Ca me démange. Ca me démange de vous parler des maringouins. Au Québec, le roi des animaux, c'est … le moustique. Il fait sa Loi, règne en maître et fait trembler son entourage. En Afrique, il y a la Loi de la jungle. Dans la forêt québécoise, il y a la LOI du Maringouin.

A vrai dire, il nous gonfle sérieusement le Maringouin du Québec !!!

Beaucoup plus intelligent que le vulgaire moustique européen (vulgus mousticus imbecilitus) qui gâche nos nuits en faisant vibrer nos tympans, le maringouin a posé des silencieux sur ses moteurs . On ne l'entend pas venir. Il est discret. Pique entre 8 et 9. Nique à la tombée de la nuit. Toute personne qui ne s'est pas entièrement recouverte de produit révulsif, citronnelle ou autre, est particulièrement exposée. Ni vu ni connu. Enfin, sur le moment.

La mafia maringouine s'est partagée la période touristique avec leurs cousines par alliance les mouches noires et les mouches à chevreuil. Ces dernières ne se contentent pas de piquer ! Elles piquent et piquent et collegramment. Comment ? Vous n'avez jamais vu "collegrammer" une mouche à chevreuil ? Vous êtes chanceux. La mouche pique, colle à votre peau … et emporte un gramme de celle-ci ! C'est une collectionneuse de souvenirs la mouche noire ! Elle aime le touriste, le cholestérol et la vitamine D.

Mais commençons par le début : le premier jour, la discrète consomme et disparaît, ne laissant qu'une légère rougeur à l'emplacement de son choix (cheville, cuisse, phalange, phalangine et phalangette…). Le deuxième jour, la rougeur a considérablement augmenté. Le troisième jour, la rougeur se promène sous votre peau au gré de votre système veineux. C'est ainsi que le quatrième jour la piqûre ressemble à une petite carte géographique de couleur violacée. Très drôle.

La semaine suivante, les démangeaisons sont infernales. Le Québec est la Patrie du grattage. Non, ce n'est pas la France, ainsi que la Française des Jeux se plaît à le répéter.

Vous vous grattez, vous vous grattez à n'en plus finir. Jusqu'à une heure avancée de la nuit. Jusqu'au bout de vos forces. Alors vous vous effondrez tout sanguinolent sur votre lit, dans un sommeil hébété.

Peu de temps après, les oiseaux vous tirent de votre sommeil "réparateur". Cela s'appelle "l'heure des oiseaux". Alors commence un irrésistible concert orchestré par je ne sais quel lutin de la Forêt.

C'est tôt. Très tôt. Mais quand c'est trop, c'est troll.

Tous ces voleurs de sommeil s'y mettent : le merle, l'alouette (non plumée), le passerin et le pluvier kildir (à ce qu'on dit).

L'orchestre est principalement composé d'oiseaux cymbales, d'oiseaux lyre et d'oiseaux trompettes (et trompeurs). La partie "Chorale" est assurée par les oiseaux hurleurs et les oiseaux moqueurs polyglottes.

De temps en temps, un oiseau téléphone provoque une brève interruption, juste le temps pour toute cette volaille de vérifier son portable. Bien sûr, je ne connais pas tous ces oiseaux. On ne me les a jamais présentés. J'ai trouvé leur nom dans un journal.

D'éminents spécialistes (avez-vous remarqué comme la plupart des spécialistes sont éminents) prétendent que tous ces bavardages ne sont que déclarations d'amour et revendications de territoires. Peu me chaut.

Quelques temps plus tard (une heure environ) un gnome particulièrement effrayant et deux farfadets interviennent pour rétablir le silence.

"L'heure des oiseaux" est terminée. Il fait jour. La deuxième partie de la nuit peut commencer.