— Je suis désolé de ne pas être venu, tu m’en veux ?

— Pourquoi je t’en voudrais ? Ne sois pas bête !

— Tu sais, je ne suis pas venu parce que j’avais peur. Et du coup, c’était sans doute égoïste de ma part.

— Tu as juste voulu te protéger, et quelque part, ce n’est pas mal agir.

— Comment ça ?

— Comme ça, tu ne gardes que les bons souvenirs, tu n’auras pas d’images de moi avec des tuyaux qui me sortent de partout, une molette à la main pour régler la dose de morphine pour que ce soit aussi confortable que possible, des poches pour vessie et colon qui me servent de déversoirs à fluides.

— Pourquoi tu me donnes ces détails ?

— Parce que tu les connais déjà. Tu venais me voir au début, et ça compte pour moi. Après, je n’avais qu’une envie, partir, mais on m’a obligée à rester jusqu’au bout. C’était terrible.

— J’ai beau y faire, j’ai l’impression que je t’ai abandonnée.

— Ne dis pas de sottises, personne n’a abandonné personne. C’est le jeu. C’est comme ça. Nous allons tous dans le même sens. Tu as toujours été présent au cours de ma vie. N’est-ce pas là tout ce qui compte ?

— En fait, je crois, ce dont j’ai besoin, ce n’est pas de ton pardon, mais du mien. Je m’en veux plus que toi tu m’en veux.

— Surtout que je ne t’en veux pas.

— Je suis fatigué. Je vais partir. Je dois rentrer. Merci d’être venue. Ça m’a fait du bien de te parler, comme un exorcisme. Je vais éteindre la bougie, clore le rituel et tu seras libre.

Le vent souffla dans la pièce, lentement comme une délicate attention roulant sur ma peau, puis je soufflais sur la bougie qui tressaillit un instant avant de s’éteindre à tout jamais. Je quittais le salon du médium libéré d’un poids.