Une Histoire de Ratés // 1

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D'une seconde à une autre, Richie Tozier se retrouva cloué au sol, assommé par la force de sa chute. Vidé et sans ressource, il ne fit plus aucun mouvement, et seuls les cris tout autour de lui continuèrent de résonner d'une façon sinistre. « Ça » semblait par conséquent s'éteindre, il n'avait pas d'autre mot. Mais pour l'heure, quelqu'un d'autre lui sembla également disparu.  Le souvenir amer des événements passés ne put s'effacer de son esprit, comme un mauvais flash. En réaction, il resta prostré sur place, immobile contre le sol humide ; cette vision d'horreur si oppressante défilant toujours devant ses yeux absents. Tout du moins avant qu'Edward Kaspbrak ne se penche face à lui, les iris mouillantes et le visage dégoulinant d'une satisfaction significative.

- Hey, mon pote... ça, ça y'est. J'crois que j'l'ai eu mec... Commença-t-il a articuler fièrement, se retenant aux deux flancs opposés de son interlocuteur. 

Richie mit un certain temps à répondre, comme ébahit que son ami ne se tienne-là, face à lui. Silencieux, il se contenta de prendre une seconde pour imprimer à jamais dans sa mémoire, le visage épanoui qu'il discernait devant ses yeux.

- Eds...

- Je l'ai fait mon pote, regarde ! Il est en train de crever ! 

L'ancien asthmatique disposé à son dessus se retourna un bref instant vers la créature, cette dernière exultait de douleur à plusieurs mètres de là. Elle retira un énième sourire sadique à adversaire qui l'avait plaqué au sol quelques instants auparavant. Kaspbrak se tourna une nouvelle fois vers l'acteur, toujours immobile et allongé sous lui. Mais l'image de son ami dans cette position, face à face et surélevé, réveillait fatidiquement quelque chose chez ce dernier. Son regard s'en trouva totalement déformé par la terreur, avant même que le plus jeune ne puisse lever un sourcil. Eddie n'eut pas le temps de réfléchir, il se fit entraîner par son ami sur son côté gauche. Si violemment d'ailleurs qu'ils firent ensemble plusieurs tours, venant s'écraser contre un tas de pierres non loin. Le coup fut sec et brutal : retirant par conséquent une complainte étouffée au plus âgé, qui feignit un léger gémissement. Et avant même qu'Eddie ne puisse se questionner sur ce qu'il s'était passer, la seule chose qu'il vit, fut la longue patte noire de tarentule qui s'écrasa contre la roche abrupte, la pulvérisant comme un vulgaire morceau de carton. La même qui lui faisait face quelques secondes plus-tôt. Il en eut un bref sursaut d'effroi. Puis, arriva une seconde bouffée d'angoisse, et il ne put qu'émettre un faible son étranglé. Il les entendait au loin, Bill et le reste du groupe, hurler leurs deux prénoms, mais il n'eut pas la force de répondre. Il pria intérieurement pour que les choses se stoppent d'elles-mêmes, comme par un simple enchantement, et se fit entraîner dans un des multiples recoins sombres du vaste champ de bataille.

Les yeux fermés et en état de choc, il resta plusieurs secondes sans parvenir à bouger une fois immobile. Il se collait fermement à la paroi rocheuse, penant à trouver un nouveau souffle. Il ne saisissait pas l'ampleur de la situation dont-il était rescapé, à mesure que le reste des ratés rejoignaient à leur tour, les deux amis tapis dans l'ombre. Seul le fait de broyer littéralement la main cramponnée fermement à la sienne fut ce qu'il pouvait encore faire. A ses côtés, Richie continuait de le fixer, scrutant sans un mot son abdomen. N'ayant que pour seule crainte, un trou béant s'y formant, avant que celui-ci ne s'immacule soudainement d'un sang rouge vif.

- Eddie, Richie ! Hurla Bill, venant se placer devant eux, le visage déformé d'inquiétude.

- Vous n'avez rien ? 

Beverly tâta comme par réflexe les épaules du plus petit, décalant ses deux paumes entre ses deux jambes entrecroisées. Puis, rapidement, obtempéra à une recherche minutieuse d'une blessure pouvant être existante. Elle se concentra davantage sur l'abdomen de ce dernier, mais elle ne vit rien de plus que ce que Richie avait déjà remarqué.

- Putain, seigneur... Répliqua-t-elle dans un souffle d'étrange excitation, après avoir pris les précautions adéquates pour s'affranchir avec ferveur de son auscultation.

- Hé les ratés, venez-vous amuser. Le jeu n'est pas fini.

Tous se retournèrent vers le petit espace qui projetait la fine lumière étincelante émanant du dessus de la créature. Elle vint cogner avec ferveur sur les contours du petit passage dans lequel elle ne put s'aventurer ; ses dents finement aiguisées vers l'avant. Ses griffes claquèrent violemment contre la roche, engendrant un vrombissement accru autour du petit groupe qui se resserra davantage.

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant... ? Demanda alors Richie, parvenant enfin à se libérer un peu de sa hantise, la main de Kaspbrak toujours naïvement liée à la sienne. 

Sans même le remarquer, sa deuxième paume se contenta de presser nerveusement le haut de son ventre. Eddie pensa un instant qu'il fut lui-même, sérieusement blessé.

- J'en ai aucune idée. 

Tous échangèrent un regard unanime alors qu'une rangée de pierre s'abattit non loin d'eux dans un bruit assourdissant, porté par la force des coups reçus sur la structure du sinistre endroit.

- Vous m'donnez faim, je sens votre peur... Continua de vociférer l'être surnaturel dans une rage conséquente, leur faisant face. 

Mike se mordu nerveusement les joues d'angoisse alors qu'il discernait les pupilles furieuses de celle-ci, comme pouvant presque le dévorer de l'intérieur.

- Il faut le rendre plus-petit... Commença soudain Eddie, son souffle ne se régulant que difficilement. Je me souviens devant le lépreux. Je l'ai étranglé, j'ai senti qu'il se rétractait. J'ai senti son pou s'affaiblir. J'ai su que je le rendais moins fort... 

Tous les regards furent dorénavant posés sur lui. Un dernier grognement d'impatience émana du clown maléfique, Bill et Richie se toisèrent d'un regard sérieux.

- Si on ne peut pas le rendre plus petit, on peut le persuader qu'il est.

- Il faut qu'on l'affronte dans un combat mental. Et après, on le...

- On le détruira... De l'intérieur. Conclut Bill, les yeux brûlants d'une rage soudaine. Il ne peut rien faire si on en a pas peur de lui. 

Tous eurent un moment d'exactitude, la menace semblait comme se rapprocher encore un peu plus. Devenant paradoxalement, bien plus menaçante.

- On y va... 

Mike, Bill et Beverly se relevèrent ensembles aux côtés de Ben, qui lui, ne put s'empêcher de toiser nerveusement la bête se démenant à son extrémité.

- Reste avec lui Richie. Souffla la jeune femme, plantant le temps d'une seconde son regard dans les pupilles dilatées du comique. Assure-toi qu'il ne lui arrive rien. 

Richie aurait juré pouvoir lire dans les prunelles de son ami en cet instant. Et d'une certaine façon, il était persuadé qu'elle savait ce qu'il avait vu, qu'elle avait sûrement vu la même chose. Dans la même seconde, et alors que les quatre amis se dirigeaient ensemble vers la petite sortie, il resserra avec précaution sa prise. Eddie avait repris une respiration mesurée.

- Qu'est ce qu'il s'est passé bordel ? Demanda-t-il, les yeux rivés sur ceux rougit de son aîné.

Mais le questionné ne sut quoi répondre, les images de son éprouvant cauchemar remontant implacablement à la surface, lui brouillant de ce fait totalement l'esprit. Et à la place de rétorquer une réponse censée, il éclatât en sanglot. Réaction qu'Eddie ne put comprendre, mais dont il se préoccupa plus ou moins. En silence, il laissa sa propre main frôler d'une caresse aérienne, le dos tremblant de son ami à ses côtés. Il n'eut -à priori- aucune blessure, superficielle ou non. Il avait juste été un peu secoué par le choc, chose qui avait entraîné son -soi-disant- fameux asthme. Mais depuis que Richie était parvenu à reprendre ses esprits dans le monde réel, après avoir enfin été libéré des lumières mortes, il semblait qu'il en était revenu différent. Avec un air profondément hanté par quelque chose, à mesure que ses pleurs se perdaient contre sa veste grisâtre. Eddie y réfléchit quelque temps, sans grand résultat convainquant. Puis résigné, il laissa ses questions en suspens, se contentant de serrer à son tour la présence à ses côtés dont il ne pouvait se détacher.

- Richie, Eddie. Venez ! 

L'urgence de la situation les rattrapa alors bien plus vite. L'aîné tenta tant bien que mal de voir à travers ses lunettes embuées, même si il lui sembla que la grande créature qu'il vu se battre (et dont la griffe majestueuse le fit une nouvelle fois vibrer d'angoisse) parut comme se rapetisser. Mais il eut un nouveau sursaut de peur quand il sentit Kaspbrak lui-même, également se ressaisir. Le temps de ce court moment, ils entendirent tous deux la bande hurler sur la chose ; sans même parvenir à en comprendre la moindre parole.

- J'y vais Eds.

- Attends-moi, je...

- Non. Reste-la, tiens l'coup. Je reviens vite. 

Avant même la fin de sa phrase, le susnommé vit alors partir le comédien vers le petit groupe, revenu quasiment au milieu du terrain à moitié détruit. Eddie suivi cependant le conseil avisé de l'homme à lunette, ne se relevant que péniblement sur ses deux jambes lâches pour ne faire aucun autre mouvement. Cette dernière parole éveilla soudainement ses réflexions. Pourquoi diable avait-il rajouté « tiens le coup » dans sa phrase ? Ce fut bloqué sur cette question que le plus jeune resta campé sur ses deux pieds, le regard perdu vers la petite bande qui s'agglutinait autour de quelque chose, devenu soudainement insignifiante.

- Imposteur... Répétèrent-t-ils, crescendo.

Leur ennemi s'écrasait sur lui-même, semblant se consumer. Il n'en fallut pas plus au comique pour tenter en vain de l'achever. Rempli d'une rage furieuse, il parvint à réduire à néant une des pattes velues qu'il discernait, pour finir par transpercer le corps de la créature qui lâcha un cri d'agonie. Mais même dans la douleur, celle-ci lui répondit d'un rictus malsain. Richie ne fit rien de plus que la regarder s'éteindre.

- Regarde-toi maintenant. Commença alors Bill, prenant toujours soin de ne pas trop s'approcher. C'est fini. 

- Il faut qu'on écrase son cœur à présent. Certifia Mike en se penchant également, étendant le bras face à lui.

- Jamais je n'aurai pu manquer ça. 

Toute la bande se retourna, scrutant leur ami debout derrière eux. Eddie fixait avec mépris, l'être surnaturel qu'il voyait se débattre à son front. Celui-ci lâcha un cri d'intimidation, comme une dernière et ultime provocation.

- Tu vas voir ce que c'est, me gerber dans la bouche. Connard. 

Il s'en rapprocha, Richie ne fut jamais très loin. Et sans une parole, il actionna le même geste que Mike. Vite rejoins par le reste des convives, qui commencèrent également le même mouvement. Puis la créature disparut ; littéralement écrasé par le groupe d'amis, mettant fin à sa funeste traque. Comme une page se tournant enfin sur leur passé.

Peu de temps ensuite, les fondations de la maison eurent cédé. Au bon moment ; les ratés ayant réussi à s'évader de cet endroit maudit, dorénavant réduit en cendre. Ce fut aux Friches que le groupe décida de s'installer ensuite, ne serait-ce que pour se rincer un peu ; comme-ci la peur était encore inscrite sur leur peau tel une brûlure invisible. Richie n'avait pas prononcé un mot depuis leur sortie de Neibolt Street. Aucun son, aucune parole. Et le regard perdu au sol. Eddie se tenait à quelque pas devant lui, accompagné par Ben et Beverly. Cette dernière continuait de lui porter une attention toute particulière, qu'il ne parvenait toujours pas à comprendre. Bill lui, restait avec Mike à l'avant. Ils ne se parlaient pas ; mais arboraient tous deux un large sourire qui ne put s'effacer.

☽ ☾

Baigné dans le liquide froid de tout son corps entier, Eddie inspira longuement une fois la tête hors de l'eau. Difficilement, il tenta de faire bouger un peu plus ses muscles endoloris sous la pression, tout en jetant un regard curieux vers le petit groupe amassé un peu plus loin. Tout le monde était réunis, Richie paradoxalement au milieu de tous, muté dans son silence. Il fixait vainement sa paire de lunette disposé dans ses dix doigts. Kaspbrak le regarda quelque temps, puis baissa le regard. Il ne comprit absolument rien à son attitude, mais s'avança malgré tout vers eux. Richie ne remarquait pas son ami se rapprocher : Comme toutes autres choses qui purent à ce moment l'entourer. Tout ce qu'il vu, fut le sang sur la branche droite. Où tout du moins, ce que son imaginaire lui faisait parvenir. Il ne pouvait s'en défaire. Il avait connu cette douleur, jamais plus elle ne le quitterait. Celle-ci le terrorisa, le plongeant dans un état d'angoisse. Il n'avait plus qu'une peur, lever les yeux au-devant pour ne plus jamais le voir.

- Tu sais Eddie ? Rompit Mike, le sourire remplit de malice. Je pensais que tu aurais détesté ça.

- Pourquoi, parce qu'on se lave dans de l'eau sale ? Répondit nonchalamment ce dernier, se frottant le visage. Ecoute mec. Un lépreux m'a vomi dans la bouche pour la deuxième fois hier, je pense que je suis prêt pour les friches. 

Le reste de la bande exprimèrent un rire franc. Même Richie esquissa un sourire, ayant tout de même un peu de répit hors de son état traumatique.

- Tu penses pas qu'on va attraper des Staphylocoques ou j'sais pas quoi ?

- Ça c'est votre problème. Plus le mien.

De nouveaux éclats de rires perlèrent dans le silence du petit point d'eau, leurs comportements d'éternels gamins revenant aux galops. Eddie se jeta rapidement sur la première opportunité qu'il eut pour se décaler vers son aîné, toujours assit. Personne ne le remarqua, il s'installa à ses côtés sans un mot, se contentant d'être présent. Richie tourna ses pupilles vers lui, tel point qu'on aurait pu prétendre qu'au moindre mouvement, il allait finir par flancher sous son propre poids. Mais en réalité, il en était apeuré. Effrayé à la simple idée que ce dernier ne disparaisse rien qu'au premier clignement de paupière.

- Bah alors Richie ? Où est passé ta grande gueule ? Demanda Ben en s'avançant.

Mais comme après la dernière parole qu'il avait tenté de prononcer, il éclata brusquement en sanglot. Sans un mot, Eddie força son étreinte, le cerclant dans ses bras. Toujours silencieux, juste un enlacement de soutien. Beverly se joignit rapidement à la scène, vite imité par le reste de la bande. Richie rouvrit machinalement les yeux dix secondes plus-tard, épuisé par la force de son spasme. Il tourna naturellement le regard vers la personne qui le tenait contre lui. Puis, baissa timidement sa mâchoire contre le dessus de ce crâne qui appuyait contre son biceps droit. Il ne put que sourire, touché. Même sans ses verres de contacts, il parvenait toujours à les reconnaître.

- C'est gentil... J'ai perdu mes lunettes alors je sais pas qui vous êtes, mais c'est gentil. 

L'émotion négative du plus âgé passée, Eddie en sourit presque, amusé. Il profita également du fait que les autres membres peinèrent à chercher les dîtes lunettes pour embarquer Tozier un peu plus loin, bien décidé à en savoir davantage sur le comportement de ce dernier. La seule chose que vu Bill au moment où il relevait la tête de l'eau, fut l'hypocondriaque emmener le comédien vers le milieu du bassin. Il se mit à sourire seul quand il remarqua le plus petit envoyer un jet d'eau puissant à la tête de son ami, parvenant tout de même à le faire réagir d'un sourire depuis leur sortie de Neibolt Street.

☽ ☾

- Alors mon pote, c'est toujours aussi beau que dans tes souvenirs ? 

Eddie se laissait porter par l'eau, les bras étendus à l'horizontal et les yeux paisiblement clos. Comme pour se ressourcer, il commença à respirer lentement l'air frais qu'il sentait parvenir à son front. Derrière lui, Richie le contempla longtemps sans rien dire, se contentant d'analyser en silence tout ce qui caractérisait le petit brun, comme espérant pouvoir garder un dernier souvenir indestructible de la personne que ce dernier était finalement devenu. 

- J'adore cet endroit... Continua Eddie, les bras se plaçant le long de son corps. Je crois que c'est ici que j'ai eu les moments les plus magiques de ma vie. Avec vous... Putain. Dire que j'avais oublié tout ça. 

Son ton devenu subitement plus triste, et une nostalgie rempli d'amertume s'empara de son interlocuteur. Celui-ci serra un peu plus fort ses pauvres paumes moites lorsqu'il vit son cadet lui faire signe de s'avancer vers lui. Il se faufila ensuite dans un coin assez reculé, une sorte de petite crique. Il n'avait pas choisi cet endroit au hasard, et Richie s'en rappelait déjà.

- Je ne pensais pas qu'il y serait toujours... 

Eddie se retourna une nouvelle fois vers son ami, un large sourire arpentant de long en large le bas de son visage. Même si la grande gueule du groupe avait toujours cet air maussade dans le regard, il parvenait dorénavant à garder les yeux relevés tout autour de lui. En plus d'avoir repris le don de la parole. Et ce fut sans un mot qu'il laissa le plus jeune l'entraîner un peu plus loin. Là où semblait reluire plusieurs petites écritures gribouillées sur un imposant rocher leur faisant face. Et même si du fait de l'usure, certaines d'entre-elles parurent pour ou moins effacé ; une d'entre elles en particulier luisait légèrement grâce à l'humidité.

Les mots « Tozier = Dickhead = Kaspbrak » avaient été gravé -il eut de cela plusieurs années par les protagonistes eux-mêmes- mais furent encore présents et bien visibles. L'endroit n'était jamais fréquenté, personne n'était tombé dessus. A défaut pour le reste de la troupe de savoir son existence, il ne restait dorénavant qu'eux deux pour en comprendre la signification. Ce fut semblable à une déclaration : Une vraie déclaration de garçon.

- Tu vois, quand je parlais des bons moments... Je veux qu'tu voies que toi aussi tu peux les revivre sans avoir peur. Eddie passa finement le bout de ses doigts contre la gravure rugueuse, l'inspectant minutieusement. Relâche tout Rich', c'est terminé.

- J'ai peur que tout s'arrête. 

Ce ne fut qu'une légère parole résonnant péniblement autour d'eux, alors que l'immobilité de chacun perdura encore pendant plusieurs secondes. Eddie relâcha la pression exercée par son index sur la roche brute alors qu'il se retournait vers son aîné. Et ce fut avec les yeux épris d'une détermination inébranlable qu'il coinça ce dernier dans un petit recoin étroit.

- De quoi tu parles Richie à la fin ? C'est quoi qui te fait peur ? Exulta le cadet, emprunt soudainement d'une rage incontrôlée. 

Devant lui, le comédien ne put répondre. La bouche béante, il hésita quelques secondes à lâcher une parole. Puis, il fit tomber son regard vers l'abdomen de l'hypocondriaque. Celui-ci se calma alors rapidement, se pinçant les lèvres de frustration. Il ne comprenait toujours rien, et ne pas parvenir à raisonner son ami le rendait malade. A vrai dire, il le comprenait toujours, et jamais il ne l'avait laissé sur le carreau. Ce fut donc plus lentement qu'il se rapprocha une seconde fois, déposant dans le même temps sa main droite sur la joue froide de l'autre homme, tel qu'il l'eut fait quelques heures plus-tôt. Espérant pouvoir de ce fait retrouver cette confiance légendaire, celle qui leur fut propre depuis toujours.

- Richie, parle-moi. C'est moi, tu peux tout me dire. 

Il ne sut réellement si ce fut le ton enjoué utilisé, ou bien leur rapprochement instantané qui permit à Richie de s'ouvrir un peu plus à lui. Le principal étant qu'il parvenait à le faire se ressaisir un peu. Richie leva le regard, le pointant vers les pupilles sombres de son acolyte.

- Explique-moi ce que tu as. Tu m'as toujours tout dit Richie, pourquoi t'as peur de me parler tout d'un coup ?

- Parce que je n'aurai jamais la force de me séparer de toi encore une fois... 

Ce ne fut qu'un chuchotement imperceptible, mais Eddie s'immobilisa à la fin de celui-ci. Son expression faciale changea de manière radicale, dégageant dans le même temps une incompréhension fatidique. Mais malgré la réaction tendue de son cadet, l'aîné sut qu'il ne pouvait plus faire machine arrière. Il avait ce besoin assidu de tout lui révéler, se libérer de ses chaines depuis tant d'années maintenus. Il avait saisi la chance de lui avoir sauvé la vie, il avait également décidé de saisir celle qui pouvait enfin sauver la sienne.

- Ce que j'ai vu là-bas... Je crois que j'n'arriverai jamais à m'en défaire. Tu ne peux pas t'imaginer ce que j'ai pu ressentir... T'abandonner comme je l'ai fait, je pense que jamais je ne m'en serai remis. J'ai cru te perdre Eds... Je t'ai vu mourir. Et j'me suis rendu compte que... Que j'veux pas qu'tu meurs. 

Eddie n'avait toujours pas bougé, ne comprenant pas encore grand-chose à ce charabia. De plus, il balbutiait ses mots sans même véritablement les contrôler, mais Eddie le laissa dire. Il remarquait sans mal ces poignets se relâcher, au fur et à mesure qu'il expulsait ces dires.

- Je sais que maintenant, tu vas retourner à ta vie, que je dois me faire une raison... Mais si tu es toujours en vie, je n'ai plus envie de fermer ma gueule.

- Je t'écoute. J'suis ton pote, tu peux tout me dire. 

Son binôme toujours penché vers lui, Eddie se figea soudainement lorsqu'il sentit sa bouche se poser sur la sienne, l'espace d'une seconde. Il laissa son dos se crisper alors que son assaillant se remit de nouveau droit, sans rien dire de plus. Le plus jeune respira deux souffles distincts, les paupières fatalement grandes ouvertes, et comprit sans faute les pensées du bigleux. Enfin.

- Sache que je n'oublierai jamais tout ce qu'il s'est passé entre nous. Tout ce que tu as fait pour moi restera toujours gravé dans ma mémoire, je te le jure. Peu importe ce qu'il se passe ensuite.

La main d'Eddie toujours fermement bloqué contre sa joue, Richie parut finalement se détendre un peu. Il semblait soulagé, comprenant également que ce qu'il vivait sur l'instant, était à présent bien réel. 

- Je suis heureux que tu aies pu enfin te libérer de tout ça. Termina-t-il, ses doigts tombant le long de sa cuisse.

Puis doucement, il se décala et s'avança vers la petite sortie. Richie le suivit des yeux, un sourire rassuré sur les lèvres. En silence, il scruta une dernière fois la silhouette s'éloigner de quelque pas, avant que celle-ci ne lui lance un dernier regard, et d'un dernier rictus, lui offrit une dernière parole.

- Merci de m'aimer à ce point Richie. Je n'oublierai jamais tes sentiments, comme je n'oublierai jamais ce moment. Sache que tu seras toujours dans ma mémoire, grand con va. Et puis, arrête de m'appeler "Eds" bordel, je déteste ça.

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