"Que feriez-vous aujourd’hui si vous saviez que vous n’échoueriez pas ?"

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- Mamélise, j'ai fais tes recherches ...

- Je t'écoute ma chérie.

- Je l'ai cherché, partout, mais je suis désolée ...

Au son de sa voix, à la tristesse dans son regard, à l'humidité de ses yeux, j’avais compris de suite.

- Il est mort c'est ça ?

- Oui, il y a plusieurs années ...

- Comment ?

- ...

- S'il te plait, j'ai besoin de savoir.

Ma tendre petite-fille me pris alors la main, comme si elle savait que ce qu’elle allait me dire, aller me briser le coeur.

- Il avait trente ans et il était en Inde, lors d'un attentat …

Je ne pus retenir mon sanglot et le flot de larmes. Je me souvenais de cette époque comme si c'était hier, même si plus de soixante années s’étaient écoulées.

Il avait essayé de me contacter, Charles. Le grand amour de ma vie et mon plus grand regret. Mais je n’avais pas répondu. Je n’avais pas eu de ses nouvelles depuis que j’avais décliné sa proposition de partir en road trip avec lui. De tout quitter, mon travail, ma famille, mes amis pour le suivre au bout du monde. Mais, j’avais eu peur, et j’avais refusé. Et après cela, il était parti. Seul. Pendant des années. Sans donner de nouvelles.

Et puis, l’année de nos trente ans, il m’avait appelé … mais je n’avais pas répondu. Je n’avais pas voulu rouvrir cette porte, aux souvenirs bien trop douloureux. Bien sûr que je m’en étais voulue. Evidemment que j’avais regretté mes choix. Définitivement, j’avais imaginé, chaque nuit, qu'elle aurait été ma vie avec lui. J'avais fini par me mettre en tête qu’il était en train de parcourir le monde, heureux et libre, comme il l’avait toujours rêvé. Je n’avais jamais cessé de penser à lui, jamais cessé de l’aimer et j’aurais tant voulu lui avouer tout cela avant de mourir.

- Je suis désolée ...

- Merci ma chérie d'avoir fait les recherches. J'avais besoin de savoir.

Quand ma petite fille fut partie, étonnamment, je me sentie soulagée, libérée de quelque chose. Même si je n'avais rien pu lui dire, c'était comme si ce fantôme qui m’avait accompagné toutes ses années, m’avait finalement laissé en paix. Comme si, désormais, j’étais prête à partir à mon tour. Je fermai mes yeux, finalement prête à être moi aussi en paix. Je sentais un froid m’envahir. La mort était là. J’allais enfin le rejoindre. J’allais dormir, pour longtemps, pour toujours. Et être enfin libre et heureuse.

- Bonjour Elise

Cette voix mélodieuse et à la fois rauque me fit ouvrir les yeux. La luminosité m’éblouissait. J’étais là, sur un nuage, flottant, sans savoir où j’étais exactement. J’entendais cette voix lointaine, sans savoir d’où elle venait, et qui me parlait. Je ne voyais personne, je ne percevais rien de précis, tout était flou.

- Je suis morte ?

- Pas encore

- Où suis-je ?

- En transition

- C'est-à-dire ?

- C'est-à-dire que tu es à un carrefour. Tu peux rejoindre le ciel et ses morts qui t’attendent depuis longtemps. Ou alors tu peux prendre un tout autre chemin, et voir si les choses auraient été différentes.

- Que voulez vous dire ?

- Je pense que tu as compris

- … Qui êtes-vous ?

- Je pense que tu le sais

- …

- Elise, que ferais-tu aujourd’hui si tu savais que tu n’échouerais pas ?

- …

- Si tu étais certaine que le choix que tu fais était le bon ? Si tu pouvais revenir sur ton passé, est ce que tu changerais certaines de tes décisions ? Est-ce que tu reviendrais en arrière, pour prendre d’autres chemins ? Ou est ce que tu laisserais les choses telles quelles ? J’ai entendu tes questions. J’ai entendu tes regrets. Es-tu prête à te donner une deuxième chance ?

- Je rêve n’est ce pas ? Ce que vous me dites est complètement irréel ...

- Elise, es-tu prête à vivre quelque chose d'extraordinaire ?

Je pris quelques secondes pour réfléchir à cette voix qui me racontait ce qui me semblait être impossible. Mais il semblait si sûr de lui … et j’avais vraiment la sensation de ne pas rêver. Je finis par lui répondre :

- Je suis prête à tout. J’ai eu quatre vingt quatorze ans pour me préparer à la vie.

- Alors, fais tes choix, prends les chemins que tu veux et vis. Sans regrets. Et n’oublie pas, quoi que tu fasses, tu n’échoueras pas. La vie vaut la peine d’être vécue comme elle vient.

La voix disparue et je me sentis tomber de sommeil. Le noir m’envahissait sans que je ne puisse lutter et finalement, je me laissai porter vers cette destination inconnue mais si attirante.

Quand je repris conscience de mon corps, je me sentais bien. J'ouvris les yeux et la luminosité de la pièce me surpris. J'observai l'endroit où j'étais et je reconnus une chambre que j’avais bien connue, dans le passé. Dans un réflexe qui venait d’une habitude bien ancrée, je tendis le bras pour essayer d'attraper mon téléphone portable. En l'allumant, je découvris qu'on était le 21 Juin 2017. Cette voix, cet homme - Dieu ? - m’avait renvoyé dans le passé. Et pas n’importe quand. Ce jour dont j’avais rêvé tant de fois. C'était aujourd'hui que Charles devait m'appeler pour me proposer de tout quitter et de partir avec lui. Et si … je disais oui ?

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