Première rencontre

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Les ténèbres envahissait un peu plus le couloir du second étage du bâtiment. La seule source de lumière au aurait pu les aider en dehors des luminaires, c'était la clarté passant sous les portes des appartements ou alors celle provenant de la fenêtre tout au bout de la coursive. Malheureusement, tous les appartements étaient plongés dans le noir du fait de l'absence de leur propriétaire. La seule source de luminosité était rendue opaque pour une couche de mousse verdâtre, comme si le temps s'était acceleré de vingt ans dans cet endroit et qu'aucune vie, si ce n'est la moisissure, n'y avait élu domicile. Un froid glacial règnait ici, s'insinuant même au travers des vêtements des deux âmes encore plus ou moins lucides qui évoluaient à pas de loup dans le couloir. Toutes les deux se guidaient avec le flash de leur téléphone portable, remontant la coursive bordée d'épaisse porte de bois maintenant vermoulue, rongées par la vermine et la pourriture. L'odeur de moisi leur agressait les sens, bien plus forte ici que dans le hall.

Amel porta son écharpe sur le bas de son visage. Elle calait sa foulée sur celle de son ami qui menait la marche. Leurs pas se voulaient aussi léger que silencieux afin de ne pas réveiller la Chose à nouveau. Émeline était si concentrée sur son avancée qu'elle pouvait entendre le sang lui battre les tympans. La moquette qui recouvrait le sol du couloir était toute racornie, tâchée de fluides dont elle ne voulait clairement pas en connaitre l'origine. Néanmoins, elle assourdissait leur empreinte, voilà un premier avantage rencontré dans ce foutu bourbier.

— J'en aurai des trucs à noter pour la VTI, ironisa-t-elle pour tenter un tant soit peu de relativiser ce moment plus qu'étrange.

Amel ne répondit pas, son regard obliquant simplement vers son ami. Elle n'avait pas oublié le soudain accés de colère de cette dernière, plus tôt dans le couloir.

Soudain, un craquement sonore se fit entendre. Il provenait d'un appartement juste à côté d'elles. Aussitôt, les deux exploratrices malheureuses se figèrent, le coeur tambourinnant follement dans leur poitrine et la gorge serrée par une boule de trouille monumentales. Le craquement recommença, un peu moins fort et du coin de l'oeil, Émeline put apercevoir que les lattes d'une porte éventrée se soulevèrent mollement, laissant apparaitre une main... puis un avant-bras décharné et griffus. Les ongles affreusement longs s'agrippèrent à la moquette, striant le revêtement pour disparaitre à nouveau dans son trou.

— C...C'est l'appartement de Madame Vitruve, marmonna Amel, terrifiée, en lisant le nom encore inscrit sur la sonnette.

Un haut-le-coeur la prit aussitôt, suivit de près par Émeline qui fit un pas en arrière.
Le faire-part de Madame Vitruve était arrivé le matin même à l'agence et là, elle venait de voir une... main ? gratter au travers de sa porte dans un râle sinistre et morbide.

— C'est un cauchemar, je vais me réveiller, souffla Émeline qui sentait sa lucidité lui faire défaut.

Dans leur murmure tremblant, on pouvait sentir l'angoisse qui les étraignait. La gestionnaire de copropriété ferma les yeux, quelques secondes, soufflant aussi profondément qu'elle le put. À chaque minute qu'elle passait dans cette endroit, c'est comme si des morceaux de sa santé mentale s'effritait. Qu'une présence insidieuse tentait de se frayer un chemin et la faire sombrer à son tour dans l'horreur de cet endroit maudit. C'est là qu'elle sentit la main de son amie se glisser dans la sienne et la serrer aussi fort que possible, et tout s'évanouit. Quand elle ouvrit les yeux, Amel se tenait devant elle. La jeune femme avait une trouille monstre, un mal de ventre terrible que de souffrir d'une telle angoisse qu'elle ne comprenait pas. Pour Amel, rien n'allait ici, elle se croyait dans un de ces mauvais films d'horreur où tout le monde meurt à la fin. Mais justement ! Elle n'avait pas envie de mourir. Pas envie de disparaitre dans cet endroit sinistre. Pas envie d'alimenter les ragôts et les légendes des mauvaises langues de l'entreprise. Elle avait des projets, des vacances, des choses à voir encore. Si Emeline avait eu jusqu'ici, l'instinct de survie. Amel aurait la volonté qu'il fallait et toute les deux sortiraient de cet endroit infâme.

— Garde ton calme, souffla-t-elle d'une voix tremblante, et faisons le point un peu.

Oui, dit comme ça, cela paraissait risible. Mais Amel préféra faire appel à une certaine rationnalité, malgré la folie qui les entourait, plutôt que d'y céder définitivement. Elles n'étaient pas des héroïnes, loin de là. Juste des femmes assez fortes pour ce sortir de ce mauvais pas, de découvrir son origine et se tirer vite fait pour avoir le temps d'en témoigner à qui de droit. Émeline hocha doucement la tête et elle se redressa pour aviser les lieux. Leur regard allait d'un côté à l'autre de la coursive pour se rendre compte que toutes les portes n'étaient pas soumise à la pourriture et au délabrement.

— Regarde, dit Émeline en désignant l'entrée face à celle de Madame Vitruve.

Le voisin à deux pas de là non plus ne subissait pas le même sort.

— Pour ceux-là, on a pas eu de mauvaises nouvelles, affirma Amel, à la différence de Madame Vitruve, Monsieur Morbeeck, Trenet et les autres.

Elles avancèrent un peu et purent se rendre compte que deux autres copropriétaires avaient subit le même sort que la pauvre Madame Vitruve. On ne pouvait pas supposer à une coïncidence autre que celle-là.

— C'est comme si... Quelqu'un avait fait en sorte de les faire disparaître pour, je sais pas, un interêt quelconque ? osa avancer Émeline.

— Tout ces gens font parti du Conseil Syndical, ou alors était en opposition avec lui dès la dernière AG, appuya Amel.

Petit à petit, les pièces du puzzle se mettait en place, mais bien trop lentement.
Tandis qu'elles échauffaudaient la solution de l'énigme, Amel ne prit pas garde à cette main qui glissa de dessous la porte devant laquelle elles s'étaient arrêtées. Les doigts se serrent si fort autour de sa cheville et la surprise fut si brutale qu'elle en eut le souffle coupé. La jeune femme n'eut que le temps d'échanger un regard de terreur avant d'être tirée à même le sol puis emportée dans l'appartement de Monsieur Trenet, l'une des victimes. Ne restait au sol que son téléphone portable au flash encore allumé et une Émeline pétrifiée d'horreur. Autour d'elle, le silence fut brisé par les portes pourries qui grincait sous les râles des habitants maudits des appartements.

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