Le Conseil (4/4)

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Je me relevai rapidement malgré la violence du coup.

Cette vision. Une hallucination ? Le fruit de mon imagination ? J'étais pourtant sûr d'avoir vu Zaïnor mais il n'était déjà plus là. Seul mon adversaire se tenait maintenant à sa place. Ce dernier fonça sur moi, sans doute de la même manière que précédemment. J'avais été stupide. Penser à Zaïnor ne m'apporterait rien. Je devais me concentrer sur le combat.

J'avais cruellement et trop soudainement expérimenté mon manque de magie à l'instant. Si mes protections avaient été là, jamais il n'aurait put me surprendre ainsi. J'étais trop habitué à elle et je devais à présent faire sans. J'étais encore plus vulnérable que si je n'en avais jamais eut. Il me restait néanmoins mes réflexes...

Je tentais d'esquiver le direct que le dénommé Eken m'envoya. De justesse. Je ne vis cependant que trop tard son coup de pied retourné. Je ne pouvais plus l'éviter. Il m'atteignit en plein poitrine et me fit reculer.

Une main sur le torse, je récupérais rapidement ma respiration. Au moins mes facultés innées semblaient ne pas m'avoir abandonné.

À peine repris-je mon souffle qu'un mouvement dans l'air attira mon attention. Je fis un bon sur le côté.

Une flèche. L'adversaire n'avait pourtant pas d'arc.

Un bruissement de feuilles et je compris. Les sentinelles dans les arbres. Si je m'éloignais trop du cercle de runes, ils avaient ordre de m'abattre. Cette flèche était un avertissement.

Je me ramassai sur moi même et bondis de nouveau en arrière, je me réceptionnai sur les mains pour exécuter un second saut. Plusieurs mètres plus loin, je glissai et me redressai.

Je vis Eken se remettre dans le cercle. Nos places étaient inversées par rapport au début du duel.

Alors qu'il se mit à courir vers moi, ce qui au demeurant n'était pas la manière la plus subtile de m'attaquer, je remerciai mentalement Lucilia. Ma doctoresse m'avait mis en tête de mauvais souvenirs. Cependant grâce à elle, je n'aurais pas put penser à une façon de parer la rapidité de mon ennemi.

J'enlevai les bras des manches de mon manteau et en attrapai un pan. Je rabattis entièrement la capuche sur ma tête.

Je l'ai appelé Hureng Nomë. Comme vous avec vos sorts.

Hureng Nomë, murmurai-je.

Le tissu de mon manteau se mouva alors pour se transformer en une immense cape me recouvrant totalement. Aux yeux de tous, je n'étais désormais plus qu'une forme obscure flottant au gré du vent. Juste un voile. Le voile du fantôme.

C'était de la magie, et je savais que je jouais serré sur un coup pareil. Mais je n'avais pas le choix. Aucune trace ne ressortait de ce sort et pour cause, ce n'était pas ma magie. C'était celle d'un enchantement vieux de plusieurs siècles, tissé des mains du fils de la déesse Célloma en personne.

Les souvenirs remontaient. Agréables. Douloureux.

Essayez de me toucher

Le poing d'Eken me manqua de peu. Son pied frôla l'étoffe noire. Je me décalai légèrement pour lui exposer mon flanc. Il toucha à nouveau le manteau.

Vous n'y arriverez pas.

Il était rapide mais ses gestes ne se basaient que sur sa vue. Or, elle était faussée depuis mon sortilège. Comment savoir où se trouvait mon corps dans cet amas de tissu noirâtre flottant au gré du vent ?

Il repartit avec un enchaînement plus long, plus complexe. Il essayait de deviner où j'étais, d'anticiper mes mouvements. Mais ses attaques devenaient de moins en moins précises malgré leur vitesse. Était-ce lui qui fatiguait ou moi qui retrouvais de vieux réflexes ?

Je savais ce qu'il ressentait. Il ne pouvait pas m'atteindre et ce malgré ses capacités que je devinais hors normes. Il était irrité, voire énervé. Cela l'impatientait. Il ne pouvait pas me toucher.

Je ne parviens pas à vous toucher.

Une main sur ma joue, douce...

Moi si.

– Moi si.

Sa mâchoire craqua sous la force de mon poing. J'étais calmé. J'eus le temps de voir la surprise dans ses yeux avant qu'il ne morde la poussière trois mètres plus loin. Il cracha du sang et se massa la mâchoire.

– Kalatorn, m'apostropha le vieil homme.

Mon manteau repris sa forme originelle tandis que je continuais de fixer mon adversaire à terre.

– Je vous écoute, dis-je d'un ton neutre.

– Il s'agit d'un duel, pas d'un spectacle. Alors battez-vous. Je dardai sur lui un regard de haine.

– Un duel ! Des archers dans les arbres, des runes de détection et un adversaire bien plus fort que moi, vous appelez ça un duel ? Moi j'appelle cela une mise en scène de la mort.

Je jouais serré à nouveau, mais j'allais en faveur de ma doctoresse. Elle condamnait ces pratiques et n'interviendrait pas en ma défaveur sur ces propos. Peut-être trouverai-je en elle un allié.

– J'aimerais combattre selon des règles honnêtes et non pas avec des stratagèmes. Mais comment vous prouvez ma force si votre seul but est d'attendre un prétexte pour m’exécuter ? J'ignore qui vous êtes. Mais j'aimerais la promesse d'un duel équitable.

Le chétif se pencha en avant et je vis ses lèvres bougeaient. Lucilia sembla entrer dans la conversation presque aussitôt. Elle parlait vite. Le vieil homme les écoutait penchant la tête d'un côté et de l'autre. Leur échange dura de longues minutes. Mon adversaire s'était relevé et se tenait à côté de moi. Je l'avais à peine senti.

– Jolie technique, me dit-il d'une voix enjouée. Et sacré crochet.

– Merci, répondis-je sans lui prêter la moindre attention.

– Pas bavard. Je comprends vu votre situation.

Je lui jetai un bref coup d' œil. Cet homme ne semblait nourrir aucune animosité envers moi malgré notre affrontement. J'aurais même parié qu'il ne participait au duel que par engagement. Peut-être n'y avait-il pas que Lucilia qui détestait cette coutume.

Elle s'était levé. Elle articula exagérément quelques mots. J'aurais payé cher pour savoir lire sur les lèvres à ce moment.

Le vieil homme acquiesça.

Ma doctoresse vint vers moi.

– Je suis désolé, me souffla-t-elle.

Je crus ressentir la douleur avant de la voir bouger. Elle m'avait administrer un violent coup au ventre qui résonna dans tout mon corps. Je n'en n'avais pas pris des comme ça depuis des décennies.

M'écroulant au sol, je vis qu'elle me couvait de son regard triste avant de sombrer.

Mais où est-ce que j'avais merdé ?

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