Chapitre 11

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Le lendemain matin, Eyden tambourine à ma porte à sept heures. 

— Debout là-dedans ! Ce n'est pas comme ça que tu vas apprendre à nager. 

Je saisis mes lunettes au vol et vais ouvrir la porte en bougonnant. 

—  Et tu ne pouvais pas me prévenir avant ? C'est vraiment quand ça t'arrange !

Il m'adresse un sourire carnassier. 

—  Tu as tout compris bébé, allez, enfile ton plus beau bikini et on y va. Tu mangeras sur le chemin. 

Je retourne m'enfermer dans ma chambre, non sans lui avoir lancé un dernier regard meurtrier au préalable. Je songe d'abord à le laisser poireauter tout seul et à retourner dormir mais tant qu'à être réveillée, je me dis que je n'ai qu'à optimiser ce temps. J'enfile mon maillot de bain une pièce, hors de question que j'obéisse à ses caprices, et mets des vêtements par-dessus avant de le rejoindre.

Nous allons au même endroit que la dernière fois. J'ai beau arguer que l'eau est glacée, il insiste pour que nous commencions maintenant. Monsieur a apparemment un emploi du temps très chargé aujourd'hui. Comme s'il ne pouvait pas remplacer son quart d'heure nicotine par une leçon de nage. Mais avant que j'aie le temps de faire un commentaire, il me balance à l'eau sans remords avant de commencer sa leçon. Je l'insulte mentalement de mille noms d'oiseaux, il ne perd rien pour attendre celui-là ! Nous reprenons donc les mouvements qu'il m'a appris la dernière fois. Seulement, mes muscles ont du mal à m'obéir, pas encore remis de mon abus d'alcool de la veille, et je me retrouve donc à boire la tasse. 

Eyden n'a aucune pitié et ce n'est pas son "tu bois, tu assumes" qui m'aide. Je parviens néanmoins à me concentrer suffisamment longtemps pour avancer sur quelques mètres sans son aide. Or, tout à coup, une de ses mains me lâche et je sens mon équilibre vaciller.

—  Eyden ? Qu'est-ce que tu fais ? Remets ta main.

—  Serait-ce de l'aide que tu es en train de me demander honey ?

J'écarquille les yeux en comprenant qu'il est en train de se venger d'hier. L'ordure ! Il fait exprès de profiter de ma position de faiblesse, c'était donc ça son plan depuis le début !

—  Arrête ça Eyden, je suis sérieuse. 

—  Oh, mais qu'est-ce qui te fait croire que je ne le suis pas, moi aussi ?

Son air joueur m'avertit tout de suite que mon ordre est loin de l'affecter. Au contraire, il a l'air de s'amuser comme un petit fou. 

— Qu'est-ce que tu veux à la fin ? je lui demande précautionneusement. 

—  Mmmmh, laisse-moi réfléchir. D'abord, promets-moi de ne plus jamais monter avec des inconnus comme tu l'as fait hier. Je ne rigole pas Hana, bourrée ou pas, qui sait ce qu'il aurait pu faire de toi ? 

—  Promis.

Je me dépêche de répondre comme j'ai l'impression que chaque vague va me détacher de sa faible prise pour m'emporter au loin. Quelle idée d'apprendre à nager dans la mer aussi !

—  Ensuite, je vais te donner mon numéro de téléphone. Je veux que tu m'appelles dès que tu as un souci ou que tu as besoin que je vienne te chercher quelque part plutôt que de filer avec des gars sortis de je ne sais où. 

Décidément, il s'est vraiment beaucoup plus inquiété que je ne le pensais. Pendant un instant, j'en viens même à regretter mon geste. Juste un instant. 

—  Je pensais que tu en avais marre que je te force à te déplacer pour venir m'aider, je réplique avec hargne. 

—  Je crois que je préfère encore ça aux solutions farfelues que tu trouves pour t'en sortir. On a visiblement oublié de t'inculper tout instinct de survie. 

— Mais..., je commence à protester. 

—  Promets Hana, me coupe-t-il d'une voix profonde, caverneuse. 

Je déglutis. Encore cette voix qui me donne envie de m'en remettre à lui. 

—  Bien, je te le promets. Monsieur est satisfait ? 

—  Très, approuve-t-il avec une mine de contentement. 

Je le regarde d'un air désabusé et secoue la tête. Vraiment, j'ai du mal à le suivre. Nous regagnons ensuite la plage. Je commence à faire un geste pour partir quand il me retient par le bras. 

—  Minute, et mon souvenir ?

—  Parce que tu penses que tu vas en avoir un après ça ? je m'offusque.

Je reste bouche bée face à tant d'aplomb. Bien décidée à ne pas répondre, je tourne les talons et cherche mes clés dans la poche de mon short. 

— Ça n'avait rien avoir. Je t'ai encore fait progresser aujourd'hui alors tu dois respecter ta part.

Mes doigts frôlent du papier et un sourire se dessine sur mon visage. Je fais volteface et dégaine la photo devant son visage. 

—  Pourquoi devrait-on tout le temps parler de moi ? Et si on parlait de toi pour une fois. 

— Où as-tu trouvé ça ? grince-t-il entre ses dents en détachant chaque mot. 

Je me décompose face à son expression. Une confrontation sur cette plage isolée n'était peut-être pas une si bonne idée tout compte fait. 

—  Heu... Elle trainait dans un des bouquins. 

Il se pince l'arête du nez et fourre la photo dans sa poche de jean. 

—  Arrête de te mêler de ce qui ne te regarde pas, lâche-t-il finalement.

Il se remet en route vers la maison. C'est tout ? Pas de haussement de voix ni même un petit juron ? Mince, ça doit être bien plus sérieux que je ne le pensais. Je trottine pour le rattraper. 

—  Et donc quoi ? Toi tu as le droit de me demander de raconter ma vie mais pas moi ? 

—  Tout juste. Je te l'ai dit le premier jour non ? Ma ville, ma maison, mes règles. Tais-toi maintenant. 

Je ravale ma colère et respecte son silence jusqu'à ce que nous soyons rentrés. Il retourne s'enfermer dans sa chambre, délaissant apparemment ses plans pour la journée. J'avais moi-même prévu d'aller faire un tour de vélo mais décide de reporter ma sortie à un autre moment. 

Ce n'est que deux heures plus tard qu'un petit papier est glissé sous ma porte. J'y lis un numéro de téléphone avec sept mots inscrits en-dessous : "N'oublie pas que tu as promis". Je pousse un profond soupir en m'adossant contre la porte. Je n'arrive même pas à trouver de satisfaction lorsque je me rends compte que je n'ai pas eu à lui raconter de souvenir. Décidément, cet Eyden provoque en moi des réactions bien contradictoires. Et ce n'est que le début...

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