Chapitre Antépénultième : Je suis Gilgamesh

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 Des mois ont passé depuis la découverte de la chambre secrète. Je me suis employé à lire chaque ligne tracée de la main de l'hôte de ce lieu, à maîtriser la moindre des armes, comprendre la fonction de chaque armure, et réaliser à la perfection chaque mouvement décrit.

Une voix dans ma tête m'exhorte à retourner honorer les morts, car voilà deux ans que personne ne s'est plus recueilli, ni n'a compati à leur sort. Les gardes-tempêtes me regardent tous me préparer, et se demandent pourquoi je m'équipe de l'armure la plus lourde jamais fabriquée, ainsi que d'armes qu'ils n'ont jamais vues auparavant. Hallena m'interrompt :

          « Gallen, pourquoi te vêtir ainsi, où vas-tu ?

  • J'ai des responsabilités à remplir.

  • Des responsabilités ? Où as-tu trouver ces armes ? Elles ne ressemblent à aucune autre !

  • Si je te disais que je suis la volonté de Gilgamesh ? Si je te disais que même lui me considérait comme son digne héritier ? Que me dirais-tu ?

  • Je dirais que tu es fou ! Enfin peut-être bien, nous savons tous qu'il t'adorait, mais tu nous inquiètes à présent !

  • Vous n'avez aucune raison d'avoir peur.

  • Pourquoi, parce que cette armure en os te protégera de tous les dangers ? Accepte au moins que je vienne avec toi !

  • C'est hors de question. Le chemin que j'emprunte, je dois être le seul à l'arpenter, c'est une condition nécessaire. Si par hasard je ne revenais pas, ne me pleurez pas, mais débusquez le traître qui est dans nos rangs.

  • Tu... tu es si borné !

  • Allons, fais place Hallena. »

          Après la conversation, je reprends le chemin du village, et le traverse. Les gens m'adressent des regards hagards, et je croise celui d'Assalice, qui pour la première fois de sa vie, m'évite. J'en fais fi, repasse devant la maison de la famille d'Edwanna, sans lever les yeux au ciel, de peur d'y revoir le fantôme de ma vie, et m'aventure enfin dans le lieu délaissé de tous.

De nouveau je protège ma bouche des nuages denses, de nouveau j'emprunte un chemin que je sais de mauvaise augure, mais quelque part il faut que je sache. Il m'est primordial d'une part de faire honneur aux disparus, et d'autre part de vérifier la version d'Assalice ; les heures à venir sont maintenant décisives.

Mes pas me guident à travers les champs de pierre, et les fleurs présentes sont toujours figées dans leur éternité. Je prends soin de ne pas les ébrécher et poursuis mon chemin. J'aperçois l'arbre à demi transformé, et je ne remarque pas de progression depuis la dernière fois. Enfin, devant moi, se dresse une barrière épaisse de fumée blanche. Je dégaine mon arc, attrape cinq flèches, je les enflamme, et les propulse alors devant moi, en couvrant un maximum de distance.

J'ai pris soin de confectionner la même substance que celle dont a usé mon « protecteur », aussi mes projectiles tracent-ils cinq couloirs dans la mélasse, avant que je n'embrase des bougies, calées dans les interstices de mon armure, et que je ne trace un cercle en déversant la même substance tout autour de moi.

          « Ne m'avez-vous pas entendu ? Je suis revenu pour vous ! ».
Des cris retentissent, et j'imagine déjà la queue des reptiles glisser sur le sol d'os brisés ; mais je suis préparé cette fois-ci. Je me concentre, ferme les yeux, et vise. Je ressens presque la présence des semeurs de mort, et je devine leur forme par delà les brumes.

Au moment que je juge le meilleur, j'ouvre mes yeux et entame des tirs à répétition. Je sais que je fais mouche à chaque tentative, mais mes sens sont troublés par ce magma sans consistance de blancheur éclatante, et je devine grâce aux couloirs ainsi tracés que les créatures sont plus nombreuses qu'escompté.

Mes munitions diminuent dangereusement, contrairement au nombre d'ennemi encore à abattre ; je conserve une flèche. Je me précipite sur un serpent, qui déploie ses dents dans le but de m'arracher la gorge, mais j'opère une esquive, en assénant un coup de poing dans sa gueule, avant de rouler par dessus son corps écailleux, de planter mon arme dans sa peau lisse, et de tirer de toutes mes forces.

Les lanières aux dents de fer sectionnent la chair dans toute sa profondeur, se frayent un passage jusqu'à l'autre extrémité, pour ressortir ensanglantées, et la créature succombe, littéralement coupée en deux. Alors, un coup m'est porté, à l'aide d'une queue dissimulée dans les brumes, et je suis projeté à la limite du cercle que j'ai précédemment tracé.

Mon armure encaisse le choc, mais les bougies sont presque toutes consumées. Alors j'embrase ma dernière flèche, que je plante dans la matière visqueuse, puis roule jusqu'au centre de mon arène improvisé. Les flammes surgissent brutalement du sol, et chassent les émanations terrifiantes.

Mes yeux découvrent alors des dizaines de reptiles, qui enragés par la clarté ambiante, se mettent à hurler de toutes leurs forces. Leur salive au contact du feu les embrase à leur tour, et tous ceux pris dans mon brasier circulaire, agonisent sans m'émouvoir. Je jubile en observant la panique dans leurs pupilles en losange, où je me tiens stoïque, au milieu de la fournaise.

Toutes les abominations extérieures à mon cercle se mettent à fuir dans toutes les direction, et bientôt je me retrouve seul au centre de mon refuge, satisfait. Je pose un genou à terre, dans le but de souffler un peu, avant de reprendre ma route.
De nouveau je m'aventure sur la corniche abrupte, avant d'escalader la grotte, et de parvenir, comme alors, au sommet du mont après moins d'une heure d'ascension, et dans le calme absolu.

Voilà deux ans que cette scène s'est jouée, voilà deux ans que j'ai tout perdu. Pourtant, les blessures dans mon âme ne sont pas refermées. J'avance avec ce traumatisme qui me hante, les mains tremblantes, et le cœur haletant. Je sais qu'au bout de ce chemin, une embuscade m'attend, mais je sais aussi qu'au bout de ce chemin, la vérité me sera dévoilée ; je sais qu'au bout de ce chemin, tout va basculer.

Je progresse sous un ciel radieux, l'esprit fébrile, et tente tant bien que mal de me calmer. Des visions du combat de jadis me reviennent en mémoire, que je tente de chasser d'un basculement de la tête sur le côté. C'est alors que je le vis. Mon mentor, mon maître, mon second père, était allongé sans le moindre soin, ses os exhibés à la lumière farouche destinée aux vivants, une épée plantée dans le thorax.

          Mes yeux ne pouvaient délaisser un pareil spectacle, quand pendant deux ans, c'est dans une solitude insultante, que la seconde meilleure personne jamais portée à ma connaissance reposait.

Je m'avançais, mais je savais déjà à quoi allait ressembler cette lame. Je voyais déjà sa poignée, ainsi que les formes de sa garde, puis chaque détail ornant son tranchant. Je retirais l'objet infâme de la dépouille, avant d'utiliser le restant de substance que j'avais encore en ma possession, comme un enduit pour le combat à venir.

Le carquois aux flèches munies de fils tranchants de feu mon mentor reposait tout proche. Je m'en équipais aussi. Je traçai des lignes presque invisibles tout autour de moi, en ficelant les roches entre elles, dans l'espoir d'amoindrir les hordes, celles-ci même qui commençaient déjà à créer de la fumée dans la distance, mais dans mon idée viendraient se faire découper en morceaux. Alors je me mis en position, en fléchissant légèrement les genoux, observant cette épée ignoble, mais salvatrice, cet objet de mort, détentrice de mon salut.

Les hordes déferlèrent, mais les hurlements de haine laissèrent place à des cris de douleur. Les brumes ne franchissaient pas mon périmètre, et ces quelques minutes de répit, je les aurai en mémoire à jamais. Puis une créature profita de l'amoncellement de carcasses de ses congénères pour passer par dessus les défenses. Elle se précipita sur moi et j'esquivai, en opérant un simple glissé de mon épée sur sa peau tendre, une infime déchirure, une petite coupure ; la créature était maintenant paralysée.

D'autres se jetèrent à l'assaut, plus petites pourtant, et je n'eus aucun mal à les défaire, car elles ne semblaient pas avoir la capacité de produire les nuages cauchemardesques. Un moment donné, une des créatures traversa, et m'attrapa avec vélocité, quand j'avais le dos tourné. Cette dernière me plaqua contre la roche, en frappant mes poings si fort que j'en lâchai mon arme.

Elle me retenait fermement, mais je pus lui asséner un coup de tête afin de gagner quelques secondes, suffisantes à me saisir de mon couteau recourbé, et lui taillader le visage. L'assaillant recula, et je crus pouvoir me relever, avant que sa queue ne me plaque encore, avec virulence, contre cette pierre que je pensais épouser.
De ses deux bras il arracha deux côtes de mon armure, et je profitai de mes mains libres pour lui mettre un coup dans la gueule. En riposte furieuse, il attrapa mon casque et tenta de le broyer, ma tête encore à l'intérieur. Pourtant, le tout étant fait d'os, il ne parvint qu'à le fracturer.

Alors, d'une main il me plaqua le visage contre le roc, et de l'autre y fit glisser ses griffes acérées. Des étincelles jaillirent, et tombèrent sur mon épée, qui s'enflamma brutalement. Je profitai de la surprise de l'animal pour m'en saisir et le transpercer avec. Les nuages autour de moi étaient consumés par le feu, et tous les hostiles marquèrent un temps d'arrêt.

Au bout d'un moment, les plus petits retentèrent une percée, mais je les tins en échec d'un moulinet ou d'une d'une botte. Alors, sans doute essuyant des pertes trop importantes, les monstres battirent en retraite ; heureusement pour moi d'ailleurs, car je n'avais plus de corde à mon arc, dans tous les sens du terme.

Je récupérais les ossements de mon mentor, que je plaçai dans une sacoche, avant de reprendre la direction de la tyrolienne, et d'affronter mon destin.
A mon arrivée au sanctuaire, il y avait tous les gardes-tempêtes qui vaquaient à leurs occupations habituelles, mais Hallena intervint pour me parler. J'aurais été disposé à l'écouter, si mes yeux ne s'étaient pas attachés à une silhouette en particulier, face au promontoire, à l'endroit favori de feu Gilgamesh.

Les mots d'Hallena me semblent encore aujourd'hui tout à fait flous, et je serais bien incapable de savoir de quoi il me parlait alors. Pour son compte, il ne remarqua mon désintérêt que tard dans mon avancée, avant de finalement s'interrompre en alternant son regard entre Assalice et moi, plusieurs fois. Je lui tendis le sac contenant les ossements, et ne me focalisais plus sur tous les gardes-tempêtes rassemblés autour de moi. Tous voulaient célébrer mon retour, mais j'avais un tout autre plan.

Je dégainai l'épée meurtrière, avant de la jeter devant moi, pour que le bruit de sa chute sur la pierre réveille mon infâme compagnon. Celui-ci opéra un léger pivot de la tête, sans daigner pourtant me regarder, puis je me souvins de la paralysie de la créature, et du poison extirpé de mes veines quelques années plus tôt.

J'ignore par quel miracle, mais le traître était parvenu à concocter un venin plus que persistant, aussi pouvais-je à présent mettre un visage derrière ce guerrier vêtu de ténèbres, m'ayant défait par le passé. Je n'étais plus maître de ma respiration, mon souffle s'accélérant à mesure que je prenais conscience de sa perfidie, puis je vis les fleurs à ses côtés, et je repensai tout légitimement à la mise à mort de Farhen et des siens... puis à Edwanna. Par un hasard qui n'en était plus un, tous les éléments que je n'arrivais pas à faire concorder faisaient soudainement sens.

Cette fois-ci, je fus pris de convulsion, et je me mis à transpirer à grosses gouttes. La colère qui bouillait en moi ne pouvait être calmée, domptée, ou tempérée. Je portais mes membres à mes yeux, et même les muscles de mon visage se mirent à se contracter par une volonté que je ne pouvais plus vraiment dire mienne.
Mon belliqueux protecteur se redressa calmement, avant d'essayer de se retourner rapidement pour décocher une flèche à mon encontre.

De mon côté, j'attrapai un cailloux que je lançais dans les airs, avant de le réceptionner avec ma fronde, tout en opérant des mouvements circulaires, pour que mon projectile aille briser les doigts de sa main armée.
En conséquence, Assalice ne put me tenir en respect, et je fus en mesure de projeter toute la masse de mon corps, et tout le feu de mon âme, contre lui. Nous opérâmes tous les deux une chute vertigineuse, pendant laquelle je démolissais le visage de cette vermine. A chaque frappe donnée j'imaginais une victime de ses actions, à chaque goutte de sang versé les sacrifices que j'avais dû faire. Alors, quelques instants avant de rentrer au contact de l'eau, je dégainai mon couteau, lui entaillai les côtes, avant de le loger dans sa gorge, de le pivoter, et de le ramener dans ma direction.

Une cascade de sang se déversa dans les eaux plus claires, et je plongeais de nouveau dans l'antre de la bête. Le mastodonte ne tarda pas à venir se repaître, et je profitai de son inattention, pour nager en direction de sa tête, en enfonçant mes doigts dans son œil gauche, et ma lame dans le droit. Une frénésie furieuse s'empara de l'immonde reptile, mais je tenais bon, et décidai de lui trancher la gorge.

La vitesse, les courants et ce qui restait de mon armure lourde rendaient mes mouvements difficiles, mais je pus pourtant porter le coup fatidique, en abandonnant mon objet préféré dans la créature immobile, et les restes de ma protection aux abysses, pour enfin nager jusqu'à l'ouverture empruntée précédemment.
A la différence de la fois d'alors, je ne m'attardai pas à reprendre mes esprits, l'esprit captivé par un jeu de lumière tout à fait surprenant, à l'intérieur de la forge. Je m'avançais, dans ce petit renfoncement devenu familier, jusqu'à m'émerveillé d'un spectacle saisissant, un mélange d'états et de couleurs surprenant, quand l'homme à la broche était assis en tailleur, au milieu des airs, en pleine construction d'une armure.

Un feu intense venait parfois redresser le métal en écaille, avant qu'une projection de glace ne lui donne la mobilité d'une montagne. Je ne fis pas remarquer ma présence, trop occupé à observer ce magicien au sommet de son art. Juste à côté, alors même qu'il s'astreignait à cette armure, il était en train de façonner une épée, et je me demandais comment il pouvait parvenir à focaliser ses pensées sur deux tâches si complexes et différentes, simultanément ! Des morceaux de l'épée voltigeaient, derrière moi le fer était battu par quatre marteaux, puis refroidi sans même avoir été touché ni plongé dans un quelconque liquide, avant que le tout ne soit assemblé de la même manière que précédemment, par la fusion des éléments et la concentration de cet esprit semblable à nul autre. Une fois son opération achevée, il regagna le sol, ouvrit les yeux, et me parla en ces mots, un sourire en coin :

          « Enfin... je sens à présent que tu es prêt.

  • Vous saviez ! Vous saviez et vous n'avez rien fait !

  • Je sais un nombre considérable de choses, mais il en est certaines que je ne peux que deviner. Pour ce qui te concerne, les probabilités que tu suives le chemin que tu as emprunté étaient excellentes. Tu as été assez prévisible en vérité, mais ceci n'enlève rien au fait que tu m'impressionnes...

  • Comment cela ?

  • Je ne suis pas de ceux qui agissent pour les autres. J'observe attentivement, et je propose des marchés. Je suis adepte du jeu et des paris, et je crois que le moment est venu pour toi d'écouter ce que j'ai à te dire...

  • Attendez une minute... Vous voulez dire que vous avez provoqué tout ça ?

  • Moi ? Mais je ne provoque rien mon garçon. Tu es ta propre impulsion, l'auteur de ton histoire, le héros sans peur... le petit prodige de cette île.

  • Comment...

  • Je te l'ai dit, je suis ici chez moi, et rien ne m'échappe. Des événements s'enchaînent, et moi je suis là pour leur donner une dimension de divertissement.

  • Divertissement ? Alors ainsi donc tout ceci n'est qu'un jeu pour vous ?

  • M'as-tu bien regardé ? Crois-tu que je vive pour autre chose que pour le jeu ? Certes j'ai la possibilité de réaliser des choses insensées, mais pourquoi me fatiguerais-je quand vous pouvez vous révéler tout aussi efficace que moi dans ce domaine ?

  • Je ne vous comprends pas, homme étrange.

  • Oui, j'ai bien peur que tous tes prédécesseurs m'aient fait cette même réponse. Mais qu'importe, il n'est pas important de comprendre, juste de réaliser.

  • Réaliser quoi ?

  • Nous en revenons à ma proposition... Que dirais-tu de dominer le monde entier ? Que dirais-tu si je t'offrais la possibilité de faire plier les peuples et de les soumettre à ta volonté ?

  • Je répondrais... dans quel but ? J'ignore tout de ma propre volonté en cet instant. J'ai vengé les miens, j'ai tué le traître... et il ne me reste plus qu'à réclamer mon titre pour succéder à l'ancien Gilgamesh. Pour autant, je n'ai pas de réponse à la question... et après ?

  • Approche.

L'homme me posa un doigt sur le front, et une multitude d'images m'apparurent. La dernière à défiler dans mon esprit fut celle retraçant les derniers instants avant que je ne me jette sur Assalice. Alors, je réalisais qu'à chaque rencontre avec lui, un oiseau survolait les endroits où nous nous trouvions. L'homme aux pouvoirs m'accorda donc une vision où je vis mon faux protecteur coucher sur du papier des mots. Il expliquait en détail la position où nous étions, en fonction des étoiles et des îles qu'il distinguait, et qu'il avait appris à connaître par cœur. Puis il donna sa lettre au volatile qui s'envola dans l'horizon, pour avertir un navire proche.

  • Que cela signifie-t-il ? Je ne comprends pas.

  • Ceci signifie qu'une guerre est imminente. Des navires font voile sur Tortuga, pour venir piller ses trésors.

  • Ses trésors ?

  • Allons, tu me navres, peut-être que pour toi il ne s'agit de rien d'autre que la normalité, mais pour d'autres, comme Assalice et son peuple, le potentiel de cet île est illimité.

  • Mais il existe d'innombrables créatures qu'ils devront défaire !

  • Ils viendront si nombreux qu'ils recouvriront la mer Gallen.

  • Mais que puis-je faire ?

  • Comme tu l'as dit, réclamer ton titre, et entamer ta formation à mes côtés.

  • Vos côtés ? Vous voulez dire que je peux obtenir les mêmes pouvoirs que vous ?

  • Non, c'est impossible. Le corps humain, tout comme son esprit, n'est pas conçu pour manipuler la matière.

  • Quel genre de formation me proposez-vous donc ?

  • Un genre que tu n'as jamais suivi, un genre qui fera de toi un être exceptionnel.

  • Mais si ces navires, et donc ces armées sont si nombreuses, comment ferai-je pour les stopper ?

  • Je suis prêt à te faire un cadeau, si toutefois tu parviens à la fin de mes épreuves. Cette lame et cette armure, elles seront tiennes.

  • Ont-elles quelque chose de particulier ?

  • Tu le sauras, quand elles deviendront ta possession.

  • Comment ferai-je pour revenir ici ? Devrai-je plonger systématiquement et nager jusqu'à votre antre ?

  • Non, quand tu le voudras, tu n'auras qu'à me demander à revenir, et je t'exaucerai.

  • Vous m'exaucerez ? Comme ceci, d'un claquement de doigt ?

L'espace autour de moi se courba, et je me retrouvai derrière le magicien sans comprendre ce qu'il venait de se passer.

  • Je... t'exaucerai. articula-t-il lentement.

  • Vous... n'avez pas répondu à ma question. Et après ?

  • Ta perte t'a changé. Je sens que tu n'attends plus patiemment que les événements se dévoilent à tes yeux, ou que tu te mettes en tête de suivre une idée jusqu'au bout... contre ta volonté.

  • Comment cela ?

  • N'as-tu pas perdu l'amour de ta vie ?

  • Oui... elle est morte.

  • Non, je veux dire avant cela. N'as-tu pas sciemment empêché votre relation au profit d'un autre ?

  • Je... c'est vrai.

  • Et si je te disais que j'avais le pouvoir de te donner la chance de réparer tes erreurs ?

  • Alors j'écraserais toutes les âmes belliqueuses, je pacifierais toutes les mers de l'archipel, je raserais jusqu'aux couches de la terre les plus profondes les cités d'égoïstes, et de voleurs.

  • Alors soit, nous nous entendons.

  • Mais que voudriez-vous en échange ? Je ne pense pas que vous ayez le cœur généreux...

  • Et bien à vrai dire, je n'ai pas de cœur, ou du moins je ne crois en rien aux illusions qui vous bercent. Ces images utilisées, ces manières de dire des choses en les comparant à d'autres... elles me dégoûtent en vérité.

  • Mais dans ce cas, quel but nourrissez-vous donc ?

  • Nous en revenons au même point, celui du divertissement. Je ne veux rien d'autre que te voir où je veux que tu sois, te confronter à des éléments parfois aléatoires, et parfois non, pour déterminer jusqu'où tu peux aller... à seule fin de me divertir.

  • N'êtes-vous jamais lassé ?

  • Il est vrai que ma tournure est impropre, car en vérité ce jeu ne prend jamais fin... tant les prétendants sont nombreux. Alors, qu'en dis-tu ?

  • Quand commencerai-je ?

  • Dès que tu auras mis en ordre tes affaires. N'oublie pas, une simple pensée et tu seras directement ramené ici. »

 L'espace se courba de nouveau, et j'apparus dans la chambre de Gilgamesh. Je me donnais quelques secondes pour ne pas m'effondrer, totalement retourné par l'expérience que je venais de vivre. J'entendais des voix dehors, elles se demandaient si j'avais pu tromper la mort une nouvelle fois, mais d'autres pensaient que je ne reviendrais pas cette fois-ci. Les doyens étaient mobilisés, ainsi que tous les gardes-tempêtes et les familles de l'île.

Alors, je pris une profonde inspiration, et poussai la porte du bâtiment. Les yeux se tournèrent dans ma direction, alertés par ce simple mouvement, comme on peut l'être parfois quand on se laisse distraire par la course des feuilles poussées par le vent. Mais alors, à ma vue, les expressions des gens se changèrent en stupeur pure et simple. Mes parents me pointèrent du doigt en tremblant, les doyens, dont le talent d'orateur était d'ordinaire très profus, se muraient dans le silence. Certains gardes-tempêtes observèrent la falaise, le lac, avant de me dévisager en se demandant comment j'avais bien pu faire pour survivre une seconde fois.

          « Gens de mon peuple, je me tiens devant vous sur mes deux pieds. J'ai le cœur soulagé et le feu dans l'âme. Le traître a péri, et le poison de sa langue ne menacera plus jamais notre foyer.
Tandis que je prononçais ces mots, mon attention se focalisa sur Alira, dont les mains glissèrent de ses yeux jusqu'à son ventre. Je marquai un temps d'arrêt.

  • Qu'avez-vous fait, bredouillais-je.

  • Gallen ?

  • Qui a-t-il Gallen ?

  • Qu'avez-vous fait ! reprenais-je plus fort.

  • De quoi parles-tu Gallen ? demanda le doyen.

  • Vous portez son enfant, n'est-ce pas ? Vous portez son enfant, ne le niez pas !

  • C'est vrai ! J'ai aimé Assalice pour l'homme adorable qu'il était !

  • C'était un manipulateur, un trompeur et un assassin ! Vous croyez l'avoir aimé, mais ce n'était qu'une illusion !

  • Crois ce que tu veux, garde-tempête. Je connais le fond de mon cœur, et je connaissais le sien !

  • Si ce que vous dites est vrai, professeure, je n'ai d'autre choix que de demander un sentence à votre encontre.

  • Une sentence ? Tu n'as donc pas de pitié ?

  • De la pitié ? Elle ne ramènera pas Edwanna, pas plus qu'elle ne ramènera la famille de Farhen...

  • Quelle sentence souhaites-tu demandes-tu Gallen ? intervint le doyen.

  • L'exil.

  • Tu es sérieux ? Autant demander ma mort !

  • J'ai encore un soupçon de considération à votre égard. Je sais les savoirs qui vous habitent, aussi ai-je la certitude que vous survivrez. Si votre enfant vient au monde, j'espère que vous aurez la force de le protéger par vos seuls moyens, car vous venez de perdre la confiance des vôtres.

  • Vous ne pouvez...

  • Assez ! tonna le doyen. Mes frères, consentez-vous à prononcer à l'encontre d'Alira Laira Raël, la sentence de l'exil ?

  • Nous consentons, répondirent à l'unisson les concernés.

  • Alors ainsi soit-il. Demain dès l'aube, vous partirez. J'espère que les eaux vous seront clémentes, et votre mort... aussi douce que possible.

Des larmes inondèrent le regard d'Alira, mais je ne pouvais manifester de compassion, pas après tout ce qui c'était passé. Alors elle fit volte face, pour regagner une dernière fois sa demeure, accompagnée par quatre gardes-tempêtes.

  • Gallen, que peut-on faire pour te remercier ? Nous avons été aveugles, où toi tu as su voir...

  • Je suis l'héritier de Gilgamesh, j'ai suivi ses enseignements. Je veux lui succéder dans la tâche qu'il accomplissait, et avoir l'honneur de porter son nom. Je jure de défendre cette île contre toutes les menaces à venir.

  • Veux-tu donc que tous oublient ton nom véritable ?

  • Mon nom est Gilgamesh, et il en sera à jamais ainsi. »

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