Lorsque je l'aperçois, elle est une tâche de couleur noyée. Vert d'eau et rouge sombre, son kimono tasse sa silhouette et ne rend pas justice à la majesté que je lui connais. Elle est petite, floue, ne tranche dans le paysage que par ses contrastes : un visage blanc qui sort des tissus, encadré par l'ébène d'une chevelure fine qui se bat contre la brise.

Elle m'attend.

J'ai couru vers elle et tout s'est mêlé : mon souffle au vent, l'empreinte de mes pas hâtifs sur le sol. J'ai couru tête baissée, incrédule et si incroyablement soulagé de la voir en vie. Sur cent mètres je file et pile devant elle, essoufflé et penaud : ma tête se relève pour la fixer, voir à quel point elle a changé.

Ses yeux effilé comme des amandes me sondent, aussi obscurs que doivent être ses pensées. Les mains jointes sous les manches amples qui cachent la peau de ses bras, elle se tient droite d'une posture qui parvient à la faire grandir. Ses cheveux qui ondulent avec les bourrasques retombent entre deux souffles comme un voile noir sur ses épaules, angoissant tant il se fait droit. Sa peau est porcelaine mais il y a de la couleur dans ses joues pourtant et - je le crois - un sourire discret sur ses lèvres. Elle est belle malgré la symétrie oppressante, irréelle, qui régule ses traits et l'ensemble de son être.

Un nouveau coup de vent, contre elle cette fois ; son odeur familière d'orchidée et de cendre m'atteint de plein fouet.

- Tu es revenue.

C'est tout ce que je suis capable de dire.

- J'en avais assez de fuir.

Sa main froide aux ongles rongés surgit d'entre les soies, cherche la mienne. Comme je l'ai fait tant de fois auparavant, je la rejoins et la serre.

- Allons-y.

Je ne sais pas où mais je la suivrai.

C'est comme cela que je l'ai retrouvée.