1.Déménagement précipité.

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Sortir, elle doit sortir. La pièce est trop petite, trop étroite, trop noire, l'adolescente suffoque.

« Encore deux heures, deux petites heures » pense-t-elle recroquevillée dans son placard les mains contre son ventre.

La porte s'ouvre brusquement et la fait sursauter violemment, il est en avance et ce n'est pas la première fois, il est en colère, contre elle, encore. Elle a les yeux fermés, plus habituée à toute cette lumière envahissante et agressive, apeurée elle se glisse contre le mur la tête contre les genoux. Ce n'est pas suffisant pour la protéger de lui elle le sait, l'homme lui attrape le bras brutalement et la tire hors du placard pour la traîner dans le minuscule salon qui est la pièce principale du petit appartement.

- Petite catin ! Tu l'as dit à l'autre connasse de voisine hein ! On va encore devoir changer de ville ! Hurle-t-il. Tu sais combien nous coûtent tes conneries ?

Il lui assène un coup de pied dans le ventre puis un autre dans les cuisses, il lui tire les cheveux violemment pour la relever puis la pousse contre la vielle table basse en bois et en verre qui explose sous son maigre poids. Étourdie, elle ferme les yeux, les bras et le dos en feu, elle ne peut pas retenir son gémissement de douleur et les larmes qui menaçaient de couler depuis plusieurs heures en se recroquevillant sur le côté. L'homme continue de la frapper dans le ventre qu'elle essaye tant bien que mal de protéger, puis morte de fatigue et de douleur elle tombe, inconsciente. Elle finit par se réveiller complètement désorientée par une secousse, une horrible odeur de vieux vomi et de tabac froid agresse son nez. Immédiatement les souvenirs remontent en même temps que les larmes qu'elle n'arrive à retenir.

- Tais-toi tu veux gamine ! J'ai pas la patience de te supporter aujourd'hui, je suis déjà bien gentil de t'avoir prise avec moi remercie ton frère, et puis sur qui je me serais défoulé hein ?

En entendant sa voix, elle sursaute et se relie sur elle-même en reconnaissant l'odeur de vomi qui incruste les siège de la Chevrolet Caprice. Elle regarde par la vitre de la vielle voiture et aperçois sur sa gauche des voitures qui roulent à toute allure sur l'autoroute.

- Et ma voi-voiture ? Mes affaires ?

- Tes affaires sont dans ta voiture et elle est chez Jack t'ira la chercher quand on sera installé enfin s’il n'a pas vendu ton tas de ferraille avant.

- Et où est-ce qu-qu'on va ? Murmure-t-elle sachant qu'il n'aime pas qu'on lui pose de question.

- Loin d'Austin étant donné que tu nous as encore trahis. Tu mériterais que je te frappe petite sotte. Crache-t-il en la regardant dans le rétroviseur interne.

- On va à Winkler au Canada. Mais d'abord on s'arrête à Minneapolis prendre du liquide avec l'un de mes contacts puis on passera à Little Falls prendre les clés du nouvel appart, reprend-il.

Elle baisse la tête et joue avec la peau charcutée de son pouce en se disant que c'était pas plus mal de partir, voilà un an qu'ils étaient installé à Austin et les gens commençaient à avoir des doutes notamment son unique amie Kelly, la voisine d'en face. Elle se rallonge doucement le corps contracturé et bandée par les coups reçu plus tôt, c'est en grimaçant qu'elle se rendort. Les deux arrêts se passent sans encombre mis à part quelques gifles dans la tête elle s'en sort bien. Son frère ne sait pas arrêté et a préféré tracer vers Winkler trouver un terrain pour la nuit l'appartement n'étant pas encore libre. Le trajet jusqu'à leur nouvelle ville a été rapide si on prend en compte la lenteur naturelle de la vieille voiture marron. Le terrain est en faite une ancienne déchetterie où s'entasse des carcasses en tout genre. Elle sort précipitamment de la voiture et s'assoie brusquement sur deux pneus entassés réveillant ses douleurs.

- Ok les mioches, ici on est les Roy, mais je vous préviens, le premier qui fait éveiller les soupçons, je le frapperais jusqu'à ce qu'il ne puisse plus marcher entendu ? Menace l'homme en regardant fixement sa fille qui déglutie en baissant la tête.

La nuit tombe rapidement tandis qu'ils préparent les deux voitures pour la nuit. Caliope et son frère sont chargé de trouver des pizzas et de la bière, ils commandent directement dans le restaurant puis partent dans une pharmacie ouverte en continu.

- Faut qu'on soigne ça avant que ça s'infecte, je n’ai pas envie de devoir supporter des gémissements de douleurs toute la nuit.

Elle ne répond pas mais est d'accord avec lui. Après avoir récupéré tout ce qui leur servira pour les soins ils retournent chercher les pizzas qui ne sont pas encore prête.

- Je vais t'appliquer tes pansements en attendant.

Enlève ton tee shirt. Elle s'exécute et retire son tee shirt noir, il applique et fait pénétrer la crème pour les bleu et la cicatrisation puis lui met un bandage serré pour faire tenir le surplus de crème, elle remet son haut et ils sortent de la voiture pour attendre au comptoir. Beaucoup de jeune sont assis aux tables, elle les regarde s'amuser, rêvant de faire partie d'une bande d'amis comme celle-ci. Son frère lui tape l'épaule en lui faisant signe que les pizzas sont prêtes, elle s'avance donc pour les prendre sur le comptoir en remerciant la personne qui la servit.

- C'est pas la peine de lui parler il est sourd, dit une voix moqueuse.

Elle se retourne pour voir le propriétaire de cette voix et aperçoit devant elle l'un des jeunes assis sur les tables du restaurant, c'est un jeune homme sûrement en dernière année de lycée, les cheveux blonds et longs attachés en chignon bas. Il lui fait un sourire charmeur qu'elle répond en levant les yeux puis en partant avec ses quatre pizzas.

- Il te voulait quoi ? Demande Yan une fois dans la voiture.

- Me dire que le serveur est sourd et que ça sert à rien de lui parler.

- En effet, c'est assez inutile.

- Je profite pour t'en parler vu qu'il n’est pas là, continue-t-il. Il faut qu'on parte dès que possible.

- Q-quoi ? Dit-elle ahurie. Mais t'es-t'es malade il va nous tu- tuer s'il nous retrouve.

- Non, on le dénoncera avant qu'il ait le temps de s'en apercevoir. J'ai tout prévue, avant votre arrivée, j'ai regardé les annonces de travail de la ville, il y a une ferme pas loin qui cherche des ouvriers à mi-temps. On ira voir ça demain après être passé au lycée pour nous inscrire.

- T'es sûr que ça marchera ?

- Ouais, une fois qu'on aura assez d'argent de côté on se casse en prévenant les flics pour papa. - On ira où ?

- Là où la route nous mènera, on fera une sorte de road strip de l'Amérique du Nord. Et on reprendra nos vrais noms, Caliope, je te le jure, cette année est la dernière. Tu es avec moi ?

- Tou-toujours Yan, tant que tu seras là pour moi, je se-serai là pour toi, promet-elle.

- Alors ne dis rien à personne, sois discrète et cache tes marques. De mon côté je ferai en sorte qu'il soit trop bourré pour te frapper.

Après cet accord commun il tourne vers le portail de la déchetterie et se gare devant le feu allumé grâce aux pneus. L'odeur est horrible et une grosse fumée noire s'en dégage mais ils s'avancent et s'assoient avec leur père pour manger, Yan donne les bières à l'homme ainsi qu'une pizza. Il donne celle garnie de beaucoup de poivrons, de fromage et de viande hachée à Caliope ainsi qu'une bouteille d'eau gazeuse. Elle le remercie d'un petit signe de la tête.

- Demain on aura l'appartement de libre, il faudra bouger tôt, j'ai pas envie qu'on nous voit ici.

- C'est quel quartier ?

- J'en sais rien, c'est pas loin d'ici.

- Et... Pour le lycée, il est loin ?

- Qu'est-ce ça peut te faire p'tite conne ?

- Rien c'est juste que j'ai p-plus de voiture alors...

- T'auras qu'à marcher feignasse. Elle baisse la tête quand il se lève et lui frappe le crâne, son frère quant à lui serre les mâchoires, le quarantenaire rentre dans sa voiture et n'en ressort pas.

- J'imagine qu'il est temps de se coucher.

- Aide-moi à mettre nos affaires à l'avant. J'ai réussi à prendre tes affaires quand il avait le dos tourné.

Elle lui sourit et ils mettent toutes les affaires du coffre et du siège arrière à l'avant, descendent les sièges et s'allongent sur l'espace dur.

- Tu as mal, constate-t-il en la regardant.

- Pas tant que ça.

- Mais tu as mal, je le sens, tu es ma sœur, je te connais mieux que quiconque, demain avant de passer au lycée on ira à la pharmacie faire le stock de médicaments.

- Merci Yan.

Il ne répond pas mais lui serre la main droite avant de s'endormir.

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