La prophétie des baleines bleues

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LhiréouB et Méa avancent à grande vitesse. Méa reste stupéfaite que cette "Boite de Ferraille" puisse nager aussi vite qu’elle !

— Ouvre grand tes oreilles, LhiréouB.

— Nous devrions bientôt entendre le chant des grandes baleines, il est beaucoup plus grave que le notre, il porte très loin dans l’océan.

— Méa, Comment pourrai-je le reconnaître ?

— Je connais leur chant, je te dirai quand il se manifestera.

LhiréouB s’est éloignée du vaisseau depuis plusieurs heures déjà . Si Lhiréou n’a pas trop à craindre pour l’autonomie énergétique de LhiréouB, elle commence à ressentir une certaine fatigue nerveuse due à la concentration nécessaire pour à la fois piloter et soutenir une conversation avec Méa.

— Ecoute, LhiréouB, je sens leurs ondes sur ma peau.

— Je n’entends rien Méa!

— Tu vas bientôt les entendre, je pense qu’elle nage dans notre direction.

— Nous allons bientôt les voir, alors ?

— ll nous reste encore quelques temps à nager. Leur chant porte sur des distances énormes, mais elles seules peuvent les entendre d’aussi loin.

— Il me semble que c’est "Béa", tu entends son chant ?

— Oui, je commence à percevoir une mélodie sourde qui vient vers nous. Mais qui est "Béa ?

— «Béa» est une très vielle maman baleine. Tu verras toi-même.

Comme Méa n’est pas très explicite sur la nature des baleines, Lhiréou interroge, par la pensée, la base de connaissance sur les "Hommes" pour en savoir un peu plus. Elle comprend, ainsi, rapidement qu’elle va à la rencontre d’un être vivant marin exceptionnel. Un des plus grand que la terre a jamais porté avec d’une longévité étonnante pour cette planète. L'âge baleines bleues, si il s’agit bien de celles-ci,  peut largement dépasser cent révolutions de la Terre autour de son soleil.

— Nous approchons, LhiréouB. Je vais la prévenir pour qu’elle ne s’effraie pas en plongeant vers les profondeurs de l’océan.

Étonnamment, Méa calque la fréquence de son chant sur un niveau proche de celui de la baleine. Soudain, droit devant elles, une masse commence à se dessiner dans les eaux turquoise.

— Bonjour «Béa», cela fait longtemps que tu n’es pas revenue dans nos eaux chaudes du sud. Méa adapte ses sifflements au langage "Baleine"

— Bonjour petite "Méa". Tu es toujours aussi curieuse et aventureuse, dis-moi, quel est ce morceau de métal qui flotte à côté de toi ?

LhiréouB a reçu, avec son interface bionique, la description des grandes baleines bleues, elle ne s’attendait pas au gigantisme de cet être au corps, à la fois massif et allongé. Il vient de passer juste en dessous d’elle.

— C’est fantastique ! Elle doit être aussi longue que le diamètre de nos vaisseaux ! Elle respire la vie et j’entends son cœur battre d’ici. S’exclame LhiréouB.

— Et que t’a-t-elle dit Méa ?

— Pourquoi une boîte de Ferraille me suit-elle !

— Ah oui c’est vrai ! J’ai déjà oublié que je suis perçue comme ça.

— S’il te plaît, Méa, explique à Béa qui je suis et d’où je viens, si tu veux bien être mon interprète.

Méa dans son "langage baleine" essaye de conter comment elle a connu Lhiréou et expliquer, pour ce qu’elle en a compris, d’où elle vient.

— Alors, "petite boite de ferraille" tu viens d’un autre océan par-delà les étoiles de la nuit ?

— Oui tu as bien résumé ! Confirme LhiréouB, traduite par "Méa"

— J’ai toujours pensé qu’il devait y avoir des autres bulles d’océans autour des étoiles de la nuit. La réponse de Béa stupéfie Lhiréou.

— Je suis heureuse de rencontrer de nouveaux êtres avant la fin de ma vie.

— Pourquoi parles-tu de la fin de ta vie ?

— Je suis très vielle. Tu es si petite, tu ne peux pas voir, mais j’ai pris tellement de coups depuis que les "pêcheurs" nous tuent en masse.

— Mes parents ont été tués et dépecés sur leurs gros bateaux.

— Ce sont les dauphins qui l’ont vu. J’ai failli mourir plusieurs fois, les bateaux des pêcheurs vont tellement plus vite que nous.

Comme "Béa" parle de ses blessures, Lhiréou découvre, sur un de ses flans, un énorme harpon incrusté dans la peau.

— Cela fait-il longtemps, "Béa", que ce harpon est fiché dans ton corps ?

— Oh oui ! J’étais très jeune. La Terre Océan a bien tourné plus de 90 fois autour du soleil depuis que cela est arrivé.

— Je peux te l’enlever, en le dissolvant avec notre technologie. LhiréouB fait traduire sa proposition par "Méa".

— Merci, ce n’est pas utile, il fait partie de moi désormais. Il me rappelle aussi, chaque jour, le danger que représentent désormais les seigneurs de la terre pour les océans.

— Danger ? À quoi penses-tu ?

Lhiréou sent la fatigue la quitter. Elle pressent que "Béa" va lui apporter des informations capitales.

"Béa", se retourne sur le dos.

— Je suis déjà une des dernières descendantes de mon espèce. A l’époque où les pêcheurs chasseurs nous traquaient sur toutes les mers, j’étais jeune, et nous étions très nombreuses. Dans toutes les mers où nous allions, nous pouvions entendre et partager les chants de nos sœurs. Aujourd’hui, nous sommes si peu nombreuses que nous n’entendons même plus nos chants résonner dans l’océan.

De plus, les eaux sont devenues mortelles ! Beaucoup de mes enfants sont morts pour avoir avalé les déchets produits par les "hommes" . Ils sont invisibles et flottent dans les eaux. Les pêcheurs ont multiplié les bateaux. Avec leurs moteurs assourdissant, ils polluent nos chants. Je ne peux plus appeler les autres baleines qui sont loin.

Avant l’arrivée de leurs engins bruyants, nous nous entendions des mers du sud jusqu’aux mers des glaces du grand nord ou du grand sud, maintenant il m’est impossible de savoir où elles sont. Nous allons disparaître. Nous sommes vieilles. Nos enfants sont perdus, ils ne peuvent plus trouver de partenaires !

— Pourquoi es-tu si défaitiste. Demande "LhiréouB", toujours traduite par "Méa".

— C’est la réalité, malheureusement !

— Nous n’aurons bientôt plus rien à manger. Le krill est la base de notre nourriture, il se développe dans les eaux froides et les glaces des Pôles fondent comme jamais je ne les ai vu fondre. D’immenses fleuves d’eau douce s’écoulent en permanence des grands glaciers du Nord, en saison chaude comme en saison froide. Le Pôle Nord de la terre n’aura bientôt plus ce blanc-manteau de glace que nous avions cru éternel.

— À ton avis, les "hommes" provoquent cela ! Suggère LhiréouB

— Je ne sais pas. Ils sont de plus en plus nombreux, j’ai vu leurs villes du bord de mer grossir comme d’immenses étoiles de mers accrochées à un caillou, leurs bateaux sillonner, de jour comme de nuit, toutes les mers.

Je sais que la Terre et ses océans changent, cela va trop vite pour elle.

Si les glaces fondent, leur poids ne pourra plus contenir les forces du feu qui couvent sous la terre. Je suis triste, la Terre souffre et tous les êtres vivants vont souffrir. La "Terre" va faire une grosse fièvre.

— Mais pourquoi les "Hommes" ne voient-ils pas votre souffrance et celle de la planète ? Ils sont pourtant intelligents, avance "LhiréouB", toujours traduite par "Méa".

— Je pense qu’ils sont ingénieux, la preuve, ils ont réussi à décimer nos peuples alors qu’ils sont trente fois plus petit que nous.

— Bien dit, rajoute "Méa" mais ils n’ont pas, comme nous, l’intelligence sensible de la vie.

Le sentiment trouble que LhiréouB avait ressenti en abordant la "Terre", la toute première fois, se confirme de façon flagrante avec le témoignage sans appel de "Béa". Tous les cycles de la vie sur la planète sont affectés. Des bouleversements planétaires sont en cours et vont se propager à une vitesse telle que beaucoup d’espèces ne pourront survivre. "Béa" en fait partie. Très lucidement elle le sait.

— "Béa", ce que tu m’apprends m’attriste au plus profond de mon être.

— Sur Leaurélia, ma planète, celle qui m’a donné naissance, je suis Gardienne de la Vie. Je suis chargée avec mes sœurs du respect des grands équilibres pour que, précisément, il ne se déroule pas de catastrophes comme il s’en produit et va se produire sur "Terre".

Je pleure pour la "Terre". Elle a donné naissance à des êtres qui, en acquérant les connaissances nécessaires pour aller dans l’espace, découvrir les "étoiles de la nuit", se sont en fait éloignés de la Terre Mère qui leur a donné vie au point de la dévorer sans fin.

C’est à la fois de la tristesse et de la colère qui parcourt l’esprit de Lhiréou resté sur le vaisseau.

— Excuse-moi "Béa", je suis fatiguée, Je rentre me reposer. J’ai enregistré ton chant, je te retrouverai dans l’océan, j’ai encore besoin de savoir beaucoup de choses sur ta vie et celle des océans.

— J’entends les bateaux des hommes, ils arrivent. "Béa" ne leur fait pas ce plaisir de te voir, disparaît dans les profondeurs, lui demande "Méa"

— Merci dit "Béa". A bientôt Lhiréou de Leaurélia" !

Son fantastique coup de queue surgit de la surface pour la propulser vers le fond de l’océan, à l’abri des regards. Elle disparaît.

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