Chapitre 2

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  • Halsey, If I catch you speaking again, I'll throw you out ! Me réprimanda Coleman.

Je me retournai en direction du tableau et adressai un regard de reproche à notre professeur d'anglais, Christine Coleman. Nous avions la même prof dans cette matière depuis notre entrée au lycée, donc elle nous connaissait bien. À notre grand malheur, elle profitait de cet avantage pour nous interroger lorsque personne ne levait la main pour répondre et elle passait son temps à nous rappeler à l'ordre.

Derrière mon dos, Brendan poussa un soupir qui du s'entendre à l'autre bout du lycée et qui fit froncer les fins sourcils noirs de Madame Coleman.

  • Brendan ! S'exclama-t-elle d'un ton offensé.

  • Désolé Madame, grommela-t-il.

  • In english please, le reprit-elle.

  • Sorry, répéta-t-il d'un air bougon.

  • Okay... but be carefull ! Le prévint-elle en le fusillant du regard.

Puis elle reprit ses explications sur la façon d'utiliser May, Might et Must dans une phrase. Lorsqu'elle me parut assez concentrée sur son transparent, je me retournai pour la quatrième fois vers Brendan.

  • Je te dis que c'est hors de question, Brendan, chuchotai-je. Même pour toi, je ne prendrai pas ce risque. Et puis il ne fallait pas te prendre deux heures de colle dès la première semaine.

  • Mais il n'y a pas de risque ! Mais il n'y a pas de risque ! T'as qu'à y aller, donner l'argent discrètement et récupérer le sachet, je ne vois pas le danger.

  • Je vais te dire où est le danger, ironisai-je, il comporte six lettres : P.O.L.I.C.E.

  • Pfff, souffla le blond. Ce ne serait vraiment pas de bol pour toi que la police débarque, elle ne traîne jamais là-bas.

  • Oui, eh bien, tu devrais savoir que je suis connue pour avoir la poisse, répliquai-je.

  • Vas-y avec Payton, les flics ne se méfient pas de deux filles ensemble. Surtout que vous n'avez pas l'air de dealeuses ni de consommatrices.

  • Je vais réfléchir, mais j'espère que tu es conscient de ce que tu me demandes de faire, grognai-je.

  • Merci, c'est sympa, conclut-il en prenant visiblement ma réponse pour un accord.

Non mais je n'étais pas là pour régler ses petites affaires ! Parce que Monsieur avait eu la bonne idée de laisser sonner son portable trois fois de suite dans le même cours, ce qui lui avait valu deux heures de colle en plus de la confiscation de son mobile, il m'envoyait faire sa commission qu'il ne pouvait plus effectuer lui-même... Génial, vraiment. Bien sûr, il m'avait expliqué que c'était une super occasion et que s'il n'était pas au rendez-vous, l'affaire lui filerait sous le nez. Comme Chase disait avoir quelque chose de prévu ce soir-là, il s'était tout naturellement rabattu sur moi... Je m'en serais bien passé...

Je retournai la situation dans ma tête toute la journée, puis j'en parlai à Payton, qui me dit à contrecœur que cela ne la dérangeait pas de m'accompagner. Je refusai, ne souhaitant pas l'exposer à ce genre de chose. Ma Chère Petite Payton se devait de rester pure et innocente. Lorsque j'annonçai à Brendan que j'irai à son rendez-vous, il explosa de joie et me remercia au moins dix fois. En revanche, Chase ne sembla pas ravi de ma décision, mais il ne fit aucun commentaire.

Lorsque la journée de cours s'acheva, Brendan gagna le bureau des CPE d'une démarche lente et désabusée tandis que Chase, Payton et moi, nous dirigions vers la sortie du lycée. Le père de Payton était déjà là et elle monta rapidement dans sa Mercedes flambant neuve, le rose aux joues. Payton détestait se faire remarquer. Chase et moi devions nous contenter du bus de la ville et nous nous rendîmes à l'arrêt pour y attendre notre chauffeur non-personnel.

Chase alluma une cigarette et lança sans préambule

  • Tu ne devrais pas y aller ce soir.

Je levai un regard étonné vers lui et l'interrogeai du regard. Il tira sur le filtre de sa clope et prit son temps pour recracher la fumée en un beau nuage opaque.

  • C'est un quartier qui craint un peu, expliqua-t-il. Brendan est inconscient de t'envoyer là-bas, il sait parfaitement que c'est dangereux.

  • Tu n'aurais pas pu dire ça plus tôt ?Me lamentai-je en sentant un frisson remonter le long de mon échine. Me lamentai-je en sentant un frisson remonter le long de mon échine.

  • Si tu lui dis que tu as eu peur, il comprendra, rétorqua Chase.

  • Je ne dirai jamais ça, annonçai-je fièrement.

  • Tu fais bien comme tu veux, dit-il en fumant allégrement. Mais si tu y vas, je te demande de faire attention.

  • Tu t'inquiètes pour moi ? Demandai-je d'une voix faussement émue. Pas de souci, je ferai gaffe.

Il me lança un regard incertain et entama un autre sujet de conversation, qui nous détendit tous les deux. Lorsque le bus passa, nous avions complètement oublié cette histoire de rendez-vous.

Seulement, quand je fus rentrée chez moi, les paroles de Chase prirent tout leur sens. Je serrai dans ma main le billet de vingt euros que m'avait donné Brendan et une partie de moi commença à regretter d'avoir accepté cette tâche. Je regardai l'horloge accrochée dans le hall d'entrée de ma maison et constatai qu'il ne me restait qu'une vingtaine de minutes avant l'heure du rendez-vous.

La rue dont m'avait parlé Brendan se trouvait à moins de vingt minutes de chez moi, proche de la zone industrielle, je disposais donc d'un quart d'heure pour me préparer à cette sortie pour le moins inhabituelle.

Heureusement, ma mère ne rentrait pas avant dix-neuf heures, je n'aurais donc pas à inventer un mensonge pour justifier mon absence. De plus, j'étais fille unique et ne craignais donc pas qu'un éventuel petit frère cafte tout lorsqu'elle rentrerait.

Je pénétrai dans la cuisine-salle à manger et empruntai les escaliers pour rejoindre ma chambre. J'ouvris mon armoire et dégottai un vieux t-shirt et un jean sans forme qui conviendraient parfaitement à cette expédition. Je quittai mes ballerines que je troquai contre des baskets et me démaquillai avant d'observer le résultat dans la glace. Avantage, j'attirerai moins le regard des garçons. Inconvénient, j'attirerai plus le regard des flics, car j'avais tout l'air d'une zonarde.

Je haussai les épaules et me mis à quatre pattes pour regarder sous mon lit. Je reconnus rapidement l'objet de ma recherche dans le fouillis qui s'alimentait de tout ce dont je ne savais pas quoi faire lorsque je rangeai ma chambre. J'extirpai ma bombe d'auto-défense, que je n'avais encore jamais eue l'occasion de sortir, et la fourrai dans mon sac. Je pensais être fin prête. Glissant le billet dans ma poche, je vérifiai qu'elle contenait également mon portable puis je lorgnai ma montre et pris la direction de la porte d'entrée. Je l'ouvris, sortis et la claquai derrière moi avec force.

Je quittai mon lotissement tranquille à regret et m'engageai dans une des rues perpendiculaires à la voie qui remontait au centre de la ville. Par chance, Littleton n'était pas une ville immense, ce qui me facilita la tâche pour m'orienter dans le dédale qui menait à la zone industrielle. Plus j'avançais, moins les quartiers étaient accueillants. Les teintes pastellent des maisons furent rapidement remplacées par des nuances de gris taguer de termes plus incompréhensibles les uns que les autres tels que "Himx", "Bringles" et "Grozz", les fleurs et les statues dans les jardins laissèrent place à des roues de vélos rouillés, des jouets pour enfants usés et des véhicules lugubres.

J'accélérai le pas, plongeant mes mains dans les poches de mon jean, tout en maudissant Brendan de toutes les manières possibles. Peu à peu, les maisons disparurent et très vite il n'y eu plus que des entrepôts sur le côté de la route. Je n'avais heureusement croisé personne jusqu'à présent et je savais que le lieu du rendez-vous n'était plus très loin. Je priais pour que Brendan ait prévenu son contact que ce ne serait pas lui qui viendrait chercher son herbe lorsque je reconnus le nom de la rue que je cherchais sur l'un des panonceaux accroché à un entrepôt.

Je regardai à droite et à gauche et contournai le bâtiment pour enfin parvenir au petit terrain vague dont m'avait parlé mon ami. Je m'assis sur une vieille machine à laver rouillée et attendis, passant mes dents sous mes ongles dans un geste machinal lié au stress. Au bout de dix minutes d'attente, il n'y avait toujours personne. Je regardai ma montre pour la douzième fois au moins et commençai à paniquer. Peut-être que le dealer s'était fait choper ? Et s'il disait à la police que je l'attendais là ? J'imaginai la tête de ma mère lorsque les agents appelleraient chez moi pour signaler qu'ils m'avaient trouvée en train d'attendre la venue d'un vendeur de cannabis... Et j'eus envie de m'enfuir à toutes jambes.

Dix autres minutes passèrent. Il était dix-sept heures trente-deux et je m'étais juré que s'il n'était pas là à trente-cinq, je rentrerais chez moi. Manque de chance, il apparut à trente-quatre. C'était un garçon d'une vingtaine d'années, grand, à la démarche sûre. Il portait un pantalon et un t-shirt tout à fait normaux et n'avait pas une tête à distribuer de la drogue. Si ce n'est que ses cheveux avaient une étrange couleur : blanche. Il était dix-sept heures trente-deux et je m'étais juré que s'il n'était pas là à trente-cinq, je rentrerais chez moi. Ils se décoloraient, donc. Il se dirigea vers moi d'une manière faussement désintéressée et afficha un pâle sourire en croisant mon regard.

  • Salut, dit-il, c'est toi Halsey ?

  • Oui, confirmai-je en lui rendant son sourire, un peu crispée malgré tout.

  • Brendan m'a dit que tu viendrais à sa place, continua-t-il. Tu n'as pas eu trop peur de venir ici toute seule ?

  • Je ne ferai pas ça tous les jours, ris-je. Mais ça va.

  • Je vois que tu es plus intelligente que toutes les filles qui viennent traîner par ici, me complimenta-t-il en admirant ma tenue. Je vois trop souvent de gamines inconscientes se ramener en tenue légère.

Il sourit de nouveau et sortit un sachet de sa poche. Je jetai un rapide regard aux alentours et extirpai à mon tour le billet de mon jean. L'échange se fit rapidement et mon cœur se mit à battre la chamade à l'idée que l'on est pu nous voir. Je plaçai le sachet dans mon soutien-gorge, tel que Brendan me l'avait appris et immédiatement mes narines furent assaillies par l'odeur sucrée de la plante. Le jeune homme se sentit obligé de vanter les qualités de sa marchandise, m'assurant que les pieds qu'il cultivait poussaient dans les meilleures conditions possibles, que l'odeur du produit final était exquise et il me proposa même de me faire goûter en faisant apparaître un joint fraîchement roulé de derrière son oreille. Je refusai poliment et assurai le croire sur parole.

  • Très bien, jeune fille, dit-il en allumant quand même son pétard. Peut-être qu'on se reverra bientôt ?

  • Ce n'est pas contre toi, mais je n'espère pas, rigolai-je en me remettant debout sur mes pieds.

  • Je comprends, passe le bonjour à Brendan, fit-il en s'éloignant lentement, recrachant sa fumée à intervalles réguliers.

Je le regardai partir en songeant qu'il était bien sympa. Je ne lui avais même pas demandé son nom. Rassurée d'en avoir terminé avec cette affaire, je pris le chemin du retour, mais j'avais à peine parcouru quelques mètres que je tombais nez à nez sur Chase. Il me regarda, je le regardai et nous aurions pu en rester là si je n'avais pas lâché.

  • Qu'est-ce que tu fabriques ici ?

  • Rien, je passais par là, c'est tout, dit-il d'un ton évasif.

  • Tu ne m'as pas suivie, j'espère ?

Il me regarda de haut et ricana.

  • Tu es une grande fille Halsey, tu fais ta vie.

Il avait parfois le don de sortir ce genre de répliques déplaisantes.

  • Je croyais que tu avais quelque chose à faire ce soir et que c'était pour ça que tu ne pouvais pas aller à ma place récupérer la beuh de Brendan ?

  • C'est le cas, confirma-t-il. Mais tu n'avais pas rendez-vous plus tôt ?

  • Si, mais le mec était en retard, expliquai-je. C'était quoi ton truc à faire ?

Son visage se ferma et il me lança d'un ton glacial.

  • Ce ne sont pas tes affaires. Bon, je rentre.

Il passa à côté de moi, les mains dans les poches, sans m'accorder un regard. Je restai bouche bée un moment, choqué par sa froideur, puis je me retournai et criai.

  • Qu'est-ce qui ne va pas, Chase ? Je t'ai fait quelque chose ?

Il s'arrêta, se retourna et je fus heureuse de constater qu'il souriait.

  • Non, mais j'ai la tête prise. Tu n'y es pour rien, excuse moi. Allez, à demain.

Après quoi, il s'éloigna, me laissant seul, le t-shirt sentant la beuh à trois kilomètres, dans une rue lugubre et silencieuse. Il aurait au moins pu me raccompagner ! Que faisait Chase ici ? Je restais immobile, à l'observer, jusqu'à ce que sa silhouette disparaisse au coin d'une rue et que mes réflexions soient poussées à leur paroxysme. Que faisait Chase ici ? Pourquoi toute cette froideur à mon égard ? Je me retournai et repris le chemin de ma maison, ruminant de sombres pensées.

  • Halsey, si je te reprends à discuter, je te mets à la porte !

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