Une Histoire de Ratés // 3

24 minutes de lecture

Musique utilisé ---> Stacy's mom / Fountains of Wayne ( https://www.youtube.com/results?search_query=stacy%27s+mom )

Ses dernières affaires précédemment installées, Eddie se contenta de scruter les nombreuses boites de médicaments jonchant à présent l'étagère de la salle de bain. Après plusieurs instants de réflexion, il souffla finalement de consternation. Même avec une vision plus ouverte de sa propre-psychologie, il ne pouvait se résigner à stopper cette peur. Et si les autres pouvaient en rire, ce comportement l'exaspérait à la longue. Mais comme par une étrange pulsion, il referma cependant la petite porte en bois. Laissant par ailleurs son addiction là où il avait finalement entreposé.

Il jeta un dernier regard par la grande fenêtre : Apercevant par ailleurs le petit groupe s'étant décalé vers la grande piscine. Comme des grands enfants, ils n'avaient pas l'air de se soucier de grand-chose. Kaspbrak en retira un air jovial à mesure que son attention passait entre chaque personne présente. Avant qu'un écho ne vienne résonner depuis la terrasse en dessous de lui.

« Eddie, t'as pas fini de nous mater comme-ça ? Hurla l'écrivain depuis l'autre bout de la piscine, saluant au passage son ami d'un mouvement de bras.

- Et encore, tu vois pas ce qu'il se passe en dessous de sa taille.

L'intéressé leva simplement son majeur à cette réflexion. Son interlocuteur lui, imita nonchalamment le geste présumé dans une exagération conséquente. Eddie répliqua seulement d'un petit rire consterné.

- Ramène ta bouille Eddie ! » Invita Beverly, assise sur le rebord.

Il n'en fallut pas plus au cadet de la bande pour s'affairer à descendre, jetant par ailleurs un dernier regard sur ses affaires à présents correctement rangées. Le chemin jusqu'à l'extérieur se fit une nouvelle fois sous la curiosité ; Kaspbrak ne pouvant s'empêcher de scruter chaque pièce avec une intense attention. Il ne put refouler la pensée de son petit logement, se faisant naturellement la réflexion qu'il ne voulait pas y revenir. Il aurait donné n'importe quoi sur l'instant pour pouvoir échanger son quotidien avec celui de n'importe quelle autre personne.

Et à peine arrivé, il ne lui fallut pas plus de temps pour s'accommoder d'une nouvelle boisson. Le soleil lui, semblait redescendre le long des rangés d'arbres devant eux. Un vent quasiment imperceptible se levait quant à lui, balayant légèrement la grande terrasse. Eddie en profita pour se terrer sur une des chaises longues aux abords des cinq amis.

« Tu vas pas faire en tour dans l'eau Eddie ? Demanda subitement Mike, lui-même à ses côtés encore habillé. A défaut des autres d'être à présent en tenue de bain.

- Non... J'suis bien là.

- Faut pas complexer Eds. J'suis juste gâté par la nature, te compare pas à moi.

Il ne lui fallut même pas lever les yeux pour savoir qui était à l'origine de la remarque. Et il ne bougea pas non plus à la suite de celle-ci, s'attardant avec son téléphone qui affichait plus de vingt appels manqués.

- Grand bien te fasse Tozier. A défaut de passer ton temps à en parler, faudrait que tu puisses l'utiliser à l'avenir.

Un léger gémissement de satisfaction s'échappa de la gorge de chaque membre du groupe ; jetant tous par ailleurs une expression de défi au comédien. Ce dernier n'avait pas répliqué tout de suite, scrutant avec amusement son ami. Une lueur s'éveillait dans ses iris.

- T'inquiète pas pour ça, elle sert. Et même très bien... Commença-t-il alors qu'il se levait un peu plus hors de l'eau, laissant seulement son bassin englouti. Mais si tu veux tester, j'suis pas contre. Il suffit de demander Spaghetti...

Par réflexe, il ne put qu'affronter son regard. Eddie se tût plusieurs instants, ne sachant quoi répondre. Les autres avait également laissé leurs attentes en suspens. Seul Richie semblait à contrario ravi. Mais tous étaient irrévocablement curieux de la réponse.

- On en reparlera quand tu nous auras ramené quelque chose. Pour l'instant, il y a du monde pour l'ouvrir. Mais pour agir, il y a personne.

De nouveaux rires s'élevèrent autour des deux adversaires, alors que Tozier baissa de lui-même le regard. Il semblait également amusé, cachant un irrévocable rictus derrière sa paume humide.

- Il y a tellement de choses qui t'échappent Eds, si tu savais...

- Ouais, c'est ça. Concentre-toi sur cet objectif alors.

- J'y compte bien. Il s'appelle Paulo d'ailleurs, c'est un très bon entrainement. »

Étrangement, tout le monde lui accordât l'attention du moment. Richie lui était hilare, replongeant son bassin sans hésitation dans l'eau limpide.

« Sérieux ? Et tu nous mets même pas au courant ? Demanda soudainement la grande rousse d'une expression consternée.

- J'ai pas d'comptes à vous rendre bande de naze.

Eddie lui n'avait pas décroché du grand brun, légèrement passif. Même si il se fichait de la vie personnelle de son ami ; le fait de savoir qu'il y avait quelqu'un d'autre le gêna indubitablement.

- Et alors ? Demanda finalement Bill, s'accoudant contre le rebord face à lui. Il semblait attendre avec excitation la conclusion de l'histoire, doté d'un air assez jovial sur le visage.

- Bah quoi... ?

- Tu nous le présentes pas ?

Mike s'était quant à lui redressé sur sa chaise. Tozier se rapprocha machinalement, le sourire toujours évident. Il but nonchalamment une gorgé de sa boisson lorsqu'il parvenu au front du groupe. Il remarqua sans mal au passage les yeux de Kaspbrak sur sa personne. Lui-même furieusement intéressé.

- Si je devais vous présentez chacun de mes jouets sexuels, on en aurait pour une année. Conclut finalement le comédien, soutenant les regards pesants sur lui.

- Quel vantard ce gars-là.

- Réaliste Bill. »

D'un clin d'œil Tozier coupa donc court au sujet de discussion. Il jubilait d'une certaine façon intérieurement à la réaction de son meilleur ami. Celui-ci semblait emprunt d'une pointe de jalousie ; qu'il ne pouvait se résigner à ignorer.

☽ ☾

« Bev ? Quand tu disais qu'on allait s'éclater ce soir : Tu pensais vraiment en premier lieu au karaoké... ? Sérieusement ? »

Beverly retira une expression consternée à cette question et tourna les yeux vers l'homme à son flanc. Ce dernier se contenta simplement de regarder la façade de l'établissement d'un air médusé, les mains dans les poches.

« Non. Enfin, j'veux dire... C'est original hein. Mais bon...

- T'es jamais enthousiaste à rien d'façon. Répliqua cette dernière avant de s'avancer vers l'entrée.

- Okay, ça va c'est bon ! J'vais juste passer pour un beauf si jamais un connard met ça sur Internet...

- T'es déjà un beauf.

- Ouais. Mais ça, il y a que vous qui le savez. »

Tous les losers étaient réunis devant l'établissement, regardant la structure du bâtiment. Tozier lui finissait -résigné- sa cigarette, avant de la tapoter contre le poteau d'entrée. Il détestait ce genre d'activité. Mais comme une ridicule tradition, ils étaient conviés à passer les premières retrouvailles ici. Les autres semblèrent à contrario plutôt réjouis.

Finalement, ils pénétrèrent rapidement dans l'enseigne. Et prirent place instinctivement devant la petite scène pour l'instant vide. Seul un micro prônait au milieu de celle-ci, un projecteur un peu plus haut éclairait la place à prendre. Eddie s'assit lui expressément, ne tardant pas à être rejoint de son acolyte. Ce dernier exultât un dernier semblant de consternation, alors qu'il levait le bras vers la jeune serveuse pour être servi.

« Bonsoir. Vous avez du whisky ? Demanda-t-il calmement, apparemment résigné.

La jeune femme approuva sa demande ; un sourire étincelant sur les lèvres. Elle l'avait sans problème reconnu, et ne put s'empêcher de lui montrer son extase. Il lui sembla furieusement qu'elle le fusillait du regard, complètement charmée. Réaction qui eut au moins le mérite pour Tozier de lui faire retrouver une trace de positivité.

Cette dernière prit les commandes avec toujours ce même état d'excitation Le regard qu'elle lui avait lancé sur son départ montrait non sans mal les répercussions du comédien sur sa personne. Ce dernier en sourit une fois seul, narguant par ailleurs le petit groupe d'un rictus ravi.

- Alors les tapettes ? C'est qui qu'a la classe ? Demanda-t-il alors, les iris conquises de fierté.

- Si ça peut te permettre de plus faire ta tête de con Rich '... »

Puis, la soirée se déroula lentement : devant diverses personnes défilantes sur la petite scène. Seulement la moitié semblait savoir véritablement chanter. Ce qui parvenait à chaque coup à exaspérer un peu plus Tozier. Il ne manquait pas de faire remarquer sa gêne latente, glissant des remarques à l'oreille de Bill sur son côté. Ce dernier se contentait de boire son verre, emprunt d'un éclat de rire à chacune des diverses réflexions émises.

Il fallait avouer que tous étaient déjà dans un état d'ébriété avancé ; à défaut pour Ben et Eddie d'être les conducteurs du retour. Eux-mêmes ne purent que constater les dégâts de l'alcool sur les différents organismes ; à mesure que le reste des ratés devenaient de plus en plus ingérables. Seul Tozier semblait tenir le coup, arborant un état en apparence naturel.

« Tu vois pourquoi je déteste ce truc ? Commença-t-il finalement, retirant une grimace à sa dernière gorgée. On paye pour écouter des trucs inaudibles. J'suis pas SM moi...

- Oh, mais arrête de toujours trouver à redire ! S'exaspéra de nouveau son amie, délaissant la prestation de la jeune fille devant elle.

- C'est pas ça. Mais si je viens-là, j'aimerai bien pouvoir profiter de quelque chose... D'intéressant. De divertissant !

A dire vrai, l'interprétation qui se déroulait devant eux n'était pas fameuse. L'artiste en question semblait plus qu'éméchée ; marmonnant ses mots sans même qu'on puisse reconnaître le tube de Bowie derrière ces paroles. Eddie lui en rigolait dans son coin, se demandant comment on pouvait bien en arriver à un pareil suicide.

- Bah règle la chose alors. Répliqua alors ce dernier, bien plus fort cependant qu'il ne l'aurait voulu. Tozier ne lui répondu rien, mais le toisa d'une expression surprise.

- Comment-ça Eddie-chou ?

Il semblait intéressé par la réflexion, priant son ami de continuer sa phrase. Tous étaient maintenant retournés vers Eddie, fixant la boisson qu'il fit tourner entre ses doigts.

- Si tu penses pouvoir faire mieux, vas-y. C'est toujours facile de se moquer...

Les ratés semblèrent tous adhérer à l'idée elle-même. Tozier quant à lui, ne put que maudire intérieurement le jeune chauffeur. Car ce dernier savait très bien que sa fierté était plus forte que tout. Et qu'il ne pourrait s'empêcher d'avoir le dernier mot. Indigné -mais motivé- il se tourna encore un peu plus vers son compère. Puis, il but une dernière fois comme pour se préparer. Il termina son verre sans hésitation.

- Me tente pas Eds. Tu pourrais me sous-estimer...

- Toujours de la grande gueule, s'en est redondant.

Il n'en fallut pas à l'aîné pour se lever. Et dans une dernière approbation, se diriger tout naturellement vers la personne gérant le loisir de l'établissement. Tous le regardèrent faire, indécis. Et Eddie ne put que se raidir d'angoisse : terrifié par l'acte inconnu qui se préparait devant lui.

Il comprit alors qu'il aurait surement mieux dû se la fermer cette fois-là. Richie lui s'était retourné face à eux, enchanté par la réponse que lui avait lancé le jeune DJ depuis son petit ordinateur. La chanteuse en herbe de son côté s'attaquait à la dernière phrase de son refrain, et fit monter encore un peu plus l'angoisse chez un de ses spectateurs en particulier.

- Qu'est-ce qu'il fout ce con... ? »

Chacun autour de la table patienta sans un mot : à mesure que la chanson se terminait sous les applaudissements exagérés d'une des tables au fond de la salle. Kaspbrak lui, ne put rien faire d'autre qu'attendre la déferlante. A en croire le sourire de son vieil ami, il était implicitement dans la merde. Ce dernier continuait sa jovialité forcée, acceptant avec ferveur le micro qu'on lui tendit à la fin de la représentation précédente. Puis enfin, le disc-jockey lança la piste son.

Un bruit de guitare se fit entendre, puis de percussion : Avant qu'Eddie ne réalise la reprise choisie par le comique. Sans pouvoir se retenir, il leva les yeux au ciel. L'autre aux abords de la scène était déjà conquis d'une fierté sadique.

« Eddie's mom, has got it goin' on... (la maman d'Eddie m'allume vraiment...)

Toute la bande exprimèrent un rire franc ; ainsi qu'une bonne partie de la petite salle. Seul le concerné ne put que soupirer davantage. Il se fit soudainement la réflexion que l'autre trouverait toujours quelque chose à rétorquer sur sa défunte mère. Cependant, il laissa tout de même une pointe d'amusement franchir la barrière de ses lèvres.

- Eddie's mom has got it goin' on. Eddie, can I come over after school...? (Eddie, puis-je venir après l'école ?)

Tozier se rapprocha dans son interprétation, à présent devant son compère. Et d'une manière théâtrale, se pencha un peu plus vers lui.

- We can hang around, by the pool-pool-pool ? (Nous pouvons trainer à la piscine ?) Did your mom get back from her business trip ? (Est-ce que ta maman est rentrée de son voyage d'affaires ?) Is she there, or is she trying to give me the slip...? (Est-elle là, ou essaye-t-elle de me semer ?)

Il avait à présent fait le tour de son bouc émissaire, se plaçant dans son dos. Lui n'avait toujours pas bougé, consterné. Toute la salle s'était pourtant laissée emporter par la prestation du comédien ; le reste de la bande foncièrement hilare de la situation. Tozier quant à lui, ne put qu'en rajouter un peu plus.

- You know, I'm not the little boy that I used to be... (Tu sais, je ne suis pas le petit garçon que j'avais l'habitude d'être...) I'm all grown up now, baby can't you see... (Je suis complètement adulte maintenant, bébé ne peux-tu pas voir...) »

Il s'était maintenant replacé au centre de la scène, prêt sans concession à donner tout ce qu'il pouvait pour le refrain. Le monde autour de lui semblait être épris de son énergie. Le destinataire de ce spectacle satirique se contenta de croiser les bras sur son torse, penaud.

« Eddie's mom has got it goin' on ! She all I want and I've waited for so long. Eddie can't you see you're just not a guy for me... I know it might be wrong, but I'm in love with Eddie's mom. (La maman d'Eddie m'allume vraiment ! Elle est tout ce que je veux et j'ai attendu si longtemps. Eddie ne peux-tu pas voir que tu n'es simplement pas un gars pour moi... Je sais que ça peut-être mal, mais je suis amoureux de la mère d'Eddie.) »

Puis la reprise continua indubitablement. Sous les yeux impuissants de l'hypocondriaque. Il n'émit aucune complainte, aucune parole ; se contentant de fixer avec mépris le jeune myope. La bande l'avait également rejoint dans son coup, formant des cœurs réguliers à l'arrière. Eddie ne put que souffler davantage, les yeux pétillants étrangement de bonheur. Son ami ne put que s'y accommoder encore plus.

« Eddie, do you remember when I mowed your lawn ? (Eddie, te souviens-tu quand j'avais tondu ta pelouse ?) Your mom came out with just a towel on. (ta maman est sortie avec seulement une serviette sur elle) I could tell she liked me from the way she stared. (je pourrais dire qu'elle m'aimait bien par la façon dont elle me regardait fixement) And the way she said, You missed a spot over there. (et la façon dont elle disait : Tu as laissé passer un endroit-là)

- And I know that you think it's just a fantasy, (et je sais que tu penses que c'est seulement un fantasme) but since your dad walked out, your mom could use a guy like me. (mais depuis que ton papa est parti, ta maman pourrait avoir besoin d'un mec comme moi.) »

Ainsi, le refrain s'enchaîna de plus belle. Le quart de la salle se contentait de rire farouchement face au spectacle ; plusieurs sortant par ailleurs leur téléphone portable pour filmer la scène. Eddie n'en démordait pas et affrontait le regard perçant de son assaillant. Son expression laissait maintenant paraître comme une sorte d'aura enchanteresse, que Tozier eut beaucoup de mal à assimiler. Il sentait que quelque chose se produisait ; mais il était incapable d'en définir l'origine. Les pupilles du plus jeunes lui renvoyaient un sentiment puissant, mais il ne comprit pas exactement lequel.

Et finalement, il s'avança vers lui aux dernières paroles. Il s'était tût, mais les losers derrière lui finirent la chanson sans difficulté. Eux deux furent bien de trop épris par le moment. Et au fur et à mesure, l'aîné se rapprochait encore davantage.

« Eddie can't you see you're just not a guy for me. I know it might be wrong but, I'm in love with Eddie's mom... »

Puis, tout se stoppa. Mise à part les cris émanant du public enthousiaste ; pas un seul bruit ne venu s'immiscer entre le duo. Tozier était maintenant bien plus près, une vingtaine de centimètre le séparant du visage amusé de son ami. Ce dernier laissa échapper un soupir nerveux, avant de finalement baisser le regard. Il avait très bien compris ce que voulait dire ses derniers mots.

« D'accord, tu m'as bien baisé... Enfoiré. »

Un simple baiser sur son front fut ce que Tozier parvenu à faire. Comme une ultime preuve de son amitié, alors que des applaudissements inconsidérés inondaient les alentours. Richie ne put que se plier dans un geste théâtral ; sous les yeux toujours fasciné du petit brun et d'une foule extasiée.

☽ ☾

Ce fut en plein milieu de la nuit étoilée que la lune perla un peu plus ; éclairant de son faisceau lumineux le terrain extérieur de la maison. Tous les cinq amis étaient éparpillés un peu partout, s'affairant chacun à diverses discussions. Revenu par ailleurs de l'établissement après sa fermeture, ils semblèrent tous dans l'optique de prolonger la soirée.

Beverly fut plongée en plein débat avec Bill et Mike ; inarrêtable. Ses deux interlocuteurs se contentèrent de lui pondre toujours des réponses positives, ne souhaitant pas envenimer son caractère -au naturel- déjà plutôt trempé. Eddie lui s'attardait avec Ben, ce dernier lui racontant un nouveau projet de construction dans lequel il se lançait. L'autre se contentait de l'envier ; n'exprimant pas le fait qu'il soit totalement envieux de sa situation.

Il regardait de temps en temps le dernier membre du groupe ; lui un peu plus à l'écart. Pendu à son téléphone, une cigarette dans la main, celui-ci faisait les cent pas à l'autre bout de la terrasse. Et même si l'intéressé ne pouvait pas entendre la discussion : il remarquait bien le sourire qu'abordait Tozier. Il pensa un instant à ce Paolo comme interlocuteur potentiel, et ne put s'empêcher d'associer cela avec Myra. Lui n'avait jamais donné signe de vie depuis son arrivée, malgré les nombreuses tentatives qui s'accumulaient sur son smartphone.

Il se pinça les lèvres de frustration en cet instant : Blessé à l'idée qu'il soit le seul dans cette situation. Lui avait rêver pendant des mois à ces jours précis, il eut terriblement de mal avec l'idée que cela ne soit pas le cas chez le reste de ses convives. Puis il fit revenir son attention naturellement vers l'architecte alors que Richie déclara ses dernières paroles dans le combiné, avant de se rapprocher et piquer le verre des mains de Kaspbrak.

« Eh Rich' !

- Faut apprendre à partager Eds.

Il but une gorgée naturellement, épris d'une attitude nonchalante. Cependant, l'autre le laissa se servir. Puis reprit son bien sans un mot, le toisant sévèrement. Beverly quant à elle se rapprocha des trois amis, venant s'accrocher désespérément à son conjoint.

- Alors les ratés ? Ça fait quoi de se retrouver en sachant qu'on ne risque pas nos vies cette fois-là ? Lança-t-elle alors, levant son verre au-dessus d'elle.

Les trois convives ne purent que valider l'idée, montrant leur motivation derrière un tapotement commun de leur propre rafraîchissement.

- C'est plutôt cool de se dire qu'on ne risque pas de clamser d'la veille au lendemain.

- Sûr... D'ailleurs Rich', tu n'as pas un peu de ce qu'on a discuté t'à l'heure ? Hésita Beverly, se couchant presque sur le dénommé. Elle avait rapproché sa bouche de son oreille, espérant pouvoir se faire discrète devant son petit ami. Manœuvre par conséquent échouée.

- Tu en veux... Ce soir ? Demanda le plus grand, remontant ses lunettes d'un geste lent.

- Ouais... Ça peut être sympa...

- Qu'est ce que vous mijotez encore vous deux... ?

Même si Ben tentait de garder une attitude responsable, il était lui-même curieux de savoir ce qu'il pouvait bien se tramer. Kaspbrak lui n'eut rien dit, tapis dans son coin. Mais il n'en pensa pas moins.

- Eh bien, j'suis plutôt chaud. Répondu finalement Tozier, s'afférant vers sa veste déposée sur une des chaises de jardin. Par contre, tu t'arranges avec Ben pour son consentement. J'veux aucune retombée moi... »

Puis alors, il farfouilla dans sa poche intérieur quelques instants, épié de près par chaque personne présente. Seule Marsh sautillait d'excitation, satisfaite.

« Bev ? S'attarda Ben, désireux de savoir les plans qu'elle avait en tête.

Mais avant même qu'elle ne puisse lui formuler une réponse, et alors qu'elle venait de faire tomber une nouvelle fois ses bras nus autour des épaules contractées de son conjoint, Richie brailla une dernière fois. Et s'installa sans un mot aux abords la table en verre. Il déversa sur cette dernière la moitié du sachet qu'il avait précédemment récupéré, et se hâta de sa carte bancaire. Ben lui, s'opposa à l'action qui s'organisait devant lui d'une attitude inquiète.

- Quoi... ? Bev, non. Tu vas pas prendre ça...

- Ça va Ben. Répliqua le comédien, exécutant à présent la mise en poudre classique du produit.

- C'est... Qu'est-ce c'est Rich ?

Eddie s'était quant à lui rapprocher, à peine plus emballer que son précédent interlocuteur dans l'affaire. Cependant, il en semblait curieux.

- Ça va j'vous dis ! C'est d'la coc', la plus classique qui soit... Ça va tuer personne. Bon, et qui est branché alors ?

Aucune réponse ne lui vint aux oreilles. Seule Marsh se rapprocha dans un mouvement jovial, s'asseyant auprès de lui alors qu'il lui filait un petit morceau de papier. Elle le roula rapidement entre ses doigts, comme une habituée de longue date de cette pratique.

Les autres n'avaient quant à eux toujours pas répondu, réticent à l'idée. Mike fut le premier à faire parvenir une réponse, déclinant poliment l'invitation. Bill en second accepta la ligne, après quelques instants de réflexion. Ben et Eddie furent les deux seuls à s'attarder sur la question ; se contentant de fixer les différents rails qui se traçaient devant eux.

- Bon, alors ? J'en fais combien moi ? Maugréa Tozier après plusieurs secondes d'attente.

Ben déclina finalement la proposition, hésitant à rétorquer quelque chose à sa concubine. Il ne le fit cependant pas, se contentant de faire passer le message à l'investigateur pour que celui-ci fasse attention aux quantités. Et rapidement, ce dernier lui fit comprendre qu'il lui avait réservé d'ores-et-déjà la plus infime d'entre-elles.

Son regard se posa donc sur celui de Kaspbrak qui fut le seul à ne pas avoir répondu. Richie le contempla quelques temps, hésitant à faire quelque chose.

- Et pour toi Spaghetti... ?

- C'est gentil. Mais, je n'ai pas besoin de ce genre de produit. »

Ce fut la parole qui mit un terme à ce vote universel. Cela permit notamment au comique de terminer son action. Puis il se baissa et inspira longuement, traçant de sa narine droite le chemin de la traînée blanchâtre. Vite imité par les deux seuls adeptes de la pratique.

- Quitte à fêter nos retrouvailles. A nous de les faire s'éterniser... »

☽ ☾

« J'en reviens pas... On tous là. Sauf lui... »

Tozier ne répondu pas cette fois-ci. Sans un mot, il fixa le groupe d'étoiles à son dessus. Certes, depuis qu'il était arrivé, il ne pouvait s'empêcher de penser à Stan. Il aurait tellement voulu le voir avec eux en ces jours si particuliers ; entendre ses remontrances rien qu'une dernière fois.

Allongé sur le dos contre la pelouse fraîche, il sourit finalement quand Beverly lui partagea une anecdote d'enfance avec le petit juif. Laissant par ailleurs le souvenir d'un petit garçon peureux -mais au savoir inarrêtable- embaumer son esprit. L'aurore commençait à pointer le bout de son nez ; annonceuse de l'heure tardive qu'il fut.

Les deux amis n'étaient plus que tous les deux, les autres les ayant lâchés. Même Bill malgré l'effet énergisant du produit pris précédemment. Ayant définitivement trop bu, ce dernier s'était étalé sur le canapé du salon. Les autres avaient quand même eut la décence de monter se coucher dans leur chambre respective.

Beverly resta quelques secondes sans broncher, acceptant sans rechigner la cigarette qu'on lui offrait gracieusement. Son regard détaillait toujours le long de l'immense ciel étoilé, alors que ces pupilles ne s'étaient surement jamais faites aussi grandes depuis longtemps.

« Et toi Richie... ? Comment tu vas ?

Ce fut une parole pour le moins sincère ; dont Tozier comprit rapidement la véritable signification. Mais comme soudainement bloqué, il tapota le haut de la Malboro dans un réflexe. La jeune femme s'était quant à elle retournée face à lui. Elle arborait de toute évidence une moue sincère.

- Comment penses-tu que je vais ? Répondit ce dernier, l'attention toujours focalisé sur le dessus de sa tête.

- Je sais pas justement. Je me demande surtout si c'est du sérieux avec ton Play-boy...

L'humoriste ne put que rire à cette réflexion. Il se demanda dans le même temps si sa vie privée était une question si importante pour le reste du groupe.

- Quel importance ?

- Je m'interroge juste à ton sujet Rich'. Je m'inquiète un peu pour être franche...

L'alcool aidant, Beverly déversait sans même s'en rendre compte, ses doutes premiers. Elle avait remarqué sans mal le jeu qui s'était instauré entre les deux amis depuis leur retrouvaille à Derry. Et puis, elle en savait davantage que le reste du groupe au sujet des sentiments de Tozier.

- Je parais aussi minable que ça ? S'esclaffa finalement le comédien, laissant échapper une fumée blanche naturellement de ses deux narines.

- J'ai compris ce que tu ressens pour Eddie. J'ai ressenti la même chose pour Ben...

Son ton parut autoritaire ; elle affirmait ses dires. Tozier lui, ne put que laisser tomber son regard vers ses mains jointes sur son abdomen. Étrangement rassuré de pouvoir aborder la conversation avec quelqu'un, autre que l'intéressé lui-même.

- Tu lui as sauvé la vie. Tu sais aussi bien que moi ce qui aurait dû se passer. Enchaîna-t-elle dans un son étranglé.

L'image du corps d'Eddie se brisant face à lui revenu par conséquent expressément dans l'esprit du plus grand. Il ne put combattre un violent frisson d'angoisse.

- Mais tu as inversé le court de l'histoire. Tu as changé quelque chose... Tu penses vraiment que rien ne peut s'en découler ?

- Où tu veux en venir Marsh... ?

Richie déglutit avec peine à la suite de sa question ; perdu lui-même dans ses songes rêveurs. Il repensa naturellement à ce bref contact qu'ils avaient eu quelques heures plus-tôt. Sans même établir une once de rapprochement.

- Il y a quelque chose entre vous, ça se voit. Et... Et j'ai peur que tu n'arrives jamais à y faire face. Si Eddie décide de ne jamais franchir cette barrière, j'ai peur que tu ne parviennes pas à continuer ta vie.

- Bev, ça fait trente ans que je ressens la même chose. J'ai appris à vivre avec ce sentiment. Conclut sobrement le comédien, écrasant calmement le bout de la cigarette sur le gazon à son flanc.

La jeune femme s'était quant à elle de nouveau remise sur le dos, emportant la paume de son ami au passage. Elle l'a maintenu simplement au creux de sa main, ravie de pouvoir sentir cette dernière entre ses doigts.

- Sois fière de toi, de ce que tu as fait. Eddie t'aime beaucoup, et je pense sincèrement qu'il est encore plus paumé que toi. Continuez à prendre soin l'un de l'autre, et tu verras. Tout s'arrangera... »

Et sans même qu'elle ne puisse avoir le temps de comprendre, elle reçut une légère bise sur sa joue froide. Tozier la remercia silencieusement pour ce moment de complicité, implicitement plus léger.

« On devrait aller se coucher Bev'... On va en chier demain.

- Pardon, mais tu veux m'abandonner ? Exultât cette dernière, se relevant au passage.

- Non ? Bon... Apparemment t'es pas prête à lâcher le morceau. Laisse-moi juste aller chercher un autre paquet de clope.

- Ça marche. Pour ma part, je vais aller réveiller Bill. Déclara la jeune femme, se relevant un peu chancelante sur ses deux jambes. Tozier en fit de même, éjectant dans le même temps un étirement équivoque.

- T'as bien raison. Emmerde-le cette petite bite... »

Et ce fut quand le comédien monta les marches du grand escalier qu'il put sans problème entendre les cris d'exaspération de l'auteur depuis l'autre pièce. La jeune femme lui avait foncé dessus, une bouteille à la main. Et tentait par tous les moyens de lui faire rejoindre la ronde. Richie s'en esclaffa, s'attardant à monter en silence vers sa chambre reculée.

Il ne fit que peu de mouvement une fois arrivé face à la porte close. Se tâchant à être le plus discret possible, il n'alluma aucune lumière et pénétra dans la pièce plongée dans l'obscurité. Sans même remarquer que la présence dans le lit était encore bien consciente. Assis, cette dernière se contenta de lever les yeux vers le nouvel arrivant qui exultât un gémissement lorsqu'il se prit la table basse en plein dans le mollet.

« Aie. Putain d'bordel...

- J'espère que t'es pas cambrioleur. Niveau discrétion, on peut faire mieux.

Pianotant de nouveau sur son téléphone, l'occupant éclaira son visage dans le même temps, arborant un visage fatigué. Richie ne put trouver les mots sur le moment : Pensant sur le coup, être l'élément perturbateur de son éveil.

- Ouais, j'suis désolé... On voit rien, et j'ai pas voulu te réveiller...

- Peu d'importance, j'dormais pas. Répondu du tac au tac le cadet, allumant par ailleurs la petite lampe de chevet disposée sur son côté.

Tozier s'avança vers lui après avoir récupéré ses cigarettes. Méfiant, il se permit une assise discrète au bout de la literie. Son regard se dirigea naturellement vers son ami qui lui, jeta le petit appareil sur son flanc droit.

- Tracassé ? Demanda finalement Richie, penaud.

L'autre ne put que le toiser sans expression, visiblement usé.

- J'viens d'avoir Myra en ligne. Ça fait maintenant deux heures...

Eddie semblait avoir les yeux humides. Tozier ne put cependant pas s'avancer sur une quelconque idée. A savoir si ce fut sur le coup de la tristesse, ou bien de l'énervement.

- J'crois que je suis complètement largué Richie.

L'autre le coupa soudainement. Sa main avait trouvé la sienne dans un mouvement confiant, accaparant son attention. Idée que Tozier voulut dorénavant exploiter.

- Eds ? Laisse-toi ce week-end pour souffler. Je sais que ce putain d'truc à Derry nous a tous atteint. T'es pas le seul à qui ça à fait réfléchir... Commença alors le comédien, les iris fermement plantées dans celles qui lui firent faces. Mais si ton mariage en prend un coup, profite de ces trois jours pour lâcher prise. Tu en reparleras lundi avec ta femme, et ça s'arrangera tu verras...

Kaspbrak ne put s'empêcher de venir mordre ses lèvres avec nervosité. Il savait déjà qu'il n'aimait pas sa femme ; et qu'il ne l'avait surement jamais aimé. Le problème étant surtout de devoir s'avouer tout ça personnellement. Que ce ne fut que tout au plus qu'une longue mascarade de dix ans. Et le simple fait de se mettre soi-même face à cette vérité lui procura de violentes sueurs froides. Myra avait été tyrannique pendant l'appel, et Eddie était terrifié de l'étendu de ses possibles agissements.

- Te laisse pas bouffer par tout ça pour l'instant. On l'a attendu ce moment tous ensemble ; ne te gâche pas ce plaisir. »

Le plus jeune hocha la tête. Une larme quant à elle glissa timidement le long de sa fossette gauche, sans que Richie ne prenne la peine de la faire remarquer. Attendri, il lui insuffla seulement un sourire compatissant : Exprimant sa présence en cas de besoin.

- T'as d'la chance toi. Ça a l'air de bien se passer de ton côté... Laissa échapper Kaspbrak alors qu'il se frottait machinalement les yeux.

Tozier répliqua d'un sobriquet nerveux avant de tourner une nouvelle fois la tête face à la porte légèrement entre-ouverte face à eux.

- Ça risque pas, c'est qu'un gamin... Il n'a jamais été question d'un truc sérieux. Mais bon, il est vraiment mignon. Et j'suis qu'un homme...

- Tu as déjà été... Dans une vraie relation Richie ? Demanda subitement le cadet, s'extirpant dans le même temps du matelas.

L'autre le toisa plusieurs secondes sans aucune expression avant de parvenir à formuler une réponse. Puis, il se redressa lui aussi un peu plus. Visiblement mal à l'aise.

- Bah... Pas personnellement. Officiellement, je l'ai déjà été. Techniquement : Il y a toujours eu qu'une seule personne avec qui ça m'aurait tenté...

Il balaya expressément la fin de sa phrase, ne sachant plus où poser son regard. Il en avait bien entendu encore trop dit, et ne put empêcher ses joues de s'empourprer. Son interlocuteur n'avait toujours pas émis le moindre mouvement, le scrutant minutieusement.

- Enfin bref... T'inquiète pas pour moi mon pote. Conclut-il finalement avant de se lever, confus.

- Tu m'aimes vraiment à ce point... ?

La phrase avait résonné entre les murs alors que l'aîné s'était avancé vers la sortie, désirant à tout prix écourter ce moment gênant. Mais cette dernière eut le pouvoir de lui faire stopper sa marche. Et intrigué, il ne put que se retourner une énième fois. Il ne voyait plus grand-chose du visage d'Eddie en cet instant ; ne parvenant que difficilement à assimiler sa silhouette dans la pénombre.

- Je n'ai jamais été aussi sérieux qu'à notre dernière conversation sur le sujet, Eddie. »

Le susnommé ne répondu rien à la réponse ; même si cet acte aurait été par conséquent inutile. Tozier était parvenu à s'enfuir de la petite chambre, tournant les talons à la fin de sa phrase. Kaspbrak ne put en déterminer pourquoi, lui ne ressentait aucun malaise saillant. Pour sa part, il lui en était redevable. Il était fier. Touché que quelqu'un puisse l'aimer à ce point ; en dehors d'un quelconque complexe œdipien.

Annotations

Vous aimez lire Grimm ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0