Changement d'ambiance

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« L'armée française a connu de véritables revers dans l'océan Atlantique et dans la Mer Méditerranée. La flottille américaine a détruit toutes les frégates françaises dans l'océan Atlantique. Il ne reste plus que le porte-avion le Charles-de-Gaulle, d'où décolle les avions de chasse F5, accompagné de ses deux destroyers [1]. Mais malgré tout, l'issue de cette guerre semble toute tracée. Le pays qui nous a aidés auparavant, sera le pays qui nous conduira à la ruine. »

Voilà ce que lisaient, les Français et Françaises dans un journal de l'opposition au gouvernement, ce dimanche 7 avril 2028. Bien sûr certains événements étaient grossis afin de montrer l'incompétence du pouvoir en place à résoudre cette guerre. Mais en globalité, c'était la triste et dure vérité que devait accepter des millions de Français.

La déclaration de guerre avait été faite depuis la fin du mois de mars, mais les hostilités ne commencèrent que plus tard. Pendant un long moment, rien ne se passa, selon les médias nationaux, à tel point que beaucoup de personnes pensèrent à un canular. Mais voilà qu’hier, un inconnu ayant pris le contrôle d’une chaîne de télévision, fit la promesse de révéler la vérité sur le conflit, dont, d’après lui, on ignorait de nombreuses choses. Malgré ce message, le pays était resté dans le doute, car de l’autre côté le ministère avait assuré que ces paroles étaient sans fondement et que l’armée française se portait pour le mieux.

Malheureusement, ce dimanche matin, de nombreux journaux s’étaient ralliés à la cause de l’inconnu et la réalité fut révélé au grand dam de tous. On apprit donc que dès le début du mois d’avril, en à peine quelques jours la France perdait déjà. Certains n’hésitaient pas à caractériser cela comme une nouvelle « blitzkrieg ». Dans les terrasses de café de la capitale française, on ne parlait plus que de cette situation. Un climat sombre débuta son règne malgré le grand soleil radieux qui illuminait la ville. On entendait de nombreuses choses désormais dans la capitale, certains disaient « je vais fuir avec ma famille, il n'y a plus de sécurité ici » ; d'autres, plus par fierté que par logique « on ne peut pas perdre, c'est juste un contretemps ».

A une vingtaine de kilomètres de Paris, à la terrasse d’un restaurant de Villiers-le-Bel plus précisément, Qaïs avait donné rendez-vous à trois de ses amis. Depuis quelques années maintenant, ils se retrouvaient une fois par mois pour ne pas couper les liens, et ce, quel que soit leur emploi du temps ; ils devaient s’arranger .

Comme à leur habitude, les quatre jeunes hommes échangeaient sur des sujets qui les intéressaient. Ces derniers semblaient très loin du problème. Les femmes, le sport, les femmes. Ils ne parlaient que de cela à longueur de journée.

Ne regardant pas souvent les informations et habitants seuls, ils étaient bien loin de se douter de la réalité qui les environnait.

  • Eh, Harouna, t’as vu Brenda ? demanda Ali, ses lèvres brunâtres s’articulant en un sourire malicieux.

Le jeune homme très noir de peau, releva la tête en interrompant la morsure qu’il allait infliger à son kebab et fronça les sourcils. Ses yeux se dirigèrent vers un coin semblant demander conseil à son cerveau.

  • Brenda ? Laquelle ?
  • Brenda la tisse-mé [2] un peu jaune, avec ses grosses fesses.

Il s'ensuivit un moment de rigolade puis Harouna répondit timidement « c'est ma future, mon gars ».

Qaïs failli s'étouffer de rire avec son kebab.

  • Harouna veut se marier, il est fou ce boug [3].

Tout le monde éclata de rire.

  • Les gars venez on va à Paname[4], je veux faire un tour dans les magasins, proposa sans transition Ali.
  • Ah ouais ! En plus y a les nouvelles shoes [5] de basket, réagit Vitox, un jeune homme métis au visage parsemé de taches de rousseur.

Les deux jeunes hommes avaient commencé le basket-ball très jeune, quasiment au même moment que Qaïs commença le judo, c'est-à-dire aux environs de neuf ans.

Vitox avait été surclassé et jouait quelquefois avec les seniors dès l'âge de seize ans. Ali, quant à lui, avait eu un problème au genou et avait donc dû prendre une retraite anticipée, si l'on pouvait s'exprimer ainsi. Et même, à l'âge de vingt-deux ans pour Vitox et vingt-trois ans pour Ali, ils restaient de fervent fan de NBA et de basket-ball en général. Mais contrairement aux idées reçues, les deux n’avaient pas plus grandi que leurs amis. Ils avaient conservé une taille que l’on pouvait qualifier de normale.

Ils décidèrent ainsi d'aller tous les quatre à ''l'aventure''. Et ce terme n’était pas du tout une exagération lorsque l’on s’exprimait au sujet du réseau ferroviaire francilien. La puanteur, la saleté étaient deux caractéristiques toujours présentes en 2028 ; rien n’avait changé depuis l'arrivée de Qaïs en France à l'âge de cinq ans avec ses parents et son petit frère Youssef.

Ils s'étaient trouvé un appartement dans une tour de la ville d’Épinay-sur-Seine dans le département de la Seine-Saint-Denis. Du huitième étage, il avait, se rappelait-il une vue imprenable sur toute la cité ; de l’Eglise en passant par la bibliothèque où il aimait passer le plus clair de son temps.

Tout cela était maintenant très loin de lui ; c'était en 2002. Deux années après, sa famille et lui avait emménagé dans une nouvelle ville. Là, il fit d'abord la connaissance de Vitox à l'école primaire du quartier. Vitox était un surnom, son vrai nom était Victorien.

Par la suite, il rencontra Harouna, d'origine malienne et Ali, un jeune homme d'origine algérienne tout comme Qaïs, au collège du quartier. Et désormais, c'étaient de jeunes hommes qui avaient dépassé la vingtaine discutant dans ce train de banlieue.

Arrivés à Châtelet-les-Halles, ils prirent un métro qui en quelques minutes, les amena à Paris, City of Lights comme l'appelle nos chers amis anglais. Écouteurs aux oreilles, ils sortirent de la bouche de métro et c'est là que Qaïs ressentit une chose différente. Ce n’était pas une odeur mais plutôt une sensation.

  • Vous sentez pas que l'atmosphère semble tendue ?
  • Ouais… un peu c'est vrai, on dirait on va subir une attaque ou un truc du genre, confirma Ali en fronçant les sourcils.

Et, là comme pour approuver ses paroles, un haut-parleur criait « Jeunes hommes, l’heure est grave, défendez votre mère-patrie ». Autour, les gens marchaient et lorsqu’ils passaient à côté de l’homme en uniforme, ils accéléraient le pas. Un panneau situé juste à côté de la personne en uniforme qui brandissait le haut-parleur accompagné les paroles :

« LA GUERRE '' FRATRICIDE '' ENTRE LES DEUX ANCIENS ALLIES ».

[1] Navire de guerre qui sert à défendre les convois maritimes

[2] Métisse en verlan

[3] Mec

[4] Paris

[5] Chaussures en anglais

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