Chapitre 12第12章

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Arya esquissa un pas de danse sur la rampe de métal tendue entre les deux immeubles. Le vertige qui s'empara d'elle l'enivra et elle sautilla un peu plus loin au-dessus du vide, faisant grincer ce passage frêle et tanguant. Le ciel était enflammé de couleurs insensées, trop flamboyantes pour être rassurantes, et des éclairs leur faisait concurrence. Quelques gouttes de pluie tombaient comme des diamants dans cette lumière électrique.

«-Arya!» hurla soudain une voix provenant d'en bas. «Descends de là, tu vas te tuer!»

«Hm?»

Elle se pencha dangereusement au-dessus du vide, regardant du coin de l'œil l'homme aux yeux emplis de terreur qui se tenaient debout dans la rue qu'elle traversait de haut.

«Je ne mourrai pas, Yoshito Torai. Et puis, on a un point de vue remarquable ici. On va le retrouver en moins de deux, ton ami!»

Sur ces mots, elle effectua une roue latérale sur la rampe, s'amusant de la peur qu'elle ressentait. Cette émotion énervante était facile à soustraire. Folie + Ignorance - Crainte = Témérité. La pluie trempait ses vêtements et faisait couler son maquillage fuchsia, étalant des raies de couleur sur ses joues blêmes.

-HA HA HA! Regarde, je suis invincible! La folie est ma plus grande qualité. Tu devrais essayer de l'avoir aussi.

Le grondement du tonnerre s'allia à ses paroles et elle rit encore, achevant de traverser la rampe dans une dernière cabriole. Alors qu'elle se tenait debout sur l'autre toit, ses yeux bleus fluorescents détectèrent une ombre évanescente dans la fumée d'une cheminée.

Elle reconnut ce visage magnifiquement redoutable, ces lèvres rouges comme si elle y avait étalé le sang de sa dernière victime. Amaterasu Kimura lui faisait face, l'air curieuse, ses cheveux noirs décoiffés par le vent et recouvert de la crasse de la fumée.

Arya s'apprêtait à lui adresser la parole quand un cri la fit se retourner. Yoshito Torai venait d'arriver, en ayant manifestement emprunté l'escalier d'incendie.

«Ça suffit, maintenant. Mais qu'est-ce que tu as pris?» s'exclama-t-il en se dirigeant vers elle d'un pas rapide.

Elle fit une pause, affichant une moue boudeuse, les yeux grands ouverts et les paupières papillonnantes. «La même chose que toi, probablement. Demandons donc à notre amie ici présente!»

Elle tourna la tête dans un mouvement sec vers la cheminée, mais Amaterasu Kimura avait disparu. Arya fut étonnée durant trois seconde, mais n'eut pas le temps d'analyser davantage la situation, car Yoshito l'attrapa par le bras et l'attira à lui dans un geste tendre.

Elle pencha la tête de côté, plutôt confuse. «Eh bien,» songea-t-elle, «voilà une réaction inattendue. Cet homme est décidément étrange.»

Yoshito expira profondément, et murmura d'une voix instable:

«Ne t'inquiète pas, c'est ce quartier qui nous fait perdre nos esprits. Nous allons sortir d'ici rapidement, il faut juste retrouver Lucian...»

-Je pense que tu as tort!

Arya se défit de son étreinte dans un mouvement agile et recula de quelques pas, le sourire aux lèvres.

-Tout le monde voudrait être fou. Ceux qui ne le sont pas se droguent pour essayer de l'être! Tu n'as aucune idée d'à quel point être désaxé est exaltant; être enfermé dans son monde, croire qu'il est la réalité... Tu fais qu'effleurer cet enivrement et t'y dérobe parce que tu as l'esprit trop fermé, comme ce Lucian Sakami. 

Elle dévisagea Yoshito qui la fiait avec un mélange d'horreur et de compassion, apparemment toujours convaincu qu'elle était sous l'emprise d'une drogue. Arya leva les yeux au ciel, exaspérée. Sa folie à elle était naturelle et authentique. Quand allait-il l'admettre?

Une idée germa soudain dans son esprit et l'enthousiasme l'anima. Voir de l'empathie dans les yeux froids de cet homme était plutôt inhabituel, et la soustraire pourrait donner un résultat intéressant. Elle s'élança donc vers lui et retrouva l'emprise de ses bras hésitants, et continua de courir, jusqu'à ce qu'à le pousser au bout du toit.

Yoshito Torai comprit trop tard ce qu'elle était en train de faire et ne pu que crier alors qu'elle se propulsait dans le vide, l'entraînant dans sa chute.

Arya serra ses bras autour de la taille de l'homme, ses pieds se mouvant en coups frénétiques sur le mur de l'édifice. C'était comme courir dans une autre dimension, comme un bal avec la mort. Au dernier moment, alors que Yoshito allait se rompre les os sur la chaussée d'asphalte, elle inversa les positions et s'écrasa au sol en premier.

L'homme haleta dans un sanglot étranglé, et se crispa contre elle, ses membres agités de spasmes. Son instinct de survie devait encore être affolé. Arya sourit doucement et passa une main dans ses cheveux longs et sombre, resserrant l'emprise de son autre bras autour de son torse. Les humains était vraiment plus fragiles que des verres de cristal.

Et le cœur de Yoshito était craquelé, elle le sentait.

«Il n'y a pas besoin de pleurer comme cela... Tout va bien maintenant.»

-Tu... Tu devrais être MORTE!

Il se releva, chancelant, le regard terrifié. Elle soupira en se levant à son tour.

-La question à se poser est: suis-je réellement vivante?

Yoshito recula, un bras devant lui comme pour se protéger d'une menace impossible à cerner. La lumière blafarde d'un lampadaire illuminait sa silhouette tremblante, et soudain, Arya écarquilla les yeux. 

-Quoi? Qu'est-ce qu'il y a?

-Zut. On dirait que cette femme a comprit à quel point la vie est insignifiante.

-De quoi parles-tu?

Arya pointa dans un geste nonchalant le corps ensanglanté d'un homme aux cheveux blonds, étendu le long d'un mur couvert de graffitis. Yoshito se retourna lentement. Le vent agitait les pans de son manteau et sembla secouer son âme alors qu'il hurlait de toutes ses forces le nom de son ami.

Arya le vit se jeter à genoux et prendre dans ses bras Lucian Sakami, ses yeux horrifiés incapable de verser des larmes tant ils étaient révulsés. Elle regarda le mur avec intérêt. Un graphique y avait été dessiné, et une formule mathématique gravée au bas. Y = VieX + Mort.

«-Comme c'est intéressant,» murmura-t-elle par-dessus les hurlements désespérés de Yoshito en deuil. Son doigt traça lentement les lignes du graphiques. Elle les imprégna dans sa tête à l'encre rouge. «On dirait bien que je ne suis pas la seule mathématicienne des mots du Japon... Cette Amaterasu Kimura est folle et  intelligente.»

Le nom d'Aphrodisa était inscrit juste en-dessous de la variable Y et celui de Yoshito en dessous de X. Arya regarda l'homme prostré avec interrogation. Et cette Aphrodisia... Tout semblait toujours se ramener à elle.

Arya s'approcha de Yoshito à pas lents. L'orage venait d'éclater et des trombes d'eau dévalaient les rues, coulaient sur les toits. Elle s'agenouilla derrière lui et l'enlaça, appuyant sa tête contre son dos.

-Ne t'inquiète pas, je vais prendre soin de toi jusqu'à ce que nous retrouvions ta sœur.

Il tourna la tête vers elle et s'effondra un peu plus, les épaules tremblantes.

-Je n'y survivrai pas.

-La question à se poser est: es-tu réellement vivant?

Il eut un rire amer, qu'il étouffa avant qu'il ne devienne hystérique.

-Une chose est sûre, Lucian était réellement en vie. Et maintenant...

-Il est mort, évidemment. Tout le monde finit toujours par mourir, ce n'est que la date et l'heure qui change... Et cela, Mlle Kimura trouve très amusant de jouer avec.

Arya aida Yoshito à se relever dans un mouvement leste, le soutenant toujours d'un bras.

-Allons chez moi. Il est, de toute apparence, plutôt malsain de s'attarder dans le coin la nuit.

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