Chapitre 2

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Lundi 10 Février 2020

“ Me revoilà. Alors, cette première partie ? Pas jojo, je sais. Mais bon... Voici la suite de mon récit. Et ça ne fais que commencer.

Donc, où en étais-je ? Ah, oui. Mon déménagement. Mais tout d'abord, laisses moi te présenter ma maison. Pour moi, c'était la plus belle de toute. Elle avait trois étages, deux garages, une grange dans le fond du jardin... Enfin, si on peut appeler ça un jardin. Il n'avait aucune limite, continuait loin dans les montagnes. Au rez-de-chaussée, un immense salon avec une cheminée, une télé... Un salon normal. Un piano au fond de la pièce. Derrière, une immense bai-vitrée dirigée vers la forêt. Aux murs, des tableaux peints par ma grand-mère. Dont un de moi et de mon frère. La cuisine, plus loin et plus petite. Que dire sur cette cuisine ? Toujours propre, et pleine de gâteaux et autres friandises. Avec mon frère, on allait souvent y voler quelques trucs à manger. Et enfin, la chambre de mes parents. On n'avait pas le droit d'y aller, pour ne pas déranger. Mais le dimanche nous y allions quand même. Journée exceptionnelle.

Ma chambre était au deuxième étage, adjacente à celle de mon frère. Mais finalement, nous dormions souvent ensemble. Surtout après l'épisode “ Bobo ”. La salle de bain était au fond du couloir, avec une immense baignoire. Pareil, je prenais des bains avec mon frère. J'étais très proche de lui, fusionnel.


Dernier étage, grenier, terrain de jeu. Les pires bêtises se sont passées là-bas. Un immense balcon nous permettait d'avoir une vue imprenable sur la vallée et sur un énorme saule planté dans mon jardin. Les jours de beau temps, on partait lui et moi très loin. On pouvait croiser des animaux que tu ne verras sans doute jamais à Oakland. Trop de monde, pas assez de nature. Ici, on ne peut pas partir au loin dans la forêt. On est enfermé dans des murs de béton et les seuls coins de verdure sont des parcs ridicules où les animaux sont des écureuils et des pigeons. La nature me manque. L'air pur me manque.


Nous avions des animaux aussi. Deux chevaux, un chien : un berger allemand et des poules. Si mes parents voulaient partir, nous devions les laisser ici. Enfin, dans ma tête d'enfant, j'étais persuadée qu'on les emmènerait avec nous, dans une autre maison de campagne. J'étais vraiment naïve. Ma mère nous a pris dans nos bras, des larmes coulaient sur ses joues. Elle nous a dit de dire au revoir au chien. Elle l'aimait très fort, c'était le dernier cadeau de son père. Mais il était trop vieux, et il n'aurait pas supporté... La ville. Un peu comme moi. Je ne comprenais pas, mais mon frère lui avait compris. Il m'a pris la main, et l'a posée sur la tête du chien. J'ai eu peur, j'ai pleuré et je l'ai serré fort. Quand mon père est arrivé pour le prendre, j'ai crié que je voulais le garder. Qu'on avait qu'à rester ici. Mon père a souri, et a pris le chien. Ma mère nous serrait fort, et je criais le nom de mes animaux. Mon père les a vendues. Aucun des trois n'a supporté la séparation, et j'ai appris que quelques mois plus tard ils sont morts. À cause de moi. Et je sentais bien le regard de reproche de mon frère, qui faisait pourtant tout pour le cacher.


On a déménagé. La mère de mon “amoureux” est venue à notre départ. Elle a serré ma mère dans ses bras, et a murmuré un désolé que j'ai très bien entendu. Mais moi, elle ne m'a rien dit. Elle a parlé à mon frère, et à mon père. Mais moi rien. Ni ma meilleure amie ni mes autres amis ne sont venus. J'ai pleuré, encore, dans la voiture. Mais en silence. Personne n'a parlé. Je ne sais pas combien de temps, on a roulé. Mais ça a duré toute la journée, puis on est arrivé dans une ville très grande : Seattle. Et non, Oakland n'a pas été mon premier arrêt.


La maison était hideuse. Une maison comme on en voit tant. Ça me donnait l'impression d'étouffer. Le pire : mon piano n'entrait même pas. J'ai dû le vendre, lui aussi, contre un piano minable électrique. Les murs de la maison étaient tous blancs, sans exception. On aurait dit une clinique d'asile, j'étouffais. Ma chambre était très éloignée de celle de mon frère, et je ne pouvais plus le rejoindre la nuit. Je me suis mise à avoir des insomnies.


L'année scolaire a repris son cours, normalement. J'ai commencé à me refaire des amies. Surtout une. On était souvent ensemble, je rigolais bien avec elle. J'ai atterri dans le même collège qu'elle. Elle restait souvent avec mon frère et moi. Et surtout, elle était au courant pour Bobo. On était très proche, mais je ne la considérais pas comme ma meilleure amie. Après l'épisode que je venais de vivre, je ne voulais plus de meilleures amies. Après l'épisode que je venais de vivre, je ne voulais plus de meilleures amies. Et elle me ressemblait un peu aussi, on avait la même couleur des yeux. Les miens un peu plus foncés, mais ça se voyait à peine.


Elle était très amoureuse de mon frère. Un jour, croyant bien faire, j'ai tout dit à ce dernier. Il n'a rien dit, mais a informé mon amie qu'il était au courant. Elle m'en a voulu, beaucoup. Mais je ne pensais pas qu'elle allait faire quoi que ce soit.


D'un coup, les gens m'ont regardé... Comme avant. Ils ne me touchaient plus, ne me parlaient plus, j'étais tout le temps seule au fond de la classe. Et elle, elle me regardait avec son sourire à la con. Un jour, elle est passée devant moi et m'a murmuré “ vengeance ”. Et j'ai compris. Ils étaient au courant.


Les élèves m'ont fait les pires crasses. Ils ne voulaient pas d'une “catin”. Sur tous mes cahiers étaient écris “ Bobo ”.


« T'es entourée de cons ma parole... Jamais je t'aurais fait ça, j'te jure. »


Je crois qu'elle s'en est voulue, surtout quand mon frère l'a giflée. Elle avait les larmes aux yeux, mais n'a pas pleuré. Moi par contre, je ne me suis pas retenue. J'ai commencé, à partir de ce moment-là, à me sentir un peu... Maudite. Comme si quelqu'un s'acharnait sur mon sort. Le pire, c'est que sur mon passage les gens souffraient. Quand on y réfléchit, toutes leurs souffrances sont un peu de ma faute. Le garçon qu'elle aimait l'a giflée, par ma faute. Oh, je sais déjà ce que t'es en train de te dire : mais ce n'est pas ta faute, elle l'a cherché, et j'en passe. Mais je n'arrive pas à ne pas m'en vouloir.


Page 3 :

Au bout de quelques semaines, les gens ont commencé à être lassés de ces jeux. La vie a peu à peu repris son cours, mais je restais toujours aussi seule. Je restais dans la bibliothèque, ou la salle de musique. Malgré avoir étudié pendant des heures  , mon frère avait toujours les meilleures notes. Il comprenait toujours tout, connaissait toujours tout. En regardant une seule fois un texte, il le connaissait par cœur.


Les profs étaient bluffés devant tant d'intelligence. Alors que moi.. J'étais terriblement moyenne.

Après les cours, une femme est venue et a demandé à mon frère de le suivre. Je suis donc rentrée toute seule à la maison, en bus. Quand il est rentré, j'ai appris qu'elle lui avait fait faire un test bizarre, avec des questions supers compliqués.


Apparemment, son QI est plus élevé que la moyenne. Il connaît déjà tout. Moi, je ne voyais pas ce que ça changeait, il était intelligent et alors ? Où est le problème ? Qu'on me laisse reprendre ma vie... Avec lui. Mais ils ne semblaient pas de cet avis. Mes parents nous ont demandé de descendre, lui et moi au salon. Réunion familiale.


- Votre mère et moi avons quelque chose à vous dire...

-Et bien... Comme tu le sais, ton frère est surdoué. Il ne va donc pas pouvoir continuer les cours normaux...

-Pourquoi ? Il est bien non ?

- Il faut que tu comprennes qu'il s'ennuie.

- C'est vrai que tu t'ennuies ? Avec moi ?

- Non, pas avec toi. Mais à l'école oui.

- Oh... Mais il va aller où ?

- Justement... L'école la plus proche est à San Francisco, et les maisons sont vraiment trop n'avons pas les moyens. Tu vas donc être.. En internat.

- J'irais avec lui ?

- Non. Il doit y aller tout seul... Tu n'as pas les capacités requises.

À cause de l'argent. C'est à cause de lui qu'on m'a séparé de mon frère, alors qu'il restait mon seul ami. J'aurais voulu protester, mais quand j'ai vu son regard emplis de bonheur, je n'ai pas pu. Il était heureux d'y aller, je ne pouvais pas faire mon égoïste et l'en empêcher.


Je l'ai donc aidé à faire ses affaires. À vider sa chambre. Vider nos souvenirs. Je n'avais que 11 ans, et je ne le verrais que pour les vacances. Mon frère me manquait.


Les semaines ont passé, et lui, il donnait de moins en moins de nouvelles. Il se plaisait tellement là-bas, il avait un groupe d'amis “trop cool”. Il avait la capacité d'attirer n'importe qui, un peu comme toi, tu vois ? Quelques fois, j'avais l'honneur de recevoir des lettres rien que pour moi. Mais ma mère m'a révélé après, qu'elle avait obligé mon frère à m'en envoyer. Je lui ai demandé de ne plus le faire par obligation. Je n'en ai plus jamais reçu. Je n'existais plus dans son monde.


Dès qu'il a quitté mon école, les moqueries ont repris. J'étais non seulement une catin, mais aussi une abrutit profonde. Mais je laissais passer. Toutes les moqueries, je les prenais sur moi, et m'en allais très loin. Dans un monde où j'étais toute seule : la musique.



Page 4 :

J'entrais en quatrième, je changeais d'école. Et mes parents m'inscrivaient dans une école de musique. Là-bas, j'y ai rencontré un garçon. Magnifique. J'en suis immédiatement tombée amoureuse. Il jouait du violoncelle, un instrument que peu de gens aiment. Après mon cours de piano, le mercredi après-midi, je partais avec lui et on jouait ensemble. J'adorais l'odeur de ses longs cheveux bruns. Et il était bien le seul à ne pas se moquer de moi, ni pour mon physique ni pour mon passé. Il était aussi amoureux de moi, je crois, on a commencé à sortir ensemble. Mon premier petit ami, c'est important pour une fille. L'amour rend aveugle, n'est-ce pas ? Il a vou...



  •  Caleb ? Caleb ? Retentit de la voix stridente d'un certain blondinet. Putain t'es là, j'te cherchais partout! Réponds quand on t'appelle !

  • Tu vois pas que je suis occupé ? Lâches moi, grommela Caleb

  • Non-non, tu vas venir avec moi. Je sais pas ce que t'as depuis ce matin, mais va falloir arrêter là.

  • Faut te le dire en quelle langue ? J'ai envie d'être seul !

“ Et finir cette lettre, tu m'as coupé à un putain de moment ”

  • C'est quoi ces feuilles ? Des déclarations d'amour ? Rigola Alex.

  • T'es vraiment chiant Alex, tu le sais ça ?

  • Mec t'as une tête à faire peur, viens, on va déjeuner ça te feras du bien.

  Le blond arracha toutes les lettres des mains de son meilleur ami sans y jeter un coup d'œil et l'obligea à se lever. Il traîna son ami devant les regards ébahis des autres élèves. Caleb était encore plus pâle que d'habitude, et ses yeux semblaient vides. Il n'arrêtait pas de penser à la lettre qu'il n'avait pas pu finir. Sa dernière page ! Il fallait qu'il l'achève ! Surtout qu'il avait envie, terriblement envie, de connaître la suite...


  • Ah, vous voilà, s'écria Andrew. T'en fais une tête Caleb...

  • J'sais pas ce qu'il a, soupira le blond, mais faut qu'il mange là.

  • Je peux aller lui chercher à manger, la dame de cantine m'adore, proposa Taylor.

  • Pas la peine, j'ai pas faim

  • Caleb faut que tu bouffes ! Tu fais peur là.

  • J'ai pas envie, lâches moi merde! Je vais rentrer chez moi.

  • Mais...

  • Laisse le Alex , le coupa gentiment la jeune Amanda . S'il se sent pas bien, c'est mieux qu'il s'en aille.

  • Tu as sans doute raison, concéda-t-il. Mais j'ai comme un mauvais pressentiment...

Le petit groupe regarda Caleb s'éloigner vers le grand portail impuissant. Personne ne savait exactement ce qu'il avait, mais tout le monde pouvait sentir qu'il n'allait pas bien. Et Alex savait très bien que ces lettres en étaient la cause. Caleb les lui avait violemment arrachées des mains avant de s'enfuir en courant.


Le ténébreux, lui, essayait d'arriver chez lui le plus vite possible, pour savoir ce que ce mec avait fait à l'auteur de ces lettres. Parce que plus l'histoire avançait, plus il se rendait compte que cette fille avait une piètre image d'elle-même. Elle se sentait tellement... Comment dire ? Tellement nulle. Encombrante. Dérangeante. Bref, inutile.


Il serra les poings de colère. Comment des gens, peuvent-ils être aussi horribles à lui faire tout ça ? Rien n'est de sa faute bordel ! Ni son viol, ni son physique, ni son intelligence ! Elle ne l'a pas décidée. Pourquoi s'en servir contre elle ?

Il arriva devant sa maison. Évidemment, il avait oublié son sac et donc ses clefs. Il soupira puis se mit à escalader son portillon. Il irait dans son jardin pour poursuivre la lecture. Il s'assit à nouveau devant l'arbre planté au centre de son jardin. Il se rendit compte que c'était un saule. Il n'avait jamais vraiment fait attention. Un signe ? Non, sans doute une simple coïncidence. Il ouvrit précipitamment la dernière partie de la lettre. Il n'en restait pas beaucoup. Plus qu'une feuille et demie... Avant la prochaine.



Caleb s'appuya donc confortablement avant de recommencer là ou il avait dû s'arrêter un peu plus tôt.

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