Chapitre 13 – Lucie

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Chapitre 13 – Lucie


Mercredi 5 mars 2014.  Fort de France


Lucie décida finalement de garer sa voiture, et de continuer la route à pied jusqu’à leur appartement. En arrivant dans son deux pièces, ces émotions l’ayant exténuée, elle se servit une citronnade maison. Le liquide glacé et sucré lui fit du bien. Ensuite, elle se dirigea vers son bureau et commença à pianoter sur le clavier de son ordinateur. 


En tapant le mot « Corostylen », la jeune femme ne s’attendait pas à trouver autant d’informations. Entre les différents encarts dénichés dans les éditoriaux des journaux locaux et nationaux, et les nombreux rapports d’expertise, il était évident que le sujet en avait intéressé plus d’un. Cependant, elle remarqua qu’un certain nombre de ces articles dataient des débuts de l’utilisation de l’insecticide en Martinique. Le gouvernement et les pouvoirs publics étaient donc au courant depuis longtemps. 


Lucie découvrit également avec stupeur qu’une demande d’homologation de ce produit avait été présentée par deux fois à la « Commission Nationale sur la Toxicité »  à la fin des années soixante. Toutes deux rejetées certes, mais dont les motifs de refus étaient clairs : « La toxicité à court et à long terme fait apparaître des effets cumulatifs nets », « l’intoxication chez les rats se traduit par des effets sur le foie et les reins », « le stockage dans les graisses est considérable », «  il se pose le problème de l’introduction d’un nouveau composé organochloré persistant et toxique ».


Aussi étonnant que cela puisse paraître, Lucie constata qu’une autorisation provisoire de vente avait néanmoins été autorisée par cette même Commission, en 1972, afin de pallier les effets de résistances des autres produits sur le charançon. C’était à cette même date que l’on retrouvait sa trace et son introduction aux Antilles par les planteurs de bananes. En se renseignant sur l’UPM, la jeune femme ne mit pas longtemps à trouver le nom d’Hubert de Saint-Brys et à apprendre qu’il en était le responsable en tant que planteur majoritaire de l’île. 


Aussitôt, Lucie se mit en quête d’informations sur cet homme. Bon nombre de terres agricoles lui appartenait et plus de la moitié d’entre elles concernait la culture de bananes. La jeune métropolitaine trouva également des photos de sa résidence, une splendide habitation créole nichée au coeur d’un parc verdoyant située à la campagne, non loin de Fort de France. Elle tomba par hasard sur un article concernant l’accident de 1975 à l’usine américaine de fabrication du produit et sur les rapports qui en avaient découlé. Il ne pouvait donc pas ignorer la toxicité du produit ! Son sang ne fit qu’un tour lorsqu’elle découvrit que cet insecticide avait été réutilisé des années plus tard, exclusivement aux Antilles, pour le secteur de la banane, et ce jusqu’en 1993, grâce à des dérogations gouvernementales.


Ecœurée, Lucie referma brusquement le couvercle de sa machine, emplie d’une colère qu’elle sentait peu à peu se transformer en haine. Ainsi, des hommes, au nom de leurs intérêts personnels, n’avaient pas hésité à sacrifier la santé d’un grand nombre d’individus. Elle repensa à l’histoire du sang contaminé qui avait eu lieu chez elle, en métropole, au milieu des années 80. À chaque fois qu’il était question de profit et d’intérêts, l’espèce humaine n’hésitait pas à sacrifier les siens. Mais souvent ceux à qui profitaient le crime n’étaient pas poursuivis et parvenaient à s’en tirer. Pas cette fois ! Elle s’en fit la promesse. 


La jeune femme sentit soudain un besoin irrépressible de prendre l’air. Une fois dehors, elle se rendit compte que son coeur battait à tout rompre, que sa gorge était sèche et qu’elle était inondée de sueur. La chaleur et la moiteur ambiantes ne faisant qu’accentuer son malaise. Elle pensa soudain à Mariette, à qui elle n’avait encore rien dit et qui était en droit de savoir. Oui, mais avec son diabète, comment le lui annoncer sans craindre un malaise de sa part ? C’est en réfléchissant à cette question, qu’elle se dirigea vers l’appartement de sa belle-mère qui se trouvait à peine à quelques minutes de marche. 































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