Chapitre 5

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Alex regarda une nouvelle fois l'horloge pendue au-dessus du tableau de sa classe d'Espagnol. La mère de Caleb lui avait pourtant promis que ce dernier viendrait aujourd'hui, mais il n'était toujours pas là. Le blond commençait sérieusement à s'inquiéter. Pourtant, tous les autres lui avaient dit de ne pas s'en faire. Mais Alex, connaissait son ami. Ce n'était pas du tout son genre de partir comme ça, en plein milieu de la journée et de sécher les cours. Depuis qu'il le connaissait, il n'avait jamais fait ça, et d'ailleurs, c'était extrêmement rare de le voir malade. En fait, Alex ne l'avait jamais vu malade.

La sonnerie retentit et les élèves se précipitèrent en dehors de la classe. C'était la pause de 10 h, ou la pause clope. Alex, lui ne fumait pas, il avait l'habitude d'accompagner ses amis et les regarder. Il avait plusieurs fois essayé, mais il détestait le goût de la cigarette. Après, il trouvait qu'on avait une haleine horrible, qu'on puait et que nos doigts étaient jaunies. Ce qui n'était pas totalement faux, mais beaucoup de gens préféraient se mêler au groupe en fumant au risque d'empuantir tous leurs habits et détruire leurs jeunes poumons. Le blond suivit Andrew à travers les longs couloirs bondés d'adolescents. Il détestait son lycée. Trop de monde. Il avait été obligé à 14 ans de déménager de sa ville natale bien plus petite, où il connaissait tout le monde. Heureusement qu'il avait déjà quelques connaissances, sinon il n'aurait jamais tenu.

Il avait connu Caleb par hasard. En fait, ils avaient tous les deux fini dans le même « stage pour enfants en difficultés ». Alex faisait n'importe quoi en cours, et Caleb n'y allait même plus. Au début, ni l'un ni l'autre ne pouvait se voir en peinture. Dans ce cours d'été, il n'y avait que 5 personnes. Une fille, énorme et terriblement énervante, deux mecs passionnés par les BD et eux deux... Finalement, ils ont dû se parler. Si on doit passer ses vacances dans un stage, autant s'amuser un peu ? C'est à partir de là qu'ils sont devenus meilleurs amis. Sans même s'en apercevoir, ils étaient devenus inséparables. Ils passaient tous leurs week-ends ensemble. Alex avait d'ailleurs beaucoup de mal à passer le temps quand il n'était pas là. Quand il partait en vacances par exemple. L'adolescent s'ennuyait de pied ferme quand son meilleur ami était absent. Même si Andrew était un très bon ami, ce n'était vraiment pas pareil. Ses parents le lui avaient souvent reproché. Mais il n'y pouvait rien. Il n'avait jamais eu de frère ou de sœur, alors maintenant qu'il avait Caleb ... Il ne voulait plus le lâcher. Surtout qu'il avait beaucoup de choses à lui demander et à lui dire. Comme sa sortie samedi avec Amanda . Elle avait accepté ! Enfin ! Il était sur un petit nuage.

Depuis le temps qu'il en rêvait... Au début, il avait pensé qu'elle ne voudrait pas. Après tout, ils n'étaient vraiment pas pareils. Et puis au collège, il l'avait prise pour son souffre-douleur en quelque sorte. Toujours renfermée... Mais du jour au lendemain, elle s'était embellie et Alex avait payé le prix de ses erreurs : il en était tombé fou amoureux, et elle ne voulait pas lui adresser la parole. Il lui avait fallu trois bonnes années pour que la jeune femme daigne lui reparler. Quel calvaire ! Amanda voulait aller à la patinoire... Alex ne sait pas patiner. Mais vraiment pas. Pire que lui sur des patins, ça n'existe pas. Il aurait largement préféré un cinéma ou quelque chose dans le genre... Mais elle s'était mise en tête de lui apprendre à patiner. Qui sait, ça sera peut-être marrant. Ou peut-être qu'il ne se casserait rien cette fois-ci. L'espoir fait vivre. Alex sentit dans sa poche son portable vibrer. Il fut plus que content quand il vit le numéro de Caleb s'afficher, et le fit remarquer à son ami un peu plus loin devant par un cri de joie.

  • Allô, Caleb ?!

  • Ouais, c'est moi, retentit la voix grave du jeune brun. Mmh, tu sors là ?
  • Andrew va fumer une clope.
  • Ça tombe bien, j'en ai plus. J'ai fumé ma dernière hier. Tu pourrais lui demander...
  • Tu peux déjà le prévenir que je garde mes clopes ! S'exclama l'intéressé, habitué aux demandes quasi-quotidiennes de Caleb.
  • Je crois qu'aujourd'hui, tu devras t'en passer...
  • Putain ! Va falloir que je fasse la manche. Bon, je vous attends devant le portail. Grouillez, j'ai l'air d'un sans-ami là.

  • Mais tu l'es ! Se moqua Alex, marquant une légère pause. Non, j'déconne. On arrive. »

Un large sourire éclaira le visage d'Alex, qui se mit soudainement à marcher vraiment, vraiment plus vite. Andrew roula des yeux et accéléra lui aussi le pas. Même s'il ne le montrait pas trop et se voulait rassurant envers Alex, lui aussi se posait des questions... Il était juste moins démonstratif. Le jeune homme laissa échapper un petit rire lorsqu'il vit le blond s'énerver sur un groupe de seconde bloquant la porte. Elles étaient très intimidées devant la colère soudaine de son ami. En passant, il récupéra Alex et le poussa vers la sortie. Le blond, bien trop heureux de retrouver son meilleur ami, en avait oublié la raison de son inquiétude précédente. Beaucoup de gens pourraient trouver ça excessif, d'être aussi énervé de revoir une personne vue à peine deux jours plus tôt. Pour comprendre, il faut connaître ce qu'ils ont vécu ensemble. Et leur passé ne les rendait que plus proche.

Caleb était adossé contre un mur, une cigarette à la main. Il avait demandé à deux filles de lui en dépanner une. Elles n'avaient d'ailleurs pas hésité à lui donner leur dernière : Caleb Hayes qui leur adresse la parole ! Privilège très rare, en somme. Il appréhendait le moment où il se retrouverait seul avec son ami : devrait-il ou non lui parler des lettres ? Après tout, ils avaient tout partagé... Alors pourquoi pas ça ? Il secoua la tête. Là, ce n'était pas sa vie qu'il allait partager... Mais celle d'une autre personne. Qui lui avait, en quelque sorte, accordée toute sa confiance. Caleb soupira. Malgré tout, il était déjà impatient de recevoir une autre lettre. Qui n'arriverait que demain...

  • Hey ! s'écria Alex

  • Salut mec.

  • Mh, Salut, répondit Caleb perdu dans ses pensées. »

Le Hayes jeta sa cigarette à terre avant de se tourner vers ses deux amis.

  • Alors, tu restes complètement ou tu repars à nouveau ? S'intéressa Andrew avec une légère pointe d'ironie.
  • Très drôle, dit Caleb les yeux au ciel. Je reste cette fois.
  • Cool.

  • Alors, j'ai loupé quoi ? Demanda brusquement le brun pour changer de sujet et ne pas s'attarder sur ses absences.

Alex sentait que la voix de son ami était fausse, mais ce dernier n'avait pas l'air de vouloir parler. En effet, il s'était tourné d'une manière qui laissait entendre qu'il n'était pas prêt. En gros, il ignorait royalement Alex. Mais bizarrement, le blond le prenait plutôt bien. Il lui en fallait bien plus pour le vexer.

  • Pas grand chose, répondit Alex .On a en DS mercredi. Ah, et je sors avec Amanda samedi !
  • Pas grand chose, répondit Alex . Ah, et je sors avec Amanda samedi !
  • Depuis quand ? Demanda son meilleur ami, réellement étonné par la nouvelle.

  • Hier, je lui ai demandé. Mais elle veut m'embarquer à la patinoire... Désespéra le blond.
  • Bonne chance, rigola de bon cœur Caleb, vu comme t'es doué.

  • Je t'avais dit de pas accepter la patinoire, soupira Andrew . Les patins c'est galère.
  • J'm'en fou, ça lui fait plaisir...

  • C'est sûr qu'elle va être super contente quand elle va devoir t'emmener à l'hôpital... Se moqua Caleb ouvertement.

Ils continuèrent de se lancer quelques piques jusqu'à la sonnerie, signal de la reprise des cours. D'un pas las, les étudiants rentrèrent dans leurs salles de classes respectives. Alex se fit une promesse intérieure. Avant la fin de la journée, il aurait trouvé ce que Caleb avait.

******

Madison regarda une dernière fois Andrew par la fenêtre, avant de se tourner vers son professeur d'histoire plus que barbant. Elle avait remarqué qu'il avait encore une cigarette à la main. Comme toujours. Elle n'avait qu'une envie : qu'il arrête de fumer. Parce qu'il ne fumait pas que des cigarettes. Elles étaient très souvent bourrées de drogue, et c'était une des raisons pour laquelle il n'en donnait jamais. Il était devenu accro depuis le décès de son oncle... Et Madison n'avait jamais rien pu y faire. Quand elle s'était rendu compte de sa dépendance, elle lui avait demandé de faire un choix... Elle, ou la drogue. Il avait fait son choix. Malgré cela, aujourd'hui encore elle se laisser emporter par ce jeune homme et n'arrivait pas à respecter sa menace. Dès qu'il l'appelait pour sortir, qu'il l'embrassait... Elle n'arrivait pas à la rejeter. Elle l'aimait vraiment trop pour ça.

Madison, qui souhaitait tellement être forte, courageuse, devenait terriblement faible devant ses yeux sombres striés de rouges. Elle lui en voulait tellement. Il ne comprenait rien. Ne faisait aucun effort. Et elle, elle le voyait dépérir jour après jour. Son cerveau était bouffé par ces drogues dures ou douces, il détruisait la chose qui le rendait tant respectable aux yeux de la blonde : son intelligence hors norme. Même le plus minime des efforts l'essoufflait. Si ça continuait, il ne pourrait même plus marcher. Et puis où trouvait-il tout cet argent pour payer la drogue ? Finalement, Madison ne voulait même pas le savoir.

La jeune femme avait vu son père ravagé par le cancer des poumons. Aujourd'hui encore, il devait suivre des traitements épuisants. De la chimio dévastatrice. Et elle n'avait réellement pas envie que cette maladie arrive à l'homme qu'elle aimait plus que tout. Parce que oui, elle était terriblement amoureuse d'Andrew. Depuis la seconde d'ailleurs. Elle avait eu du mal à le supporter. Mais, pour une raison qui restait encore obscure pour la jeune fille, ils s'étaient retrouvés tous les deux dans le même groupe d'exposé. Elle avait appris à le connaître.

Ils étaient devenus amis. Elle était tombée amoureuse de lui. Peut-être que lui aussi était tombé amoureux d'elle, elle ne le saurait sans doute jamais. Il le lui avait bien fait comprendre. Il trouvait les sentiments ennuyants, et n'aimait pas trop en parler. Même si Madison était très « garçon manqué », elle avait besoin qu'on lui montre qu'elle comptait vraiment. Qu'elle pouvait compter sur quelqu'un, parce que chez elle... Elle était celle sur qui les autres pouvaient s'appuyer. Sa mère était dépassée par la maladie de son mari. Et ses frères avaient préféré ignorer les problèmes familiaux. À 15 ans à peine, elle avait été obligée de se conduire comme si elle était la seule adulte dans la famille Moore.

Et elle avait cru qu'Andrew l'aiderait à oublier.

Amanda avait observé discrètement son amie. Elle n'écrivait plus ce que le professeur dictait, et elle risquait de se prendre une remarque. Un léger coup de coude bien placé ramena celle-ci à la réalité. En secouant rageusement la tête, elle copia rapidement le début de la leçon qu'elle avait loupé. Amanda laissa un petit rire s'échapper de sa gorge. Décidément, la blonde était vraiment trop rêveuse ces temps-ci.

*****

La fin des cours sonna, au grand soulagement de tous, professeurs et élèves mélangés. Alex et Caleb quittèrent leur ami Andrew d'un dernier signe de la main, avant de partir en direction de leurs maisons respectives. Ils devaient faire un bout de chemin ensembles, et Alex était bien décidé à faire parler son ami. C'était la seule occasion qu'il aurait aujourd'hui. Autant en profiter. Il prit une grande inspiration avant de prendre la parole.

  • Caleb commença Alex, je t'ai laissé toute la journée... Mais maintenant faut qu'on parle.
  • Il n'y a rien à dire Alex, répliqua-t-il en soupirant.
  • Joues pas à ça avec moi. Je te connais trop bien. Ça marche peut-être avec les autres, mais à moi, tu ne me feras pas avaler n'importe quoi.
  • Qu'est-ce que tu veux savoir ?
  • Oh, je sais pas moi, s'impatienta Alex. Par exemple pourquoi t'es parti hier comme ça ? Pourquoi t'avais l'air si mal ? Ou alors pourquoi est-ce que t'as abandonné le pari avec Ryan ?
  • Ça va, j'ai le droit d'être malade non ? Et puis ce pari me saoulait...
  • Caleb, tu commences sérieusement à m'énerver ! Arrête ce petit jeu de mensonge ! T'étais pas malade, t'as pas un poil de fièvre, tu renifles pas ni rien. D'ailleurs, t'as déjà été malade une fois dans ta vie ? Et ce pari... C'est toi qui l'as proposé. T'étais à fond, tu l'avais presque... Tu vas me faire croire que d'un coup comme ça, ce pari t'a gavé ? À d'autres !

  • T'en sais rien, t'es pas ma mère, tenta Caleb comme justification.
  • Justement, ta mère, elle s'inquiète aussi. Elle m'a demandé ce qu'il se passait au bahut. Mais tu sais quoi ? J'ai rien pu lui répondre parce que je ne sais rien.
  • J'ai pas le droit de faire une petite crise de temps en temps ? Non ? C'est pas interdit à ce que je sache !
  • Pour toi si ! T'es pas le genre de mec à faire ça.
  • Je suis le genre de mec à faire quoi alors ? Vas-y dis moi.
  • T'es le genre de mec à se foutre de tout justement. Comme si avant ça t'intéressait ce que ressentirait Taylor après le pari ! S'écria Alex, avant de poursuivre plus bas. Caleb, je sais qu'il se passe quelque chose... Laisse-moi t'aider.

  • Tu ne sais rien Alex, rétorqua le Hayes froidement.
  • D'accord. J'abandonne. Je pensais vraiment qu'on était plus proche que ça. Quand t'auras l'amabilité de venir me parler, fais-moi signe.

    Pour la première fois, depuis qu'ils se connaissaient, ils se quittaient fâchés. Même si Caleb ne le montrait pas, ça le rendait vraiment triste... Il ne manquait plus que ça. Ces foutues lettres en deux jours avaient tout chamboulé. Il soupira, puis reprit lentement le chemin de sa maison.

Fais chier.



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