IV

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28 août 1270, sous les murs de Tunis, Ifriqiya

A perte de vue, étendards et bannières claquaient sous l'effet de la brise et emplissaient la plaine de Tunis des couleurs et armoiries des croisés.

Les clairons et les cris des capitaines de division donnaient la marche à suivre, entraînant la mise en ordre des bataillons ou amorçant les manœuvres tactiques à venir. À l'opposé, les sons qui provenaient de l'intérieur de Tunis soulignaient la confusion et la panique qui se propageaient parmi les défenseurs.

J'étais posté sur une butte surplombant le champ de bataille en compagnie de certains membres de la famille royale. Sous sa tente, le roi Louis discutait de la stratégie à adopter en compagnie du légat du pape Raoul de Grosparmy, de son frère Alphonse de Poitiers et bien évidemment de l'envoyé de Dieu, toujours vêtu de ses incroyables vêtements.

Il paraissait insensé de reprendre une stratégie de siège qui s'était avérée être un échec il y a un mois de cela. Mais le roi Louis s'était montré certain du succès de l'entreprise cette fois-ci. Il fallait avouer que l'eau des puits était saine grâce à un second miracle opéré par l'ange. Et comme si cette merveilleuse dynamique était destinée à connaître une succession irrésistible de bonnes nouvelles, Louis, plein d'assurance, avait annoncé à l'ensemble des croisés qu'un troisième miracle ferait tomber Tunis en l'espace d'une journée seulement.

Improbable et pourtant... En à peine quatre jours sur ces terres, j'étais désormais disposé à croire en n'importe quel miracle. Les pouvoirs de Dieu étaient sans limites. Il me tardait donc d'en découvrir de nouveaux en action.

En contrebas, Charles d'Anjou se tenait en tête des armées, rutilant dans sa magnifique armure lourde et fort de ses talents à diriger les troupes au combat. Moins à l'aise dans cette tâche, le dauphin Philippe le Hardi avait hérité d'un contingent plus mineur sur l'aile droite. Ses prouesses au combat lui assureraient le soutien de son unité, je ne me faisais guère de soucis pour lui. Même le prince Jean Tristan avait revêtu sa cotte de mailles. Il avait hâte de payer sa dette à Dieu et son père l'avait bien évidemment encouragé à se porter ainsi au cœur de la bataille.

Le roi Louis sortit alors de sa tente, épaulé par l'envoyé du Seigneur. Il s'avança à l'extrémité de la butte, bien en vue de tous, puis d'un geste il déclencha le début des hostilités, un sourire serein aux lèvres.

Les trébuchets et les mangonneaux crachèrent leurs projectiles. Le tonnerre s'abattit avec virulence dans la vallée alors que les pierres volumineuses explosaient au contact des murs de la ville, amputant de larges morceaux au rideau protecteur sarrasin.

Je sentais l'émotion monter. D'ici peu, la justice serait rendue. Le sultan de Tunis, Muhammad al-Mustansir allait payer la trahison de sa parole. Il n'aurait pas dû tendre une main à notre roi pour ensuite lui faire l'affront de retirer cette proposition d'alliance.

J'étais certain qu'en ce moment même il se terrait au fin fond de son palais en pleurant en vain auprès de son dieu.

Pour l'instant, le conflit faisait rage au pied des murs. Les deux camps s'échangeaient des volées de flèches tandis qu'échelles et tours de siège approchaient des murailles et obligeaient les sarrasins à se réorganiser pour barrer l'accès au chemin de ronde. Je serrais les dents en voyant les croisés payer le plus lourd tribut avec une tactique aussi directe. Les sarrasins étaient nombreux et certains de nos régiments se faisaient allégrement faucher avant d'atteindre leur destination.

Soudain je vis le roi Louis installer un curieux tube de métal sur notre butte en le fixant avec un trépied. J'étais interloqué, je me demandais à quoi pouvait bien servir un tel objet. Encore quelque chose qui n'apparaissait pas dans la Sainte Bible me disais-je tandis que l'être aux tempes grisonnantes expliquait à notre roi la façon de s'en servir. Louis fit pivoter le tube en direction des imposantes portes de la ville à l'aide d'une petite manivelle. L'ange vint se placer à ses côtés et lui tendit de petits objets effilés qu'ils firent glisser dans ledit tube.

D'un coup, un projectile jaillit du tube, une effrayante traîne de feu derrière lui. La chose siffla dans l'air, alors que j'entendais tout ceux qui l’apercevaient crier à la fois leur stupeur et leur frayeur à la vue d'un tel artifice.

Puis le bois explosa.

Les planches se brisèrent et virevoltèrent en une pluie de petits éclats alors qu'un trou fumant perçait désormais une des portes, nous permettant de contempler l'intérieur de la cité par son orbite vide.

J'entendis le roi jubiler devant moi. L'ange lui tendit un autre de ces objets effilés et Louis réitéra le processus. Encore. Et encore.

Jusqu'à ce que les portes de la ville cédassent complètement. Brisées par la puissance des projectiles à la traîne de feu alors que dans le même temps un début d'incendie faisait refluer les défenseurs.

Je vis des régiments entiers de croisés pénétrer dans l'enceinte au son d'un rugissement guerrier des plus épiques. Le dauphin Philippe se portait en tête, tranchant à tors et à travers, semant la mort dans les rangs de nos ennemis terrifiés. Puis je le perdis de vue. Mais ça ne faisait rien.

Nous avions gagné.

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