Chapitre 2 : Partie 3

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Dans le quartier abandonné d'Elesi, Ocrate et Enys eurent la même idée. Isolés dans leur appartement, leur apparence décontractée, loin des artifices. Elle possédait un chignon débraillé qui libérait quelques mèches vers son visage, un pyjama confortable sur son corps tandis que lui avait remonté sa mèche de devant, coincée par une barrette, les yeux dégagés. Ils firent une mise au point de ce qu'ils venaient de faire, commencée par ce dernier qui s'affala sur le lit, un ton sarcastique qui annonçait l'ambiance.

– Tu as eu de la chance que tu ne te sois pas faite attraper.

Elle ne bougea plus, consternée par le culot auquel elle faisait affaire, et le dévisagea, les sourcils levés et les yeux grands ouverts.

– Oui, c'est ça, ignore le véritable problème.

– Osthène n'est pas un problème.

– Bien sûr. En attendant, si tu n'avais pas été aussi susceptible, j'aurais pu l'avoir.

– Je sais.

– Et tu sais donc que tu es ma propre limite, c'est à cause de toi si ça n'a pas marché.

Le regard baissé par la honte, même s'il tachait de garder son aplomb, il ne put se retenir d'élever la voix.

– Et c'est grâce à moi si t'en es là.

Cette colère soudaine ne la surprit pas comme si elle connaissait ses réactions par cœur. C'était facile pour elle de garder le dessus quand elle savait exactement la manière dont il se comportait. Alors elle resta incroyablement calme, dirigée par son recul.

– C'est vrai. Mais c'est pas une raison pour me le reprendre.

Il se plongea dans un silence suspect, les yeux fuyants, ses doigts qui se tripotèrent en continu par une étrange angoisse. Il avait quelque chose derrière la tête, mais il se refusait à l'avouer. Mais elle n'était pas aveugle et le sentit immédiatement.

– Pourquoi tu es inquiet ?

– Je ne le suis pas, répliqua-t-il sèchement.

– Tu es un menteur maintenant ?

Sa placidité le perdit, il ne lui suffit que d'un rien pour s'emporter sans limite. Il contenait sa rage depuis bien trop longtemps et il ne pouvait plus la cacher. Il se leva brusquement, quasiment comme un sursaut, et en lui hurla dessus.

– J'ai rompu les règles ! Tu t'attendais à quoi ?!

– Je croyais qu'Osthene n'était pas un problème, continua-t-elle sereinement.

– Il ne l'est pas pour atteindre ton but, se reprit-il.

– Il l'est pourquoi alors ?

– Je sais pas encore et j'ai pas envie de le savoir.

Son refus de clarté l'agaça finalement, la négativité de cette pièce s'empara d'elle. Elle afficha une expression de fermeté, braquée par ces propos qui lui paraissaient étranges. Prise d'un entrain, elle alla au cœur du problème, exténuée de tourner autour du pot.

– Je ne comprends pas. Il suffit de re-attaquer Erian.

– Tu crois qu'il ne va pas faire des recherches sur moi ? Sois réaliste.

– Comme s'il l'avait pas déjà fait, bredouilla-t-elle ironiquement.

– Sauf que maintenant, il sait ce dont je suis capable.

– Et alors ? Il ne peut pas te toucher de toute manière... Oh j'en ai marre, gémit-elle, il faut que j'aille voir Isis pour me détendre.

Il la coinça d'un regard insistant, quasi menaçant, sa prestance l'écrasait et lui faisait barrière. Il refusait catégoriquement de la laisser partir, elle était emprisonnée dans son ombre.

– Pourquoi faire ?

– Ça me gonfle d'être enfermée ici.

– Alors je viens avec toi.

– Elle est juste à côté, contesta-t-elle subtilement.

– Je veux entendre ce qu'elle te dit.

Elle le laissa faire, borné dans son désir de la suivre, elle le connaissait trop bien pour le contredire, ce n'était que peine perdue. Elle lui passa devant, débutant la marche vers son amie, quelques pas leur suffirent pour atteindre la porte voisine. Elle jeta un dernier coup d’œil tanné à son partenaire comme si elle savait d'avance la scène qui allait suivre.

L'entrée se montra à la seconde où elle toqua, la porte grande ouverte, Isis en face d'elle qui affichait un radieux sourire. Son visage illuminé illustrait le plaisir qu'elle ressentait en la voyant, mais la vue d'Ocrate à ses côtés lui fit rappeler cette réalité qu'elle détestait tant.

Son expression se referma, hostile à sa venue, elle montra ouvertement qu'il n'était pas invité chez elle.

– Il est obligé de te suivre partout comme un toutou ?

Il serra du poing, déjà irrité à l'idée de la supporter, sa remarque ne fit qu'empirer sa massacrante humeur. D'une voix agressive, il entra dans son jeu et la chercha davantage.

– Oui, pour ne pas qu'elle écoute tes conneries.

Totalement stoïque face à cette réponse, elle la fixa, un seul sourcil levé, prenant à la rigolade l'attitude agressive en face d'elle comme si elle ne faisait affaire qu'à un enfant capricieux.

– Il ne rentrera pas.

Un regard qui en disait long, Enys comprit sa camarade sans qu'un mot ne soit échangé sur le sujet, mais elle ignora les tensions et insista.

– Je t'en prie Isis.

– C'est bien parce que c'est toi, plaisanta-t-elle.

Elle ouvrit sa porte au couple et alla s'installer à son petit salon.

La soirée se passa plus ou moins rapidement selon la personne, Ocrate éloigné d'elles à les haïr silencieusement dans son coin, les deux femmes complices sur le sofa, à discuter de tout et de rien. Il les observait se faire des messes basses qui finissaient sur des gloussements, et bien qu'il ne disait rien, sa rage montait au fur et à mesure des rires, son pied droit tapotant à toute vitesse en continu sur le sol et ses ongles rongés dans le but de canaliser ce qu'il ressentait.

Ce fut quand Isis leur laissa leur liberté en regagnant les toilettes qu'il put profiter de leur solitude pour extérioriser tout ce qu'il ravalait depuis plusieurs heures. Le regard noir, ses mains agrippées à ses genoux, il ouvrit enfin la bouche, doucement mais sèchement.

– Qu'est-ce qu'elle te chuchote ?

– Rien de bien intéressant.

– Tu me racontes de la merde.

– Calme-toi.

Il se mit debout d'un geste brusque et avança vers elle.

– Non. Elle essaye de te retourner contre moi et toi, comme la conne que tu es, tu tombes dedans.

Il finit tout juste sa phrase que la locataire refit surface, à l'entrée du salon, les lèvres pincées pour se retenir de partir en vrille. Mais quand il se retourna vers elle et qu'elle remarqua la haine sur son visage, elle se délivra.

– Sors de chez moi.

– Non, la défiait-elle vicieusement.

– Je décide alors dégage.

– Je ne sortirai pas sans Enys.

Sa conjointe se leva et s'interposa entre les deux avec son corps, elle lui prit sa main tendrement comme geste de soutien, tentant de le calmer discrètement.

– C'est bon, on s'en va.

Isis se hâta devant elle pour la bloquer dans son élan.

– Non, toi tu restes.

– Il est tard de toute manière.

– J'insiste, dit-elle en appuyant son regard sur elle.

Enys se tourna vers Ocrate qui bouillonnait et s'adressa à lui d'une douce voix.

– Je te rejoins dans cinq minutes, d'accord ?

– Non.

– Je dois discuter avec elle.

Il fronça les sourcils, ses narines dilatées prouvaient bien qu'il ne décolérait pas, mais son silence disait l'inverse. Il hésitait, pensant le pour et le contre, la bonne attitude à avoir, sa rationalité lui revenait en face. Après des coups d’œil sur tout ce qui se trouvait autour de lui, il capitula bien que cela lui arrachait le cœur de mettre son ego de côté et d'accepter son échec.

– T'as intérêt de me rejoindre dans cinq minutes, pas une de plus.

Il quitta l'appartement en claquant la porte derrière lui, pour le plus grand bonheur d'Isis qui s'empressa de donner son avis sur ce qu'elle venait de voir.

– Il est néfaste pour toi.

– J'en étais sûre... C'est n'importe quoi, soupira-t-elle.

Elle fit quelques pas vers elle afin d'approcher son visage vers le sien, les yeux dans les yeux, l'air sérieux et fermée à toute plaisanterie. Elle venait d'être témoin d'une scène qu'elle ne comptait pas ignorer, elle ne supportait pas cette violence et refusait d'en être complice par défaut.

– Regarde comment il te parle et comment il te commande.

– Il ne me commande pas.

Elle grimaça devant autant de négativisme, fatiguée de devoir chercher tous les arguments possibles pour lui prouver qu'elle avait raison. Il était difficile de lui faire ouvrir les yeux tant ses sentiments l'aveuglaient, mais elle ne se découragea pas. Elle s'inquiétait pour elle et elle voulait lui tendre la main jusqu'à ce qu'elle le lui prenne, quand bien même cela prendrait une éternité.

– Bien sûr que si ! Ce n'est pas quelqu'un de bien.

– Tu ne le connais pas.

– Si et bien mieux que toi parce que je suis pas aveuglée par l'amour.

– Il m'apporte beaucoup de bonnes choses...

– Oui pour t'en retirer en échange.

Enys se recula et évoqua quelques mots tout en se dirigeant vers la porte.

– J'dois y aller.

Elle retourna instantanément chez elle et retrouva Ocrate bien plus calme que ce à quoi elle s'attendait. Il se trouvait dans la cuisine, la tête baissée par la tristesse, se mordillant sa lèvre inférieure.

– Qu'est-ce qu'elle t'a dit exactement ?

Elle soupira plus fortement, fatiguée de subir des interrogatoires à longueur de temps.

– Queee tu m'étais néfaste.

– Et tu la crois ? demanda-t-il en lui faisant face.

– Non !

Il détourna sa tête à son opposé, plongé dans un silence qui en disait long, blessé par les propos de leur collègue. Et quand il daigna poser son regard sur elle, son visage démontrait un sérieux soutenu d'une appréhension, il se défendit.

– Tu es toute ma vie et ça me tuerait de savoir que je te fais du mal.

Elle n'eut qu'un simple sourire pour réponse, elle approcha son visage du sien et finit par l'embrasser pour le rassurer. Elle n'avait pas besoin de lui dire des mots pour qu'il comprenne ce qu'elle ressentait, elle lui prit la main et cela suffisait amplement.

Mais alors qu'ils étaient épris dans leur instant de romance, leurs pensées focalisées sur leur amour, elle s'y sortit d'elle-même quand elle se rappela d'un problème.

– Tu ne devrais pas voir Osthène vu ce qu'il s'est passé ?

Il lâcha sa main et se recula afin de créer une distance entre eux, coupé par le retour de ce qu'il détestait.

– Si, mais ça me dit rien d'aller me faire sermonner. Il se passera de moi.

Libéré de la réalité, il préféra passer le reste de son temps avec elle plutôt que de répondre à ses devoirs. Évidemment, cela ne manqua pas à son supérieur qui ne peina pas à remarquer son absence.

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