Chapitre 25 - ALEXY

15 minutes de lecture

le 05/03/2022

Quand j’ouvre les yeux, je mets un certain temps à réaliser qu’ils ne tombent pas sur du vide, mais bel et bien sur un autre visage.
A cause du sommeil qui m’embrume encore un peu l’esprit, et surtout de la respiration paisible de Sacha qui m’indique qu’il n’est lui-même pas réveillé, je ne saute pas de mon lit dans une panique folle.
Je me sens plutôt en sécurité, car il ne franchit pas mes limites, et vu son état, j’aurai largement le temps de sauter loin de lui s’il essaye de me faire quoi que ce soit. Encore endormi, ses traits affichent une autre facette de lui, non pas détendue, comme pour la plupart des gens, mais plutôt un visage fatigué de la vie que je n’aurais jamais imaginé sur Sacha. Comme s’il n’était plus en capacité de cacher ce qu’il ressent vraiment, et ce constat me pince le cœur et me rappelle les apparences trompeuses ; je ne connais toujours presque rien de la personnalité profonde de cet homme, ce qui le constitue vraiment.
Couchée sur le côté, dans la même position que lui de manière à ce que nous nous fassions face sur nos lits jumeaux, je prends le temps de l’observer comme jamais auparavant, non pas pour l’analyser mais juste pour m’imprégner de ses véritables traits qui expriment autre chose que d’habitude. J’ai l’impression qu’ainsi, je pourrai remplacer ses fausses expressions par les vraies lorsqu’il se réveillera et remettra en place son masque si trompeur.
Ses fines lèvres à la courbe relevée sont légèrement entrouvertes, et ses yeux en amande fermés de la manière la plus naturelle que j’aie jamais vue sur lui, deux choses qui titillent mes rubans d’une manière inexplicable. Heureusement, je ne peux pas voir ses prunelles sans quoi elles me fascineraient trop pour me permettre de me concentrer sur le reste. Ses cheveux sont rejetés en arrière sur l’oreiller, qui gardent tout leur éclat malgré nos semaines d’errance sur les routes, et je regrette un instant ses mèches effilées qui lui tombent normalement devant les yeux et que j’aime tant.
Puis je me rends compte que justement, après tout ce temps, nous dormons pour la première fois dans une vraie maison, un vrai lit, une vraie chambre, que malgré le danger nous allons enfin pouvoir revivre dans des conditions plutôt acceptables. Rien que pour lle confort que je savoure en cet instant, je me dis que tout ceci en valait la peine, puis je me penche sur la question du comment, et mon humeur se détériore en une fraction de seconde : comment Sacha et moi avons atterri dans cette chambre, comment nous sommes-nous retrouvés à dormir ensemble ? Où est Allen, d’ailleurs, au passage ?
Je n’ai que des souvenirs très éparses de la soirée d’hier, lorsque nous sommes arrivés ici, et je ne me rappelle même plus à travers ma fatigue les derniers moments qui m’ont probablement conduite à m’écrouler sur ce lit. Sacha était-il déjà là ? Finalement, peut-être sommes-nous en danger et absolument pas chez l’ami d’Allen, car si je me souviens parfaitement d’avoir marché dans les rues vides au pas de course, je ne peux pas en dire autant de la suite des évènements.
Ces sombres pensées agitent mes émotions de nouveau à l’intérieur de moi, me poussant à me redresser pour clarifier mon raisonnement, ce qui fait bruisser les draps. Le son est peut-être négligeable de mon point de vue, bien réveillée, mais il semble suffisant pour faire sauter Sacha hors de son lit. Dort-il jamais de ses deux oreilles, en baissant complètement sa garde ? Contre quoi, ou qui, a-t-il dû apprendre à se défendre de cette manière, à chaque minute de ses journées comme de ses nuits ? Quand j’y repense, je vois souvent un caractère défensif sous ses bravades sarcastiques et son expression favorite de dédain ennuyé, maître de lui-même.
Nous nous dévisageons sans un mot, et je pourrais presque voir le cheminement, dans ses yeux, qui l’amène aux mêmes conclusions que moi. Il apparaît tout de même que se retrouver dans la même chambre que moi n’est pas ce qui le perturbe le plus, alors que mes principaux questionnements concernent ce point.
Je décide alors de jouer la carte de l’honnêteté, décidant que nous avons vécu ensemble suffisamment de choses pour que je ne m’embarrasse plus à obtenir les réponses par un chemin détourné.
- Pourquoi est-ce qu’on a dormi ensemble ?
- Je crois qu’Allen a mentionné l’absence d’assez de chambres pour nous tous, mais je n’en suis pas sûr, répond-t-il du tac au tac.
Bien, cela signifie que nous ne sommes pas prisonniers et que malgré toutes les difficultés, nous sommes arrivés à bon port. A partir de ça, je peux considérer que nous avons quelques chances de réussite sur la suite des évènements.
Si je continuais dans ma lancée, je demanderais évidemment : « Oui, mais pourquoi est-ce que tu es vraiment resté avec moi ? ». Sauf que cette question là, tout comme l’explication à ses mains se baladant sur ma taille dans des certaines catacombes, je sais qu’il n’y donnera aucune suite. Du moins, pas une qui vienne du fond de son cœur. Au souvenir de ce que nous avons partagé, collés l’un contre l’autre, au milieu d’une véritable tornade d’adrénaline mais pourtant sans se soucier un seul instant de si nous allions être découverts ou pas, un frisson parcourt simultanément mon dos de bas en haut et mon torse haut… en bas…
Mes instincts protecteurs reprennent cependant rapidement le dessus, pour me rappeler qu’un homme m’a touchée, vraiment touchée, pas seulement pour me torturer, et que ce serait la pire erreur de ma vie que de lui laisser une seule autre ouverture vers moi. Il a creusé une brèche hier soir, probablement une deuxième cette nuit en dormant à mes côtés, je n’en permettrai pas une troisième. Les frais de mon aveuglement à son sujet s’arrêtent immédiatement.
- Où est-il, et nous savons tous deux pertinemment de qui je parle.
- En bas il me semble, avec son ami.
- Nous n’aurions jamais dû baisser notre garde de cette manière et lui laisser porter seul le poids de notre sécurité. L’un de nous deux aurait dû rester avec lui, au moins une partie de la nuit pour s’assurer…
- Je crois que tu t’es endormie avant même de passer le porche de cette maison, me coupe-t-il, retrouvant sans aucune difficulté toutes ses habitudes douces-amères, à cause desquelles je ne sais jamais différencier ce qu’il ressent vraiment. C’est un miracle que tu aies même atteint ce lit, alors monter la garde ? Allen se débrouille très bien tout seul.
Sa manière de me rassurer est certes brutale, mais je ne me ferai plus prendre au piège : je me force à calquer sur son visage inexpressif actuel ce que j’ai vu pendant son sommeil, espérant que cela m’ouvrira les portes de son âme. Sans résultat. J’imagine qu’avec une personne aussi complexe que Sacha, aussi bien protégée, il me faudra un peu plus d’effort qu’une simple visualisation.
Mais puisqu’il veut jouer à ce jeu, de la personne insensible et refusant de se livrer, je peux m’adapter. La mission d’infiltration dans la ville m’a bel et bien redonné une nouvelle vitalité, me permettant à la fois de me remettre de mon manque cruel de sommeil pour sauter du lit, mais aussi de tenir à distance mes émotions dévorantes quant à la présence de Sacha dans cette chambre. Elles ne m’envahiront pas, du moins pas aujourd’hui, et je vais poursuivre ma vie comme si cette perspective toute récente ne me terrifiait pas au plus haut point.
- Si tu comptes descendre, reprend-t-il sans me demander mon avis, il va peut-être falloir te changer. L’ami d’Allen nous as apporté une pile de vêtements propres devant la porte.
Mais comment diable est-il au courant de ces détails s’il était endormi ? A moins que…
- Oh, et mettre un masque synthétique aussi, on ne sait jamais.
Et il a le dernier mot, comme toujours dans ce genre de situations tendues où il se révèle un adversaire plus féroce qu’il ne le laisse paraître dans la vie de tous les jours. Sauf que ça, c’était avant les évènements d’hier, avant qu’il ne me plaque contre lui et ne me révèle bien malgré lui l’ambivalence de notre relation. Je ne sais pas ce que tout cela signifie, et je ne suis pas sûre d’être prête à le découvrir, mais dans tous les cas, si je lui ai ouvert mes portes, d’une certaine manière lui aussi.
- Depuis quand tu te préoccupes de notre situation?
Il me regarde comme si je l’avais vraiment blessé, mais je ne suis pas dupe. Il y a du mensonge dans ces yeux. On dirait que nos rapports de force se sont sensiblement modifiés, et que depuis je suis enfin capable de le décrypter comme n’importe quelle autre personne. C’est particulièrement satisfaisant de ne plus être démunie face à lui : finalement, peut-être que le blocage ne venait que de moi, et que depuis que j’ai – un tout petit peu - surmonté ma peur de Sacha, j’ai la voie libre pour faire de lui ce que je veux.
- Parce que tu crois peut-être que rester avec vous et m’engager dans ce plan insensé ne signifie rien pour moi ? Tu crois que c’était facile ? Tu crois que je ne me soucie d’aucun de vous deux ? Si c’était le cas, vous seriez déjà entre les mains des Forces de Prévention.
Ses mots me percutent, parce qu’à l’opposé des précédents, ils sonnent de l’accent de la vérité. Je ne me laisse pas abattre pour autant, même si mon obstination vient plus de mon propre orgueil et de mon incapacité à capituler maintenant que j’ai retrouvé toutes mes forces.
- En tous cas, ce n’est pas ce qui transparaît dans ton comportement, et ce depuis le début. Nous t’avons recueilli, je t’ai recueilli !
J’avoue enfin à demi-mots ce que je ne lui ai jamais dit, soit qu’au départ, Allen ne voulait pas de lui, que j’ai dû insister pour ne pas le laisser mourir au milieu de cette route. Que si nous en sommes ici, c’est uniquement grâce à moi et à mes foutus pressentiments. Que m’apportent-ils, aujourd’hui, mes pressentiments, quand je n’arrive à rien décrypter de ses véritables intentions ? Au trouble que notre changement de relation m’apporte se rajoute l’impression grandissante que quelque chose cloche, ce qui me achève de me dérouter pour de bon.
Je n’ai pourtant pas encore fini, ce que je lui fait comprendre en poursuivant alors qu’il avait déjà la bouche ouverte, une réplique au bord des lèvres :
- A chaque fois que je te regarde, je vois quelqu’un qui ne frémirait pas d’un pouce si une balle me transperçait la tête à l’instant.
Je comprends que je suis allée trop loin avant même d’avoir fini ma phrase. Et le pire, c’est que je ne le pense même pas : je ne sais même pas d’où je sors ces atrocités, parce qu’au fond je sais très bien que ce ne sont que des apparences trompeuses. Mon envie d’avoir raison, de le battre à son propre jeu pour une fois, a balayé tout le reste, y compris la raison et ses propres sentiments. Je n’ai pas réfléchi aux conséquences que mes mots pourraient avoir, pourtant je sais mieux que quiconque à quel point ils sont puissants. Je comprends à ce moment seulement que tous ces contacts avec lui, de même que la nuit précédente, m’ont bel et bien affectée, je l’exprime simplement d’une manière différente depuis que ma part battante a refait surface.
- Tu ne sais ni combien de personnes se sont pris une balle devant mes yeux, ni quelle a été ma réaction à chaque fois.
Son ton est froid, il est totalement maître de ses émotions, quand à l’inverse, je suis l’image même de la colère bouillonnante. Nous ne pourrions être plus opposés qu’en cet instant, deux manières bien différentes d’exprimer une même rage, calculée pour l’un, désordonnée pour l’autre.
Sous les apparences, sans que je sache exactement quelle interprétation de mes paroles a pu le toucher ainsi, Sacha m’apparaît pour la première fois… douloureux.

Peu après que mon compagnon se soit éclipsé de la chambre, laissant derrière lui une traînée de fureur pure qui imprègne encore l’air, j’ai moi-même silencieusement explosé et laissé transparaître sur mon visage toute l’ampleur de ma frustration.
Après quelques minutes dans un état pour le moins apathique, je me suis cependant souvenue de ce qu’il avait dit plus tôt, et j’ai effectivement trouvé de l’autre côté du battant de la petite porte en bois une pile de linge dégageant une délicieuse odeur de lessive.
Dans le couloir bas de plafond aux murs lambrissés, nulle trace de Sacha.
Prenant bien soin de verrouiller la porte derrière moi, car un accident de ce type est la dernière chose qui doit m’arriver en ce moment, j’ai enfilé les vêtements en respirant à fond leur parfum de propreté. Je crois n’avoir jamais autant savouré quelque chose d’aussi trivial, même après mon évasion.
Mon ensemble se compose simplement d’un jogging ample, évidemment à la morphologie masculine, mais qui me donne ainsi lui aussi l’impression d’être de retour à la maison, et d’un sweat particulièrement large – sûrement une attention d’Allen, pensé-je avec gratitude -, le tout pour cacher au mieux mes formes. Des préoccupations que j’ai gardées au cours de ces derniers mois, mais auxquelles je n’ai, à mon plus grand désarroi, plus vraiment pu adapter mes décisions. Ce retour total à la normalité, à une routine familière, est absolument ressourçant, et me redonne en cette période bouleversante des repères dont j’avais grandement besoin. Le tout dans une couloir noire unie, qui sans manquer de me rappeler Sacha, je trouve me correspond plutôt bien.
Je ne suis peut-être pas totalement sereine à l’idée d’être en contact avec un homme de plus, un énième danger dont je vais devoir me méfier, mais après deux semaines en compagnie de Sacha et Allen j’ai l’impression que je suis bien mieux à même de gérer ce stress. Et puis, j’ai bien réussi pendant des années à croiser, parfois même converser, avec des hommes, donc il n’y a aucune raison que cela change aujourd’hui. De plus, je me sens plutôt confortable dans cette tenue, et le fait qu’elle cache mes formes suffit étrangement à me faire sentir un brin paisible.
Le masque synthétique caché dans la pile, par contre, me fait l’effet inverse. Cacher ma féminité, oui, mais cette technique particulièrement radicale ne m’avait pour le coup pas tellement manquée. Tout en ajustant mes nouveaux traits pour les rendre assez harmonieux, je me rassure en me disant que le masque me servira de protection contre tout ce que je ne suis pas en mesure de contrôler. C’est de cette manière que je le percevais avant, et je ne comprends pas pourquoi il m’est aussi dur de retrouver cette habitude quand j’ai réintégré les autres sans le moindre souci.
Une fois complètement préparée, je trouve sans encombres le chemin jusqu’au premier étage, descendant l’escalier étriqué en accord avec le reste dont ma grande taille me rend le passage difficile.
C’est peut-être une bonne chose que je tombe directement dans l’encadrement de la porte de la cuisine, où ils sont tous les trois rassemblés, car cela m’évite de trop psychoter en attendant la rencontre.
Méfiante, je reprends mes bonnes vieilles habitudes, détaillant de la tête aux pieds le jeune homme, d’une vingtaine d’années, qui me fait face. Ses yeux bleus, clairs comme de la glace, sont véritablement fascinants, contrastant avec ses cheveux foncés et tout aussi bouclés que les miens. Mon regard tombe tout de suite sur ses grandes mains aux ongles rongés jusqu’au sang, dont les doigts allongés semblent présenter de nombreuses distorsions. Dans notre société en apparence paisible, du moins pour les simples citoyens comme lui, une telle particularité me le désigne comme une personne engagée, mais la question reste dans mon camp ou celui de mon ennemi ? Heureusement ses prunelles limpides me permettent une lecture facile de sa personnalité, et je n’ai pas besoin d’une longue analyse pour déterminer que je lui fais confiance concernant.
C’est bien sûr loin d’être assez pour endormir ma répugnance naturelle à son égard, mais je décide que je suis capable de coopérer avec lui pour quelques jours, voir moins avec un peu de chance.
- Alexy, voici Waël, un ami de confiance.
Allen insiste sur le dernier mot en plantant ses yeux jumeaux dans les miens.
- Il a accepté de nous héberger pour le temps… que nous souhaiterons passer ici. Waël, voici Alexy, notre dernier compagnon de route.
Que sait exactement ce Waël sur nous, notre situation, ce que nous cherchons à Paris ? Sur nos liens avec l’Organisation ? Manifestement, pas assez pour lui dévoiler ma véritable identité, et c’est d’ailleurs mieux ainsi, et je me maudis de ne pas avoir demandé à Allen de nous briefer sur son mystérieux ami avant d’arriver ici. Comment suis-je censée accorder mes propos maintenant ? Une discussion s’impose, et rapidement. En attendant, je ne sais plus vraiment quoi dire et où me placer, surtout après ma dispute avec Sacha que j’évite consciencieusement du regard… jusqu’à ce qu’un grondement familier me remonte le moral en flèche.
Je constate en me retournant que Nuit d’encre, couchée, mais sur ses gardes, observe la scène en recul, comme à son habitude. Elle semble garder la porte d’entrée, étalée de tout son long devant, sans aucun doute prête à bondir sur ses pattes au premier signe de danger. Sur ce point, comme sur d’autres, nous nous ressemblons tellement.
Je n’ai pas besoin de lui demander pour savoir, au vu de l’heure tardive, qu’Allen est allée la chercher, ainsi que certaines de nos affaires restantes, pendant que moi et Sacha nous remettions. Où puise-t-il toute cette force ? J’ai beau dire tout ce que je veux sur lui, et la manière dont il peut me rendre si mal à l’aise, Allen reste la personne sans laquelle je n’aurais pas survécu jusqu’ici.
Ravie de la retrouver, j’adresse une unique caresse à Nuit d’encre, sachant très bien qu’elle n’en acceptera pas plus mais trop heureuse de nos retrouvailles pour ne pas le lui exprimer. Au fil des semaines, nous avons transformé ce qui nous a réuni de manière si impromptu en une relation houleuse, mais dans laquelle nous ressentons autant l’une que l’autre l’affection inavouée que nous nous portons. Sinon, pourquoi en aurions-nous autant fait l’une pour l’autre ?
Quelqu’un se racle la gorge, et je n’ai besoin que de cet unique son pour reconnaître les inflexions douces-amères de Sacha. Une impulsion de lui arracher la tête me prend à la gorge pour cette interruption. Qu’est-ce qui lui prend de me provoquer de cette manière après ce qui vient de se passer entre nous ? Il devrait pourtant avoir compris que je ne suis pas vraiment d’humeur à jouer…
Sûrement grâce à sa légendaire sensibilité, Allen coupe court à notre dispute avant même qu’elle n’éclate :
- Je ne vais pas tarder à repartir pour faire ce que je dois faire.
Retrouver son contact. Waël n’est donc pas au courant de cette partie là de l’histoire non plus. Décidément, j’ai intérêt à ne pas lui parler si je ne veux faire aucunc gaffe.
- Je devrais t’accompagner, propose Sacha à ma grande stupéfaction, et je comprends que c’est en réaction à son manque d’implication que je lui ai reproché tout à l’heure.
Pourtant, je refuse de croire que j’ai une telle influence sur lui. A moins que ça ne soit que pour me prouver tort, au contraire, et pas du tout faire un quelconque effort. A ce stade, j’ai de nouveau arrêté de faire des déductions à propos de lui.
- Non, assène Allen. Je serai plus discret tout seul.
Il marque une longue pause, au terme de laquelle je suis sur le point de le relancer, car il paraît évident qu’il n’a pas fini de parler.
- De toute manière en cas de danger, reprend-t-il lentement en se frottant douloureusement les yeux, tu ne me seras pas d’une grande aide pour changer le cours des choses. Je préfère que tu restes ici avec Alexy.
Sans savoir pourquoi, ces paroles m’offusquent un peu. Et je remarque au même moment ce que révèle vraiment le langage corporel d’Allen, en dehors de sa fatigue évidente : il est diminué, ou plutôt ses capacités, particulièrement mentales, sont diminuées. J’ai l’impression dérangeante qu’il a pris un brusque coup de vieux en arrivant ici, et son regard trouble n’affiche plus la même détermination. Celle-ci se mélange effectivement à la volonté de trouver quelque chose, et une chose bien différente de l’Organisation.
- A partir de quand devons-nous nous inquiéter, enchaîné-je pour couper court à la discussion autant qu’à mes pensées alarmantes, sans rajouter : à partir de quand devons-nous fuir ?
- Je serai rentré avant la nuit. Je n’en pas vraiment pour longtemps.
Je ne suis pas vraiment rassurée par ses affirmations, bien que je m’efforce d’ignorer mon mauvais pressentiment.
Un quart d’heure à peine plus tard, Allen claque la porte derrière lui, laissant brièvement entrer par l’embrasure un rayon de soleil brûlant qui éclaire les veines rouges dans ses yeux quand il me jette un dernier coup d’œil.
Ainsi qu’une expression poignante de manque.

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