Le souvenir de son sourire

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Les rêves régnaient cette nuit là. Et pendant ce temps de renaissance, le bougeoir jaunâtre agonise doucement à côté du lit des deux endormis. La flamme se consumant faisait rougeoyer une toute petite partie de la pièce. Et la bougie défaillante éclairait timidement la silhouette de Yeva . Toute l’humanité se résumait dans cette flamme. Tout d’abord belle et chaleureuse, puis vite étouffée et trop chétive. L’homme meurt, se consume lui même, agonise doucement à la vitesse d’une chandelle mal allumée.

La fenêtre en face du lit était entre-ouverte, comme toujours, à la demande de Yeva ; et la brise hivernale qui entrait dans la pièce faisait se soulever doucement les rideaux pourpres. Seul le crépitement de la bougie qui se meurt couvrait le silence. Ce calme plat était ramassé sur lui même, étouffant et brutal. Le souffle de l’amour douloureux tremblait au dessus des deux corps. Son mari contre elle, Yeva lui tournait le dos, repliée sur elle même, exprimant une souffrance démesurée, trop forte pour son âge et trop grande pour sa carrure. Christian, lui, avait les yeux ouverts. Il fixait sa compagne, l’observait avec passion. Il aimait détailler ses lignes, ses hanches, son dos, sa nuque… Dieu qu’il l’aimait. Et les souvenirs de son sourire l'enivrait toujours plus. Un sourire qui avait tout changé en lui. Dès le premier soir où il l'avait vu, Cristian savait que ce serait elle, l'amour de sa vie, celle avec qui il vivrait.

Quelques gouttes de pluies commençaient à tomber sur l'île de Noirmoutier. Les murs des habitations luisaient et la pierre semblait lisse. Les édifices tous de blancs ou de gris étaient d’une monotonie monstre. La folie ordinaire des constructions humaines consistait à recréer les mêmes choses, dans les mêmes teintes, avec les mêmes meubles. Pour qu’il n’y est pas de jaloux sur le voisin disaient-ils. Et dans ce flot humain qui résidait en ce lieu, Christian et Yeva se faisaient oublier du reste du monde.

Un éclair s’abattit quelques rues plus loin. Sa lumière si forte éclaira entièrement la chambre. La jeune femme entrouvrit les yeux puis le son du tonnerre la déchira. Ce bruit sourd et violent la frappa de plein fouet. Elle tremblait, serrant la main du brun qui était autour de son ventre. Pour la calmer, Christian embrassa son épaule. Ça ne changeait rien. La jeune femme se retourna et regarda le brun. « Ça va ? » demanda-t-il, inquiet. Devant le regard de sa compagne, Christian se redressa. La brune fit de même. Elle se leva, enfila une chemise qui jonchait le sol et alla vers la fenêtre.

Un nouvel éclair déchira le ciel d’hiver. Les pupilles de Yeva se dilatèrent, et la fissure blanche du ciel se refléta dans ses iris.

Christian l'observait, silencieux. Il savait qu'elle avait encore fait ce cauchemar, qu'elle avait encore revécu le mal. Mais la jeune femme, se tournant vers son mari, lui souri, l'air de dire "tout va bien, ne t'en fais pas". Dieu qu'il aimait son sourire. Qu'il soit triste ou joyeux, oui Christian aimait son sourire, depuis toujours. Et il vivait pour le voir chaque jour sur le visage de sa femme.

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