Je ramasse ma trousse dans mon sac à main et sors de la salle de cours en saluant le professeur. J’attends à mon casier que mes amis sortent de leurs classes en rangeant les affaires qui ne me sont plus utiles pour la fin de journée. Lorsqu’ils me rejoignent tous, nous sortons sur l’esplanade, devant le lycée, là où tous les fumeurs se regroupent à chaque pause. Martin sort une cigarette et tente de l’allumer avec son briquet, en vain. Je sors le mien de ma poche et le lui tends. Lorsqu’il me le rend, je vois Salomé, une de mes plus proches amies, s’avancer vers moi, une cigarette coincée au coin des lèvres.

• Hé, Raph, t’aurais pas du feu s’il te plaît.
• Si, bien sûr, je lui tends. Tiens.
• Merci. Au fait, elle allume sa cigarette et me rend mon briquet, pourquoi t’as du feu alors que tu ne fumes pas ? J’ai jamais compris.
• Pour les personnes comme toi, je lui réponds avec un clin d’œil.

Elle sourit et repart tout en tirant quelques lattes de sa cigarette. Je rigole et secoue la tête. Les conversations autour de moi reprennent, sans avoir jamais cessé en réalité, et je pianote un message sur mon téléphone. Derrière moi, j’entends quelqu’un parler. Tous trop intéressés par leurs conversations respectives, je me tourne pour faire face à Ethan, un garçon à qui je n’ai jamais parlé. Il demande si l’un de nous a du feu, me montre sa cigarette et me décroche un sourire de ses dents parfaitement blanches. Je sors de ma poche le briquet que j’avais tout juste rangé et le lui donne, lui rendant son sourire. Il allume sa cigarette, me remercie et se tourne vers ses potes qui semblent tous nous observer. Puis un signe de la main plus tard, il repart. À ce moment, la sonnerie stridente annonce la reprise des cours. Je me dirige, avec Perrine et Martin, vers le CDI où nous attend l’option que nous avons choisie.
Après mon cours de section européenne et d’anglais, la journée de mardi s’achève. Martin monte dans son bus qui l’attend déjà tandis que je pars à l’opposé pour attendre le mien qui devrait arriver dans une dizaine de minutes. Je sors mon téléphone et mes écouteurs puis cherche quelle musique écouter. À moins d’un mètre, j’entends Ethan demander à ses amis un briquet. Quelques minutes plus tard, j’entends sa voix face à moi, un petit peu gêné de me déranger ou de me redemander encore mon briquet, m’appeler. Je lui tend sans qu’il n’ait à me le demander, il me gratifie d’un sourire éclatant et engage alors une conversation :

• Je ne te vois jamais fumer.
• C’est normal, je ne fume pas.
• Alors pourquoi tu as du feu ?
• Pour les gens comme toi ou mes potes un peu têtes en l’air, je lui réponds en souriant.
• Je vois. Alors tu incites les autres à fumer, me dit-il en riant.

Je rigole et secoue la tête. Un court silence s’installe jusqu’à ce que notre bus arrive. Je rentre dedans, salue la chauffeuse et part m’installer dans le milieu, sur une banquette double, seule. Quant à lui, il s'installe dans le fond avec ses amis. Quelques minutes plus tard, je sens la présence de quelqu’un à mes côtés tandis que je regarde le paysage défiler sous mes yeux. Je tourne la tête et vois Ethan me fixer, de ses grands yeux marrons profonds. Je souris et lui demande ce qu’il fait ici, à mes côtés. Il hausse les épaules puis me parle de banalités. Je lui réponds comme si nous étions amis depuis des années. Nous arrivons à son arrêt et il doit me quitter. Nous nous échangeons un dernier sourire puis me salue avant de s’imposer dans le flux d’élèves.
Après avoir réviser pour les contrôles qui m’attendent cette fin de semaine et avoir pris ma douche, je saisis mon téléphone, le rallume et répond aux quelques messages que j’ai reçu plus tôt dans la soirée. Quand j’arrive sur Instagram, je vois une demande d’ami. Je clique dessus et atteris sur le compte d’Ethan. Je l’accepte et le suis en retour.
Le lendemain, ma professeur qui anime mes deux premières heures de cours est absente. Dans le forum, mes amis et moi sommes en pleine discussion. Léonie et Perrine discutent du contrôle de SVT de la veille, à côté, Martin et Rémy partagent leurs pronostics concernant le match de Nantes à venir, de notre côté Théa et moi parlons de l’approche de la sortie du film événement : After. Plus loin, je vois la grande silhouette élancé d’Ethan passer les portes du lycée. Il marche, la tête haute jusqu’à son groupe de potes, eux aussi en pleine discussion. Je le regarde, le dévisage, décrypte chaque élément de son visage. Sans même le remarquer, le visage qui était à quelques mètres se retrouve maintenant qu’à quelques centimètres. Les discussions autour cessent quand lui en entame une avec moi. Je le fixe avec incompréhension, regarde tout autour de moi et saisis sa main pour l’emmener plus loin, sous les regards étonnés et remplis d’incompréhension.