Charm

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La vie de troupier ambulant n’était pas de tout repos. Charm fut confié les tâches subalternes : dresser les tentes, nettoyer les cages, transporter les costumes, etc… Les artistes n’étaient pas tendres avec lui mais reconnaissaient que le jeune kaméen y mettait du cœur. Ils le traitaient donc comme membre à part entière de la troupe. Celle-ci était menée par Carl, qui apparemment avait été marié mais sa femme mourut en couche avec son bébé quelques temps après. Carl était têtu et irascible sauf avec sa tante, Mathilde, qu’il respectait et dont il écoutait toujours les conseils. Tipik et Piwik étaient facétieux, toujours prêts à monter un coup ou faire des farces. Lorena, une cénéphir à la peau sombre, la lanceuse de couteaux, était taciturne et ne se mêlait pas beaucoup avec les autres. Pour être honnête, Charm en avait un peu peur. Duma était l’homme fort, un grand costaud à la moustache épaisse qui cultivait son corps. Il était marié à Mimi, un tout petit bout de femme qui avait bien compris que dans la vie, il fallait compenser son manque de taille par de l’autorité. C’était très drôle de la voir mener le colosse à la baguette ! Mimi était responsable des costumes et tous craignaient de se faire une tâche ou un accro, de peur d’avoir affaire à elle. Charm les aimait beaucoup tous les deux. Puis il y avait les autres : Jojo, le dresseur de chiens, Maxim l’ouvreur, Amina la danseuse, Tom et Pout, les clowns, Misa la chanteuse, etc… Tous étaient artistes et tous essayaient de faire leur place dans le monde.

Au bout de quelques semaines, Charm était heureux et avait retrouvé sa bonhomie naturelle. Le travail était dur et fatiguant mais le kaméen était reconnaissant envers ces étrangers qui l’avaient accueilli. Cependant, il commença rapidement à tourner en rond. En permanence sur les routes, il n’y avait guère de distractions en dehors du travail. Alors Charm fit la seule chose qu’il savait faire : il brassa sa propre bière. Honteux au début, par rapport à son père, il changea rapidement d’avis lorsqu’il commença à l’offrir aux autres. Il vit la joie et le bonheur qu’elle apportait ; il avait transformé de la potion aux pochtrons en élixir du bonheur. Et il en avait honte !… Il pensait souvent au regard sévère de son père, au sourire réconfortant de sa mère, au rire flamboyant de ses frères et sœurs. Parfois, il s’endormait en pleurant dans son lit. Le lendemain matin, il avait la gorge nouée et le visage bouffi. Rétrospectivement, probablement que tout le monde s’en était aperçu mais les autres respectaient son intimité et ne posaient pas de question. C’était dans ces rares occasions qu’il aperçut Lorena le fixer un peu trop intensément, son visage montrant pour une fraction de secondes de l’empathie. Mais cela ne durait jamais assez longtemps pour en être sûr.

Le temps passa, cinq ans exactement, et la douleur s’était amenuisée. Charm mettait du cœur à l’ouvrage et en tirait satisfaction. Parfois, il ressentait un peu de jalousie envers ces artistes qui montaient en scène et faisaient rêver ou rire le public. Il aurait voulu faire pareil mais savait pertinemment qu’il n’avait pas de talent. Donc il s’affairait à les supporter au mieux, à défaut de le faire lui-même.

Un soir de spectacle dans une toute petite ville du Nord du Vanistar, alors que Charm aidait à installer la grande tente, Carl le fit appeler dans sa roulotte. Le chef de troupe avait l’air soucieux.

« Charm, Maxim est très malade et ne pourra pas s’occuper de l’entrée ce soir. Il faut que tu le remplaces. Va voir Mimi et demande-lui à ce qu’elle te donne un costume à ta taille. N’importe quoi fera l’affaire tant que tu parais un peu plus présentable. Tu iras accueillir les gens et les feras rentrer. »

Charm comprit que si Maxim ne pouvait pas travailler, c’était qu’il était très malade. L’homme travaillait sous la pluie, dans le froid, la neige et le soleil de plomb sans rechigner. Il possédait une résilience extrême. Le fait qu’il soit alité témoignait probablement d’un grave problème. Ne voulant pas laisser tomber sa deuxième famille, Charm y mit tout son cœur, accueillant les gens, complimentant les femmes, plaisantant avec les hommes et jouant avec les enfants. Ce soir-là, la troupe fit le double de sa recette habituelle…

Tout se passa ensuite très vite pour Charm. Son nouveau talent découvert, insoupçonné de tous, il continua à s’occuper des entrées. Puis il tint la billetterie, vendit des bonbons, fit quelques tours pour finalement se retrouver comme présentateur de spectacle. Dans son costume blanc taillé spécialement pour lui, il annonçait les artistes et faisait de chaque nuit une aventure extraordinaire à laquelle il emmenait le public. Grâce à sa contribution, la compagnie prospéra et vécut plus confortablement. C’était vraiment un âge d’or…

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