Chapitre 23 : la surprise - (2/2)

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Dovaren la regarda partir, atterrée par ce qui venait d’advenir.

— Mais que lui arrive-t-il ? demanda Dursun sur le point de pleurer.

Nëjya, pour réconforter son amie, l’enlaça.

— Je ne sais pas, répondit Dovaren. Je ne sais pas. Je vais voir.

— Non, j’y vais, lâcha Nëjya d’un ton sec.

— Tu es sûre que c’est une bonne idée.

Pour toute réponse, la Samborren lui confia l’adolescente qui avait pour de bon éclaté en sanglots.

— En tout cas, ça va me défouler, assena-t-elle.

C’était bien ce que craignait Dovaren. Seul le fait que Deirane ne pouvait pas être blessée la retint de s’interposer devant la concubine.

Nëjya ne trouva pas Deirane dans sa chambre, mais dans l’une de celles qui étaient inoccupées. En fait, ce sont les pleurs qui la mirent sur la piste. Elle le découvrit prostrée entre l’armoire et le mur.

— C’est quoi ce cirque ? s’écria-t-elle furieuse. Tu te rends compte de ce que tu as infligé à Dursun. Elle était si contente à l’idée de te faire plaisir.

Elle leva la main, prête à la frapper. Mais elle hésita. Cette réaction ne lui semblait pas normale.

— Réponds non de dieu, sinon je te défonce.

— Dresil, parvint à hoqueter Deirane.

Dresil, elle avait déjà entendu ce nom. Bien sûr, son fiancé que Brun avait éliminé pour l’acquérir. Mais que venait-il faire dans cette histoire ?

— Il cultivait du beurrier, l’éclaira-t-elle.

Nëjya comprit soudain.

— C’était des noix de beurrier dans le paquet ?

Deirane hocha la tête.

Nëjya baissa la main. Elle n’était plus en colère contre Deirane, mais contre celui qui lui avait joué ce tour. Ce fruit était inconnu en Shacand. Jamais Dursun n’aurait eu une telle idée si on ne la lui avait pas soufflée. Et elle savait que ce n’était ni elle ni Dovaren.

Elle s’assit auprès de Deirane. Elle hésita, elle n’était pas douée pour ces choses. Finalement, elle attira la tête de son amie qu’elle reposa sur son épaule, puis lui passa le bras autour du corps. Deirane s’abandonna contre elle.

La jeune femme se laissa câliner un moment par Nëjya. Quand elle se fut suffisamment reprise, elle la repoussa.

— Je dois y retourner, dit-elle. C’est ma fête après tout.

— Tu es sûre d’en être capable ? s’inquiéta Nëjya.

— Capable de quoi ? De passer une soirée avec mes amies ?

Elle s’examina dans la glace. Son maquillage avait disparu. Dovaren l’avait déjà essuyé lors de sa crise de larmes précédente. Elle chercha autour d’elle, mais cette chambre vide n’était pas équipée.

— Tu as un mouchoir ? demanda-t-elle à Nëjya.

— Attends, laisse-moi t’arranger.

La Samborren se servit de l’extrémité de sa manche pour achever le travail de Dovaren. Mais son nécessaire se trouvait dans sa suite, deux étages plus haut. Deirane se passerait de maquillage. De toute façon, son tatouage en constituait un bien original à lui seul.

— C’est bon, dit-elle quand elle estima le résultat satisfaisant.

— Merci.

Soudain, prise d’une impulsion, elle écarta le boléro qui lui couvrait la poitrine.

— Eh ! s’écria Deirane en s’éloignant.

Elle referma son corsage, sans toutefois replacer la chaînette qui lui évitait de s’ouvrir de façon intempestive.

— Il y a déjà Dursun qui ne manque jamais une occasion de me les tripoter. Tu ne vas pas t’y mettre aussi.

— Je comprends qu’elle ait du mal à résister. Mais ne t’inquiète pas. Mes pensées vont vers une autre personne que toi.

— J’en suis soulagée.

Deirane était également surprise. La Samborren paraissait si dure qu’elle ne l’imaginait pas éprouver des sentiments pour un homme.

Quelques instants plus tard, les deux jeunes femmes rejoignaient la fête. Le départ de Deirane avait jeté un froid. Les gens discutaient, mais l’ambiance joyeuse du début s’était envolée. Dursun s’était mise à l’écart sur une banquette. Elle ne pleurait pas, mais elle semblait triste. Dovaren l’avait prise dans ses bras pour la réconforter. Il ne restait que Sarin pour assumer le rôle d’hôtesse. Le fait que seuls des domestiques et des eunuques l’entourent d’elle ne paraissait pas la gêner. En fait, elle semblait plutôt joyeuse. Elle avait trouvé quelques volontaires pour lui servir de modèle de nu. À sa grande surprise, Loumäi avait accepté. La jeune femme était si timide que Sarin était sûre qu’elle refuserait.

D’un coup d’œil rapide, Deirane évalua la scène. Elle tourna vers Dursun, mais Nëjya la retint par le bras.

— Je m’en occupe, dit-elle, attends que je te dise de venir.

Deirane hocha la tête puis dirigea Sarin.

Nëjya ayant pris le relais, Dovaren put rejoindre son amie.

— Que s’est-il passé ? demanda-t-elle.

— Des noix de beurrier.

— Des quoi ? C’était le cadeau de Dursun ?

— Oui.

— Et pourquoi cette réaction face à une telle gourmandise ?

— Dresil en vendait. C’est même avec ça qu’il m’a courtisée.

— Oh !

Elle enlaça son amie.

— Les dieux t’ont joué un bien vilain tour.

— Ils n’y sont pour rien. Ce fruit n’existe pas en Aclan.

— Tu penses que quelqu’un l’a trompée pour te faire du mal.

Elle hocha la tête.

Sarin rejoignit les deux femmes.

— Excusez-moi, intervint-elle. C’est moi la responsable. Je lui ai conseillé en croyant que tu aimerais ça. J’ignorais ce que cela provoquerait. Je suis désolée.

Elle baissa les yeux. Deirane se dégagea de l’étreinte de Dovaren. Elle posa la main sur la joue de la peintre qui lui sourit en retour.

— Comment l’aurais-tu su ? Tu ne connais pas mon passé.

— J’avais raison, remarqua Dovaren. Les dieux te mettent à l’épreuve.

— En fait non. Deirane a raison. C’est bien de la malveillance. J’ai moi-même été conseillée.

— Par qui ?

— Par Larein.

Deirane s’écarta de quelques pas.

— Pourquoi ne suis-je pas surprise ? s’écria Dovaren.

— Mais surtout, comment l’a-t-elle su ? ajouta Deirane.

— Oh ça, ce n’est pas difficile. Larein est une des concubines qui visite le plus la couche de Brun. Moins que Mericia, mais souvent. Une chevelure flamboyante comme la sienne est rare, en plus elle est douée au lit. Il a pu lui dire d’où tu venais, elle est assez intelligente pour en déduire le reste.

Deirane étudia un moment le raisonnement de Sarin.

— Ça se tient. Mais pourquoi …

— Tu t’es regardé dans une glace, l’interrompit Dovaren. Vas-y et tu comprendras pourquoi elle cherche à se débarrasser de toi. Son influence dans le harem est en jeu. Elle t’a déclaré la guerre, il serait temps que tu répliques.

Deirane hocha la tête. Elle approuvait ces dernières paroles. Mais elle n’avait pas la moindre idée pour lui retourner la pareille.

Perdue dans ses pensées, elle ne s’aperçut pas que Nëjya l’appelait. Dovaren la bouscula pour attirer son attention. En quelques pas, elle rejoignit les deux amies.

— Nëjya m’a expliqué, s’excusa Dursun, tu me pardonnes ?

— Te pardonner de quoi ? répondit Deirane. Tu ne savais pas pour Dresil. C’est Larein la responsable.

— Larein !

Nëjya s’était levée à demi en prononçant ce nom.

— Elle a conseillé Sarin qui a pensé que c’était une bonne idée.

— Comment a-t-elle pu écouter une telle garce ? Il ne faut rien croire de ce qu’elle dit.

— Des noix de beurrier, cela semblait innocent. Comment Sarin pouvait-elle deviner ma réaction ?

— Larein l’a pu.

Nëjya se rassit.

— Quand je me serai occupé d’elle, il va se passer un moment avant que Brun puisse à nouveau lui faire des confidences sur l’oreiller.

— Je n’ai pas à te dicter ta conduite. Mais je ne pense pas que la violence soit une solution.

— Tu as parfaitement raison, répliqua Nëjya.

Elle se leva pour regarder Deirane droit dans les yeux.

— Tu n’as pas à me dicter ma conduite.

Elle se rassit et reprit Dursun dans les bras.

— Et si la violence n’est pas une solution, ça défoule, ajouta-t-elle.

— Ne la défigure pas. Brun ne laisserait pas cela impuni.

— N’aie pas peur, je ne suis pas folle non plus. Non. Je sais exactement ce que je vais faire.

Un sourire éclaira le visage de Nëjya. Il était dommage qu’elle en montre si avare, ils la rendaient vraiment magnifique.

— Larein va être furieuse, dit-elle, et elle comprendra l’avertissement.

— Que vas-tu faire ? demanda Deirane, légèrement inquiète.

— Je ne vais pas faire la guerre, je vais faire l’amour.

Cette réponse sibylline n’éclaira pas Deirane davantage sur les intentions de son amie. Elle retourna auprès des deux autres, espérant que Dursun ne mettrait pas trop de temps à les rejoindre. Elle ne se trompa pas.

La fête dura jusqu’à la fin de la journée. Les eunuques durent partir rapidement, mais les domestiques affectées à l’entretien de la salle purent rester jusqu’au bout. Mais après avoir tout rangé, elles s’en allèrent à leur tour. La nuit commençait à tomber, le repas n’allait pas tarder. Deirane voulait d’abord enfiler une tenue plus décontractée, une tunique que Dursun ne pourrait pas ouvrir constamment, avec son petit air innocent qui rendait impossible de se fâcher contre elle. En arrivant devant les chambres, Deirane se rendit compte qu’elles n’étaient que trois. Il manquait Dursun justement, ainsi que Nëjya. Elle retourna à la salle. Ses paroles moururent sur ses lèvres avant qu’elle pût les prononcer. Les deux absentes se trouvaient bien là. Elles s’étaient assises face à face sur une banquette. Nëjya avait ôté sa robe. Hésitante, Dursun la caressait du bout des doigts. Elle n’osait pas toucher la concubine, mais cette dernière l’encourageait à se montrer plus entreprenante, guidant sa main pour explorer son corps.

Deirane referma la porte doucement pour ne pas les déranger. Elle sourit en imaginant la réaction de Dovaren en apprenant cela. Elle avait intérêt à trouver un bon remontant d’ici là.

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