La réunion dura plus de deux heures. Il y fut question de tout un tas de faits médico-légaux et d’informations plus où moins intéressantes quand à la vie que menaient les deux disparus avant leur meurtre, et des hypothèses qu’on pouvait en tirer. Les témoignages reçut indiquaient que Léo Descourt et Jean-Philippe Daine, la première victime, se connaissaient. Toutefois, d’après une simple observation de la population alentour, on pouvait rapidement conclure que tout le monde se connaissait ici, aussi fut-il impossible de dégager une piste de ce simple fait. Il était nécessaire de trouver un véritable lien unissant cet employé de traitement des déchets, au fils du maire, lui même conseiller municipal. Mettre en évidence cette connexion entre les deux individus serait ainsi la tâche principale des policiers pour les prochains jours. Tous se refusait à penser qu’il n’y en avait peut-être aucune. Si le tueur choisissait ses victimes au hasard, alors cela leur donnerait du fil à retordre.

Il était treize heure passée lorsque la réunion prit fin. Morgan se dirigea vers le réfectoire de l’hôtel en compagnie du docteur Pariss que la faim semblait rendre bavard.

« J’attends d’avoir les résultats du labo pour confirmer, dit-il, mais je pense que Léo Descourt était inconscient lorsqu’on lui a tranché les veines. Probablement un somnifère… Les analyses n’ont pas été faites chez la première victime. Il n’y avait pas de traces de luttes et les blessures laissaient penser à un suicide alors on n’a pas cherché plus loin, mais maintenant… »

Morgan trouvait lui aussi étrange l’absence de résistance de la part des deux victimes. Le sang retrouvé sur les lieux indiquait qu’elles avaient belle et bien été tuées sur place, à l’intérieur de leur cercle de champignons, mais il paraissait évident qu’on les y avait d’abord conduit. Si les deux hommes avaient été conscient, ils auraient cherché à s’enfuir.

Du réfectoire s’élevait des éclats de voix joyeux. Lorsqu’ils poussèrent la porte, Morgan put apercevoir, attablés dans un coin de la pièce, le groupe de scientifique qui travaillaient dans la forêt. Il reconnut l’homme en blanc parmi eux. Celui-ci avait troqué sa combinaison stérile pour un jean et un pull en laine aussi ce nom ne correspondait-il peut-être plus vraiment.

« Comment vous appelez-vous ? » demanda Morgan en prenant place à la table d’à côté.

L’homme qui n’était plus en blanc se retourna, un instant déconcerté, avant de reconnaitre l’inspecteur Corey.

« Je m’appelle Mathieu Moreau. Mais je n’ai pas encore reçut de réponse quand à la possibilité de vous faire entrer dans la zone de quarantaine, ajouta t-il avec un sourire contrit.

— Non, je voulez juste savoir votre nom », fit Morgan.

Il réfléchit un instant.

« Finalement j’ai une autre question, dit-il. Vous connaissez des choses sur les champignons, n’est-ce pas ?

— C’est mon métier.

— Alors pourriez vous m’expliquer ce que sont les ronds de sorcière ? Nous en avons aperçut dans la forêt. Grâce à la garde forestière, j’en connais maintenant l’explication mythologique, mais j’apprécierais d’en connaître également la cause scientifique. 

— Ils vous obsèdent ces champignons, on dirait, intervint le légiste.

— C’est… Ils… »

Morgan Corey s’interrompit pour prendre le temps de formuler sa phrase, ne s’étant pas attendu à une intervention du docteur Pariss.

« Je pense qu’ils sont important pour le meurtrier, dit-il, et qu’ils sont donc important pour moi. Je dois comprendre ce qu’ils représentent pour lui, afin de le comprendre et de pouvoir l’arrêter. »

Mathieu Moreau jeta un coup d’œil à chacun d’eux, soudain conscient que l’exposé qu’il s’apprêtait à leur faire avait une toute autre signification pour ses deux interlocuteurs.

« Donc, heu… les ronds de sorcières, commença t-il. Je ne suis pas sûr que mon explication va beaucoup vous aider par contre… »

Morgan le regardait fixement, attendant qu’il continue. Le scientifique inspira profondément et se lança.

« Bon, je peux déjà commencer en vous disant que tout les champignons ne produisent pas de cercle. Ceux que vous avez vu sont sans doute des clitocybes géotropes, ou tête-de-moine comme on les appelles aussi. Il en pousse pas mal en cette saison. Ils sont comestibles, mais ce ne sont pas les meilleurs champignons que vous pourrait déguster dans votre vie… » L’un de ses collègue confirma cette information culinaire d’un grave hochement de tête. « Pour en revenir au cercle, continua le scientifique, on pense qu’ils sont dus à l’implantation d’un spore dans le sol. En germant, il répand son mycélium tout autour de lui. Au fur et à mesure de l’évolution du champignon, le cercle s’agrandit pour trouver les nutriments nécessaires à sa croissance. Le mycélium est la partie invisible du champignon, ses filaments s’étendent sous nos pieds à travers toute la forêt. Il se relie aux plantes environnantes pour échanger des nutriments avec elles. C’est… c’est comme un lien, un réseau qui relierait toute la forêt entre-elle, une symbiose invisible à nos yeux. »

Il semblait passionné par ce qu’il disait.

« Merci, pour ces informations », dit Pariss. Il jeta un coup d’œil dubitatif à son collègue. « C’est bon, Corey ? Vous avez appris tout ce que vous vouliez savoir ? »

Morgan hocha la tête.

« C’est bon, dit-il. Je vous remercie monsieur Moreau, je comprend beaucoup mieux les cercles de champignons maintenant. »

Il ferma un instant les yeux, observant les nouveaux chemins qui se formaient à présent dans son esprit. Il lui fallait désormais les suivre, remonter la piste laissée par le meurtrier et par la mort à travers la forêt.