Tu étais si laide

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Avant ma naissance.

Je suis née au siècle dernier. La date était prévue pour le mois d'octobre. Mes parents devaient se marier avant ma naissance, peut-être un mois avant la date. Mon père attendait ses papiers de divorce pour pouvoir épouser sa future épouse. Ils étaient très amoureux tous les deux. Ma venue avait causé dans la famille des parents maternels un grand séisme. Maman catholique épousant un protestant.
Ce qui ne fut pas accepté par l'ensemble de la famille collatérale.

Le futur marié un futur divorcé, dans un milieu Catholique, de grands regards ou non-dits de reproches.

La cerise sur le gâteau, ils avaient eu des relations hors mariage. Voila donc une "faute" totalement inadmissible pour cette bonne société ultra bourgeoise. L'accusée était montrée du doigt, se tourmenta lors des trois premiers mois, ne sachant pas comment l'annoncer à ses parents et certainement au frère de sa maman, major à l'armée Belge, ayant épousé une Berrichonne et vivait dans l'Indre et Loire. ils avaient leur appartement au premier étage d'une grande maison de maître, en plein centre de Bruxelles.

Maman apportait tout, les meubles, la vaisselle. sauf qu'à cette époque d'après guerre, pas de logement. Après cette mauvaise nouvelle, mes grands-parents acceptèrent tout, avec humanité. Le major ne dit rien. Il agirait pour mon bien plus tard. Le reste de la famille, l'une avec un titre rejeta totalement ce coup du sort, maman y compris, cousins et cousines aussi.

Quant à moi je devais certainement ressentir ces angoisses, ce stress, cette nervosité dans ce début de vie. C'est ce que nous avons appris depuis lors, grâce aux multiples recherches dans ce domaine et d'autres sur la vie du fœtus dans l'utérus de sa mère.

Au mois d'août en plein été.

Maman était malade. Elle avait attrapé une grosse infection urinaire nullement anodine, pyélonéphrite. Les contractions débutèrent et je naquis pendant cette nuit là à deux heures et dix minutes. Bien avant terme, à sept mois.

A l'époque pas de couveuses. Peut-être un couvercle je l'ignore. La chambre était surchauffée à 37°.

La salle d'accouchement se trouvait éloignée de la couveuse par un jardin. Les infirmières apportèrent une boîte à chaussure remplie d'ouate, et me déposèrent dans cet étrange transport improvisé. Mon pronostic vital était engagé, ceci pendant une semaine. Je me devais de boire les 20gr de lait maternel, que maman a pu tirer et nullement me donner la première semaine. Elle m'a raconté que je tétais sur ce biberon comme un métronome, affamée et résolue d'après ce que j'ai entendu de vivre à tout prix. Volontaire déjà.  

Une semaine après, j'étais sauvée, d'après le médecin. Maman est rentrée sans moi chez mes grands-parents. Papa est ensuite venu pendant deux mois apporter le lait maternel, le plus important pour grandir et pouvoir sortir à neuf mois.

Maman m'a seulement dit ceci : "Tu étais si laide". Phrase qu'elle répéta souvent.

Lorsque je vois à la télévision des prématurés, j'ai envie de tous les embrasser, tellement ils sont mignons et adorables, livrant bataille à la vie et pour certains avec de gros troubles qui, je l'espère se résoudront pour eux.

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