirs a laissé une sorte de malaise dans la classe. Néanmoins, quelques timides applaudissements ont tout de même retenti avant de passer à quelqu'un d'autre.

 Les élèves se présentent à tour de rôle. Étant assis au fond, il va sans dire que je vais passer en dernier. Dans tous les cas, je vais tout de même devoir le faire. Comment devrais-je me présenter ? Jouer le sociable ? Non. Ce serait mentir. Peut-être devrais-je faire comme Fuyuno. Mais est-ce que je devrais dire « ravi de vous rencontrer » ? Après tout, je ne suis pas ravi de les rencontrer, tout ce que je veux, c'est rentrer chez moi. À la base, je n'ai même pas envie de les rencontrer.

  • C'est ton tour, tu m'entends ?

C'est Arima. Mon tour est déjà arrivé. Bien, advienne que pourra.

  • Je suis Yamatori Kei.

Voilà. Rapide, clair, précis et sans parler plus. Ils voulaient que je me présente : je me suis présenté. Qu'ils ne s'attendent pas à plus. Quoi qu'il en soit, après m'être rassis, un silence a pris place dans la salle. Il semblerait que j'aie créé une plus grande gêne que Fuyuno. Ce silence dure quelques minutes puis est brisé par le son de talons qui s'approchent. Le professeur principal est arrivé.

 Plutôt devrais-je dire la professeure. Elle vérifie le numéro de la salle avant d'entrer. C'est une jeune femme qui a l'air d'avoir moins de trente ans. Elle porte un tailleur noir comme la nuit, ce qui contraste avec ses cheveux d'un rouge vif attachés en queue de cheval. Ses yeux assortis à ses cheveux ne montrent aucune envie, ni aucun enthousiasme, j'ai cru voir mes propres yeux en elle. Elle s'avance vers le tableau puis écrit son nom dessus.

  • Voilà, je suis Akatsuki Akane, votre professeure principale. Vous allez rester dans la même classe pendant trois ans donc je serai aussi votre professeure pendant trois ans. Soyez sages.

Elle n'avait aucun entrain en disant cela. On aurait dit que, comme moi, elle voulait rentrer au plus vite.

  • Bien, je vais vous distribuer vos emplois du temps et vous donner la clé de votre chambre de dortoir. Après ça vous pourrez partir.

Chambre 201. C'est donc ma nouvelle maison. Mon emploi du temps n'est pas si mauvais et la professeure nous libère plus tôt que prévu, il semblerait que la chance soit de mon côté. Ravi de finir en avance, je me dépêche de ranger mes affaires et de sortir. La rentrée est enfin terminée.

 Ma chambre est assez grande. La fenêtre laisse passer les rayons du soleil qui viennent se loger dans mes yeux, ce que je trouve insupportable. Il n'y a que les meubles de base : un lit, une armoire, un bureau. Une salle de bain et une cuisine sont, fort heureusement, intégrées à la chambre. Je m'allonge sur le lit et je fixe le plafond. Ce plafond blanc, monochrome, sans aucune trace. Cette couleur qui symbolise traditionnellement la pureté et la sérénité. Mais lorsqu'on le regarde de plus près et plus longuement, on peut s’apercevoir de quelque chose. Ce blanc paraît imperturbable, éternel et profond. Il suffirait d'un tout petit élément pour le changer, et pourtant, cet élément ne vient pas. Le blanc reste donc le même, ne change pas. Lorsque le plafond est sale, on le nettoie et il redevient comme avant. Il reste dans une boucle infinie, sans changement, sans variation, provoquant un ennui éternel, à l'image de ce monde. C'est dans cet esprit que j'ai terminé la journée. Je regardais par la fenêtre, puis je lisais un livre, puis je surfais sur internet, et je répétai cette boucle. À la fin de la journée, il était temps de prendre un bain puis de manger. Après cela, l'heure est venue de se coucher.

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