Prologue

3 minutes de lecture

TRIGGER WARNING /\

« Dans un escalier, la marche la plus dangereuse est la marche funèbre. »

Marie-ChristineCouffignal.

***

4 juillet 2014.

À l'étage, sur le point de poser ma créativité sur une feuille granuleuse à dessin, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir dans un fracas inouïe. Mes tympans me supplient de me boucher les oreilles lorsque plusieurs hommes braillent. Et enfin, ma mère se met à hurler. Un coup de feu. Une vie qui s'éteint. Mon palpitants'accélère lorsque mon seul réflexe est celui de me lever, delâcher mon crayon et de dévaler les escaliers. J'entrevois une marre de sang sur le sol carrelé. Elle m'arrête aussitôt, pue le fer. Manquant de trébucher sur la précédente marche, je recule de quelques pas. J'entends ma sœur, je sens sa peur. Puis, un second coup à bout portant, un retentissement d'horreur.

La bile me monte à la gorge, mais je n'ai pas le temps de réfléchirque mon corps chancelle sur les escaliers. Le décor clair de l'habitation défile rapidement jusqu'à m'enfermer à double-tour,me réfugier dans un placard, au milieu d'un tas de vêtements. La porte ne fait pas long feu lorsqu'elle éclate en mille morceaux contre les battants en bois de ma cachette. Mon souffle s'arrêteun instant. L'instinct de survit fait place à une mort lente lorsqueje me retrouve à découvert. Trois visages. Trois hommes armées.Trois diables. Et plutôt que de m'offrir une balle en pleine tête,l'un d'eux m'empoigne avec violence le bras droit. Deux des revolver tombent à terre, mais aucune chance pour moi de sauver ma vie.

Trois visages imprimés à jamais.

Tétanisée,je les laisse faire. Pas de non,pasde combat. Encaisser, c'est tout ce que je m'apprête à faire.Encaisser la nudité, les caresses perverses le long de ma peau, le long de mon plexus, de ma poitrine. Supporter la douleur des poignets tenus bien trop fort par l'un. Porter le fardeau du viol de l'intimité par l'autre. Une accalmie furtive protège mon corps,jusqu'à ce qu'un second étranger entre en moi, me brise encore plus. Les yeux clos, je les entends parler dans une langue qui n'est pourtant pas la mienne mais que je comprends bien plus que de raison,tout en continuant leur devoir salace. Je supporte, c'est ça. Jesuis un vase cassé avec qui ont prend un malin plaisir à toucher,détruire. Puis, une phrase résonne dans mes coquelets : Tu ne vaux pas mieux que ta mère, qu'une pute à yakuzas.

Laissée pour morte sur un lit défait, sur des feuilles froissées et déchirées, j'ouvre les yeux, tournée vers la porte. L'entrée claque, je panique mais mon corps se résigne à bouger. L'état de sidération a raison de moi jusqu'à ce que les pas qui progressentdans les escaliers s'arrêtent derrière ma porte. J'ai peur. Je suis encore nue. Le battant s'entrouvre, mon père apparaît derrière, un léger sourire aux lèvres.

- Papa... Il y a.... au rez-de-chaussée.

J'enperds mes mots, étourdie, apeurée comme un agneau face à un loup qui n'est pas supposé en être un.

- Je sais, Christina. Je sais, répète-t-il en s'avançant à pas deloup vers moi.

De nombreuses années, j'ai supporté ses regards pervers, ses gestes déplacées, ses blagues d'une autre réalité. Jusqu'à maintenant,il s'est résigné à aller plus loin que tout ça, à présent jesais qu'il n'y a plus de raison vivante pour contenir ses envies. Etj'ai envie de mourir.

Sur le chemin, le tintement de sa ceinture se fait entendre. Les yeux encore beaucoup trop humides, je ne perçois que des tâches de lumière, des tâches d'espoir qui se transforme en horreur lorsque le sexe de mon géniteur vient caresser mon entrejambe. Il s'arrête,pose ses mains dégueulasses sur mes hanches avant de me forcer à me retourner. Je suis incapable de faire quoi que ce soit. La couverture humide vient effleurer ma joue droite, recueille encore quelques larmes, emprisonne mon désespoir. Mon bassin se relève, et je ne sens plus les poignes qui m'agrippe.

- Laisse-toifaire, mon ange, ça va aller. Crie pour papa.

Dèscet instant, ma bonne mémoire fait place à une amnésietraumatique. Et ce qui est supposé retentir dans mes oreilles cejour-là n'est plus les explosions des feux d'artifices de la fêtenationale, mais bien celles des coups de feu, des coups de violence.

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