Chapitre 12 - SACHA

4 minutes de lecture

le 24/02/2022

Je dois avouer que je ne sais plus trop sur quel pied danser, non à cause d’Allen, car sa réaction est totalement prévisible et ne me mets pas vraiment de bâtons dans les roues, mais plutôt à propos d’Alexy. Tout le but de cette infiltration sous couverture était de découvrir les plans de l’Organisation, soit en gagnant directement la confiance d’Allen, soit en la poussant elle, plus facilement manipulable, à me les révéler une fois qu’elle les aurait appris.
Mais au vu de son état, il m’est tout aussi dur d’imaginer Allen servant leur stratégie sur un plateau à moi qu’à elle. Elle ne le laisse même pas l’approcher, ni lui ni moi d’ailleurs, alors comment suis-je supposé attendre quelque chose, un lien de confiance, qui ne risque pas d’arriver ?
Lors de son enfermement, Alexy a représenté pour moi autant l’image sur laquelle je pouvais enfin déverser ma haine sans limites que la petite fille apeurée que je ne parvenais pas à déchiffrer. Mais à présent, si je ne m’empêche pas de la maudire et d’imaginer tout ce que je pourrai lui faire subir plus tard, je ne retrouve en elle aucune trace ni de l’enfant inapte ni de la battante qui s’est évadée. Juste une girouette particulièrement instable, capable de passer du désarroi le plus total, comme quand elle est retombée dans mes bras, à la froideur la plus calculée, comme quand elle a attaqué Allen en quelques mots bien choisis.
Car oui, je l’ai bien tenue dans mes bras pendant quelques brefs instants.
En la voyant tomber, j’ai immédiatement vu dans cette situation le moyen de prouver ma bonne volonté comme de tester les réactions d’Allen. Au vu de son énervement rapide, comme de tous les regards noirs qu’il m’a adressés quand elle était toujours évanouie, je dirais qu’il est encore bien plus attaché à elle que je ne le croyais. Mais ce serait mentir que de dire qu’en la rattrapant, je n’ai pas également obéi à un instinct survenu de nulle part, et je n’ai pas pour habitude de me mentir à moi-même.
En personne bien avisée, Allen a placé l’ouverture de sa tente juste en face de la mienne, et m’a obligé à la fermer. J’imagine qu’il dormira aussi d’un sommeil particulièrement léger, de manière à savoir immédiatement si je tente de m’échapper. Dommage pour lui, je n’ai pas fait tous ces efforts pour décamper à la première difficulté en emportant ce boulet d’Alexy, qui ne me servira définitivement à rien dans cet état. Elle dort d’ailleurs dans le rover, où Allen voulait d’abord m’enfermer, mais qu’il n’a pas eu le coeur de lui refuser lorsqu’elle l’a exigé d’une voix pitoyablement éteinte. En bonne petite princesse gâtée, elle n’est évidemment pas habituée à se voir refuser quoi que ce soit.
Quant à la raison de ce choix… j’imagine qu’elle se sent plus en sécurité, protégée de nous par ces parois blindées métalliques, mais aussi plus à même de s’enfuir si elle le souhaite. Et bien sûr, uniquement préoccupée par ses propres sentiments et ce qui se passe dans sa propre tête, elle ne s’est pas demandée un instant pourquoi un agent de l’Organisation lui laisserait une telle liberté s’ils étaient de parfaits inconnus l’un pour l’autre. Je me dis que dans sa situation, j’aurais compris depuis longtemps que quelque chose n’allait pas, comme semblent le crier toutes les incohérences semées sur son chemin, certaines par moi-même. Et je me dis qu’elle n’en est qu’encore plus vulnérable à tout ce qui se déversera bientôt sur elle. Mais cela enlève aussi un peu de l’amusement que j’aurais eu à la voir lutter, même si c’est complètement vain. Au moins, elle aurait eu l’espoir que j’aurais réduit ensuite à néant, mais maintenant je ne la vois pas autrement qu’abandonner dès la première seconde.
Encore éveillé au coeur de la nuit, je ne doute cependant pas qu’il en est de même pour mes deux compagnons. Si Allen n’était pas si vigilant, et je l’espère comme je pourrai le faire dans quelques semaines, je serais allé rejoindre Alexy malgré mon dégoût pour commencer à tisser une relation. J’aurais pu poser les bases de notre relation en dépit de son caractère inutile et pleurnichard, ou plutôt grâce à lui, qui me permettra au final de conquérir sa confiance bien plus rapidement. A bien y réfléchir, cette situation n’est donc pas si désavantageuse.
Il ne me reste donc plus qu’à profiter du moment présent, à user de ce qu’elle ressent contre elle, pour la mettre à ma merci juste avant de lui faire remonter la longue pente qui l’attend. Et lorsqu’elle sera en pleine possession de ses moyens, plus forte et confiante qu’elle ne l’a jamais été, elle ne se doutera pas un instant que je suis quelqu’un d’autre que l’ange qui l’a mené vers la lumière.

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