Chapitre 7 第7章

7 minutes de lecture

Lucian fixa les symboles délicats inscrits sur la feuille, formant des mots et des phrases étranges. Il reconnut au premier coup d'œil l'écriture de Naoko et son cœur se serra. Si l'appel enfiévré de Yoshito ne l'avait pas convaincu, il n'avait à présent aucun doute: c'était bien sa sœur qui avait écrit cette lettre. Après quelques secondes d'ébahissement, il lut le texte d'une voix tendue.


親愛なる兄、

Cher grand frère,

木村アテテラスは、遊びには非常に創造的です。

Amaterasu Kimura est très inventive quand il s'agit de jouer.

申し訳ありません、私は参加することはありませんでしたが、私は仕事がありました。

Je regrette de ne pas avoir été là, mais j'avais du travail.

あなたが理解していると確信しています。 仕事は常にあなたにとってとても重要でした。 結局のところ、あなたはもう何も持っていません。

Je suis certaine que tu comprends. Le travail a toujours été tellement important pour toi. Après tout, tu n'as rien d'autre à présent.

あなたは人を殺した後どのように感じますか? あなたは今、その質問に答えることができます。

Comment se sent-on après avoir tué des gens? Tu peux répondre à cette question, maintenant.

それは素晴らしいですね。 新しいことを学ぶのが大好きです。

C'est formidable, n'est-ce pas? Tu aimes tellement apprendre de nouvelles choses.

今夜お会いしましょう! 私はこの時間を提示することができるかもしれません...

À ce soir! Je pourrai peut-être présente, cette fois...

すべての私の愛で、

Avec tout mon amour,

虎井直子

Naoko Torai

Les doigts de Lucian tremblèrent. Il lâcha la lettre, relevant brusquement la tête. Yoshito le regardait en silence, une main pressée contre son cœur. Sa poitrine se soulevait et se rabaissait rapidement, mais aucune émotion ne passait sur son visage. C'était comme si toute la lumière de son être avait été aspirée par une entité maudite.

«-C'est quoi ce putain de délire? Pourquoi dit-elle que tu as tué des gens?» s'exclama Lucian d'une voix plus coupante qu'il ne l'aurait voulu. Il détestait l'admettre, mais cette situation commençait à lui paraître surréaliste et il n'y avait rien pour l'horripiler davantage. «Réponds!»

Il avait élevé la voix davantage. Yoshito n'avait pas montré plus d'émotion, mais sa respiration s'était encore accéléré et Lucian se calma immédiatement. Reprenant la lettre et la posant sur la table de chevet, il attrapa son ami par les épaules et le regarda droit dans les yeux, se forçant à contempler ses prunelles vides de toute chaleur. Ce regard semblait presque... dénué d'humanité... Mais il y avait plus important que de se s'inquiéter de cela pour l'instant. 

-Respire lentement. Tout va bien, tu es en sécurité...

Yoshito cessa soudainement d'hyperventiler et Lucian sentit ses doigts s'enrouler autour de son poignet avec une force surprenante. S'attendant à ce qu'il le repousse, il recula un peu. Ce fut à ce moment qu'il s'aperçut de quelque chose d'étrange. Des rayures bleues pâles striaient les avant-bras de son ami... Il retroussa la manche rapidement, n'en croyant pas ses yeux.

-Non. Ce n'est pas vrai. Qu'est-ce que tu as pris?

-De quoi parles-tu?

Yoshito regarda ses bras avec effarement, affichant pour la première fois depuis la lecture de la lettre un véritable sentiment. Lucian vit tout de suite qu'il ne savait réellement rien.

-Je n'ai rien pris! Rien... Je te le jure...

-Je te crois. Garde ton calme. Je ne sais absolument pas ce qui se passe, mais il doit y avoir une explication logique... Il y en a toujours une.

-Non.

Lucian regarda son ami avec incompréhension. Celui-ci avait parlé avec une voix caverneuse et le fixait de ses yeux éteints par quelque chose de tellement sombre que c'en était indéfinissable. Il ouvrit de nouveau la bouche, et ce fut lentement, très lentement, avec une voix encore plus oppressée, qu'il poursuivit.

-Plus rien n'est logique. Plus rien n'est normal. Ce monde est... contrôlé par une puissance dangereuse... Même toi, tu la ressens. C'est cette peur qui a glacé ton sang quand tu t'es rendu compte que toutes les lumières étaient impossibles à rallumer... Cette panique... Ce sentiment de... détachement de la réalité... N'as-tu pas eu envie de mourir?

Lucian secoua la tête et serra brutalement Yoshito contre lui, laissant totalement de côté sa réserve. Il le sentit se crisper et tressaillir de surprise. Normalement, ce dernier n'aimait pas le contact physique et se fermait complètement aux autres, refusant de les laisser avoir accès à ce qu'il pensait vraiment. Mais cette fois, il était hors de question de laisser son ami s'isoler.

-Ferme-la. Ne redis plus jamais ce genre de choses, m'entends-tu? Je... il ne me reste plus que toi... Naoko est morte, tu ne peux pas...

-MA SŒUR EST VIVANTE!

Yoshito repoussa Lucian avec violence, se relevant d'un bond. Sous le choc, celui-ci ne se défendit pas sur le moment et laissa son ami le clouer au sol.

«Naoko n'est pas morte.» répéta-il avec une colère mêlée de désespoir dans la voix. «Elle m'a envoyé des lettres, comment pourrait-elle l'être? C'est ce quartier, Kyomu, qui la garde prisonnière, j'en suis certain. Je... Je vais la sauver, peu importe ce que tu veux. Personne ne vas m'en empêcher.»

Malgré ses mots, son regard le suppliait de ne rien faire pour le retenir, preuve qu'il n'était pas certain d'avoir la force de poursuivre sa volonté. Lucian se redressa et répondit avec un semblant de calme en dépit de sa confusion intérieure:

-Je n'ai pas l'intention de t'en empêcher, mais je m'inquiète. Ce qui se passe défie les lois de la logique. En dehors des quartiers résidentiels où il y a un couvre-feu, tu sais comme moi à quel point la vie nocturne est active à Tokyo. La panne d'électricité soudaine a vraiment fait paniquer tout le monde. Des karaokés où la musique et les lumières s'éteignaient brusquement, tous les marchés extérieurs dépourvus de lumière... Cette mlle Kimura est extrêmement dangereuse, j'en suis convaincu. Raconte-moi tout ce qui s'est passé.

 Yoshito baissa les yeux et Lucian le vit prendre une grande inspiration, le souffle encore tremblant.

-Sortons d'ici avant.

-Très bien.

Alors qu'ils s'apprêtaient à quitter la pièce, le néon au plafond de la chambre commença à clignoter. Lucian tressaillit, serrant les poings pour ne pas laisser la peur prendre le contrôle. Le visage livide de son ami apparaissait successivement entre les flashs de lumière, chaque fois un peu plus paniqué.

-Garde ton calme! Prends ton manteau et la lettre, filons avant que...

Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase. La pièce se plongea dans un noir total et Yoshito retomba au sol, le corps agité de convulsions, les mains derrière la tête.

-Non... NON!

Lucian réagit à une vitesse qui le surprit lui-même. Forçant l'homme agenouillé à se relever, il attrapa de son autre main la lettre et ouvrit la porte d'un coup de pied. Tandis que son ami s'accrochait en lui, il sortit de la chambre. Aussitôt, il se rendit compte de quelque chose d'inattendu: le couloir était normalement illuminé, rien ne semblait perturbé, sinon les membres du personnel. Ils fixèrent les deux amis avec incompréhension.

«-Y a-t-il un problème, Messieurs?» demanda celle qui paraissait être l'infirmière en chef. «Monsieur Torai devrait regagner sa chambre, nous ne sommes pas certains que son état mental soit parfaitement stable...»

-Son état mental est tout à fait stable. Nous partons immédiatement.

-Vous êtes l'un de ses proches?

-Je suis son meilleur ami.

Il entendit Yoshito haleter et raffermit l'emprise de ses mains sur ses épaules, poursuivant avec fermeté:

-Je n'ai pas le temps de signer une décharge de responsabilité. Adressez-vous au secrétariat de la compagnie Sakami et demandez une attestation de ma part comme quoi je ne poursuivrai pas votre hôpital en cas de problème.

L'infirmière en chef écarquilla les yeux de surprise et il sut que la partie était gagnée. Affirmer être le patron de la plus grande entreprise immobilière au pays faisait toujours son petit effet... Lucian ne perdit pas une seconde et entraîna Yoshito à l'extérieur du bâtiment.

Une fois arrivé sur le trottoir, il remarqua que son ami regardait le ciel en clignant des yeux. Le soleil illuminait la métropole, étoile lointaine surpuissante qui composait couleurs et nuances. Le vent soufflait entre les gratte-ciels et les nuages passaient, indifférents à toute perturbation terrestre.

-Mon Dieu... Le ciel est tellement magnifique.

Il était rare d'entendre Yoshito dire «Mon Dieu», une expression de son enfance qu'il disait vouloir oublier. Lucian sourit légèrement et hocha la tête, soulagé de voir que la vague de panique qui avait renversé son ami était passée. Mais le répit fut de courte durée; le visage de l'homme se ferma à nouveau alors qu'un nuage sombre venait obscurcir les rayons de l'astre de jour. Il tourna le dos à son ami et commença à s'éloigner à pas rapides.

-Hé, où vas-tu?

-Je retourne à Kyomu. Je dois absolument comprendre ce qui est arrivé.

-Yoshito, c'est ridicule. Regardes-toi... Tu portes encore une chemise d'hôpital sous ton manteau, tu n'as rien mangé depuis hier, tu n'as pas argent, des cernes s'étalent sous tes yeux... Tu m'as promis de tout me raconter et je ne te laisserai pas partir avant.

  Yoshito s'arrêta et serra les poings. Il se retourna lentement, le visage livide.

-Crois-moi, ce n'est pas quelque chose d'amusant à entendre. Tu ne voudras plus jamais me voir quand tu sauras tout.

-Tu te trompes.

Lucian avait dit ces mots sans la moindre hésitation et il vit la détermination sombre inscrite sur les traits de son ami disparaître peu à peu.

-Nous allons nous rendre à Kyomu ensemble. Après tout, il ne peut pas y avoir de grave danger en plein jour. Mais on file avant le coucher du soleil, d'accord?

L'autre homme acquiesça et Lucian héla un taxi. Ils prirent place sur la banquette arrière tandis que le chauffeur tentait de comprendre qu'elle était leur destination.

-Kyomu? Ce n'est pas sur la carte de Tokyo, Messieurs. Où est-ce situé?

-À l'extrémité Nord du centre-ville, vers Ryogoku.

Le chauffeur acquiesça et démarra. Yoshito jeta un regard en biais à son ami et murmura d'une voix à peine audible:

-Tu es certain de vouloir être impliqué dans cela?

-Ne t'inquiète pas pour moi, je sais me défendre.

-C'est ce que je disais, moi aussi, avant de rencontrer Mlle Kimura.

Lucian ne trouva rien à répondre et le reste du voyage se déroula dans le silence total. Au-dehors, l'horizon s'assombrissait rapidement de nuages noirs, comme une sinistre prémonition.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Louvaï ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0