Et maintenant... (réécriture)

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*Kévin*

Un mois après avoir vu pour la dernière fois Lola dans son lit d’hôpital, Kévin ne résista pas à l’envie de lui téléphoner. En entendant sa voix dans le combiné, la jeune femme, bouleversée, raccrocha immédiatement. Une autre fois, il la suivit dans la rue, se cacha derrière un journal pour l’espionner à la terrasse d’un café. Mais, Lola était aux aguets à chaque sortie, elle remarqua son manège et sans plus attendre elle retourna chez les Meyer, la peur au ventre.

Lola voulait en finir une fois pour toute, en finir avec cette émotion de danger ancrée en elle. Plus combative que jamais, elle déposa enfin plainte. Kévin fut jugé en comparution immédiate. Il écopa d’une lourde amende et d’une peine d’emprisonnement de deux ans. N’étant pas récidiviste et reconnaissant les faits, le Juge le dispensa d’exécuter sa peine à la condition qu’il se soumette à une obligation de soins avec l’interdiction d’approcher Lola.

Kévin se dégoûtait… Il tenait plus de la bête que de l'être humain et ce constat sur lui-même, il ne le supportait plus. Il avait besoin d'aide. Quelque chose clochait en lui. Mais quoi ? Il accueillit donc l’obligation de soins comme une bénédiction. Le psychologue, au bout de plusieurs séances, l’amena à interpréter le mécanisme de cette violence si sournoise.

Grâce à cette psychothérapie, il comprit que sa vie lui avait échappé : au fil des jours, il s'était installé dans le rôle du mec toujours en colère qui ne supportait pas les contrariétés, la pression des responsabilités toujours plus lourdes au boulot. Au fur et à mesure de ses échecs, une frustration latente s'était enracinée en lui et il avait perdu le contrôle de son quotidien. Et cette spoliation injuste, il l'avait faite payer à Lola. Elle avait été le réceptacle de la colère qu'il cherchait à évacuer. Elle n'avait rien fait pour mériter ça. Pourquoi n'avait-il pas su trouver d'autres exutoires à cette vexation ? Tous les jours, des hommes et des femmes étaient soumis au stress, au désarroi, aux affronts, aux privations, mais tous n’étaient pas violents pour autant.

Kévin n'avait jamais aimé une femme aussi ardemment, Lola était son joyau, son sel, son sang… Et pourtant, il l'avait abîmée ! Il avait fait d’elle, une victime !

Deux ans plus tard, cette responsabilité, lourde à porter, il l’accepte… Elle était son fardeau pour la vie.

*Lola*

Comment Lola se sentait-elle vingt-quatre mois plus tard ?

Vivante et heureuse de ressentir la vie. Elle n’était pas morte !

Elle restait toutefois marquée à tout jamais au fer rouge d’une encre indélébile par la déferlante de violence subie jusque dans sa chair, à l'image que le serait l'annonce d'un cancer agissant comme un cataclysme dans une vie.

Mais elle espérait juste, qu'avec le temps, cette encre ne resterait pas aussi noire…

Reprendre sa vie en main ne fut pas facile, et elle avait mis du temps à oublier Kévin. Les effets de sa violence s’inscrivaient beaucoup plus profondément dans sa chair que les bleus qui lui avaient marqué la peau durant des semaines… Ce genre de violence dont les blessures ne saignent que de l'intérieur. Mais, Lola se sentait très fière du chemin parcouru grâce à ses efforts.

Une fois les traces de meurtrissures sur son visage disparues, Lola tint à reprendre son travail. Elle éprouvait le besoin de reprendre sa vie sociale en main afin de redonner un sens à sa vie. Ce fut sa priorité avant toute chose. Elle se sentait l'âme d'une battante ! Elle était une miraculée !

Et Paul fut formidable. Il était le père qu'elle n'avait jamais eu !

Lola était comblée d'occuper un emploi dans lequel elle se reconnaissait pleinement, où ses capacités étaient reconnues. Elle se sentait privilégiée, en tant qu'ancienne femme battue, d'être en mesure de choisir ce qu'il lui convenait ou pas sans devoir justifier ses choix et ses envies à un homme.

****

Cath la guida, la soutint et l’appuya dans ses décisions. Sans elle, elle n'aurait jamais eu le courage de réagir. Sans elle, elle n'aurait jamais eu le courage de déposer plainte. Elle n’aurait jamais eu le courage de PARLER ! Parler pour évacuer le mal et la souffrance !

Sur ses conseils, Lola rejoignit l'association. Au fil des réunions, la jeune femme raconta sa propre histoire, sans être jugée ou montrée du doigt ; et elle se sentit moins seule, moins isolée face à ce fléau. Elle retrouva peu à peu une confiance et une force qu'elle pensait avoir perdues à tout jamais. Ses amis et l'association furent chaque minute à ses côtés pour l'aider à sortir la tête de l'eau. Et à son tour, elle fut une oreille attentive à tous les témoignages plus horribles les uns que les autres.

Jamais elle n'aurait pensé que la violence au sein d'un couple puisse atteindre de telles proportions. Sa plus grande surprise fut la présence de quelques hommes dans ces réunions. Peu nombreux, il n'était pas forcément facile pour eux de se dire l'objet de violence de la part de leur conjointe ou petite amie. Lola n’aurait pensé que des femmes puissent être des tortionnaires, des dominatrices impitoyables.

Dans notre société, l'homme représente une image virile, il détient la force morale et physique, alors tous ces hommes battus ont tout simplement honte de se faire dominer par des femmes.

Lola fut profondément émue par le témoignage quasi-inavouable de l'un d'entre eux.

« La solitude de l'homme battu est tout aussi terrible à vivre que celle de la femme battue ! confessa celui-ci. Comment dire à mes copains autour d'une bière que ce cocard c'est ma femme qui me l'a fait ? Ou bien que ce n'est pas au rugby que je me suis fêlé une côte mais que ça s'est passé dans la cuisine ».

Il pouvait « charger » sa femme mais porter publiquement l'étiquette d'homme battu était au dessus de ses forces.

Lola avait trouvé un sens à sa vie. À travers le récit de son propre parcours, elle était la preuve vivante, aux yeux de toutes ces personnes abîmées par la vie, que l'on pouvait se sortir de cet enfer.

Il leur fallait juste trouver la force de briser ce silence, la force de briser ce tabou sans honte… Parce que CE silence cachait CETTE violence.

« La parole est LA seule arme pour éradiquer ce fléau, aimait-elle leur rappeler, sans cesse. »

Lola œuvrait sans discontinu. Les avancées juridiques dans ce domaine, même si beaucoup trop de victimes se taisaient encore, avaient considérablement évolué.

*****

Que serait-elle devenue si Lola était restée avec Kévin ? La jeune femme préférait ne pas y penser pour se concentrer sur ce qu'elle était devenue : une femme plus forte qui avait appris de ses erreurs !

Elle savait que toute forme de violence nuisait à l’amour ! Rien, absolument rien, ne justifiait la violence !

Malgré tout, il lui arrivait encore certaines nuits de se réveiller en sursaut, le corps moite de cauchemars. Plongée dans l'obscurité de sa chambre, le fantôme de Kévin la terrorisait toujours. Mais elle ne lâchait rien et continuait le combat !

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