19.

4 minutes de lecture

Nikita est déchaîné. Ses griffes et ses crocs détruisent tout. L’homme à la cagoule sort son fusil tranquillisant. Il tire et le loup tombe instantanément. L’homme pénètre dans la cage. Peu à peu, Nikita reprend forme humaine. Des menottes en argent lui enserrent désormais fermement les poignets carbonisés.

***

Nikita et Gabriel fouillaient méthodiquement les affaires éparses de leur parrain. Depuis qu'ils avaient découvert le hangar, ils ne pouvaient cesser de penser à cette femme brune si calme, presque comme consentante d'avoir un pistolet aux creux des reins. Désormais avides d'explications, les deux frères avaient retourné la maison, l'inspectant de fond en comble, sans rien trouver. Le bureau de leur parrain était la seule pièce qu'ils n'avaient pas osé encore fouiller. Ils savaient que des réponses s'y trouvaient mais cette pièce leur faisait peur. Petits, ils s'y étaient déjà faufilés, Nikita pour chaparder un bibelot, Gabriel par simple curiosité. Leur parrain, d'habitude si gentil, s'était mis dans une fureur noire à la découverte des deux enfants les mains dans ses papiers. Jamais les jumeaux n'avaient eu aussi peur et cette peur leur avait collé aux os depuis lors. Des années après, les voilà dans la même situation, les mêmes sueurs froides, le même stress mais surtout le même besoin vital de veiller l'un sur l'autre.

« Gab... tu te souviens de maman ?»

Le garçon arrêta ses recherches et regarda son frère, étonné de cette question sortie de nulle part.

« Non, pas vraiment... Et puis sans photo, c'est dur. Je sais juste ce que Marko nous a raconté, comme toi. »

Son frère parut méditer sa réponse, peu satisfait. Entre temps, Gabriel s'était approché de la bibliothèque. Il en regarda minutieusement les étagères. Son regard fut attiré par une aspérité dans le bois, au niveau d'un noeud. En passant son doigt dessus, il comprit qu'il y avait un mécanisme caché. Il appuya. Dans un clic, un fin tiroir s'ouvrit.

« Hey ! Viens voir, je crois que j'ai trouvé quelque chose ! »

Nikita rejoignit son frère et ensemble ils ouvrirent la boîte. Dedans il n'y avait que deux papiers et une photo. Celle-ci était assez vieille et on voyait dessus deux garçons et une fille, rousse, sa peau pâle recouverte d'éphélides. Le premier papier était une recette de gâteau au chocolat, arrachée d'un livre. Quant au second, il s'agissait d'une lettre, écrite d'une main maladroite, pleine de ratures.

A Chevagny,

le 14 Février 2001

Mon amour Très chère Chère A.,

J'aurais aimé voulu te dire à quel point je t'aime, mais les mots me manquent. Je suis incapable d'exprimer ce que je ressens pour toi, mais je sais à quel point ce sentiment est fort puissant. Tu es le soleil de ma vie de mes nuits, l'air que je respire dont j'ai besoin, mon unique raison de vivre. Mon coeur pleure a mal souffre le martyre de ne pas te savoir mienne mais il est tout de même comblé par ta beauté ton sourire ta simple présence. Je te sais heureuse avec mon meilleur ami lui, tout comme il est heureux avec toi. Ainsi, je chérirai les deux êtres que tu portes dans ton ventre aussi fort que j'aime leur mère j'en suis capable, malgré la douleur de savoir qu'ils sont la preuve que je ne peux te récupérer...

Je t'aime,

Marko

« Bonjour les enfants, je peux savoir ce que vous faites ici? »

Nikita et Gabriel lâchèrent la lettre, pris de surprise et firent volte face. La femme brune se tenait nonchalemment appuyée sur le chambranle de la porte, une cigarette éteinte à la bouche.

« Si j'étais vous, je me cacherais, genre... maintenant.»

Sans poser de questions, les jumeaux se recroquevillèrent à l'intérieur d'un meuble imposant en fermant la porte à la va-vite. Leur respiration était sifflante et ils se forcèrent à la retenir. Leur parrain apparut dans leur champ de vision. Il se stoppa au centre de la pièce.

« J'espère que tu as une bonne explication.

- Non. J'ai fouillé, j'ai trouvé ça, c'est tout. Alors c'est ça que t'as perdu ? Un méchant loup garou a mangé ta chérie ? Pauvre chou. »

En disant ça, la brune tenait dans sa main la lettre et éclata de rire. L'homme se retourna et gifla sa compagne. La lèvre de celle-ci explosa, éclaboussant les rangées de livres d'une multitude de gouttelettes rouges. Elle garda la tête ainsi tournée, croisant le regard des deux ados cachés dans l'armoire qui espionnaient par l'interstice de la porte. Elle leur adressa un clin d'oeil, un sourire narquois agrandit ses lèvres et son hilarité reprit de plus belle.

« C'est encore plus drôle que je ne le croyais ! Tu es pathétique. Elle t'a rejeté, non ? Et elle est partie avec ton meilleur ami ? Un classique. Et les garçons dans tout ça, que leur as-tu fait ? »

L'homme bouillonnait de rage, la folie ayant pris possession de ses yeux vairons. Il s'approcha de la femme et l'étrangla en la poussant contre l'armoire entre-ouverte.

« Je ne te dois aucune explication. Tu n'es qu'une simple monstruosité de la nature. N'oublie pas qui commande ici. Je vois dans tes yeux que tu n'as pas peur de mourir, j'ai même l'impression que tu me demandes de t'achever. Mais écoute ça, ma jolie, j'en n'ai pas fini avec toi. Jusqu'à maintenant je t'ai laissé faire ce que tu voulais, mais tu viens de franchir le point de non retour. Cette lettre... Cette lettre que tu as souillée de tes pattes répugnantes, c'est la seule qu'il me reste. Les autres ont brûlé dans l'incendie, comme toutes les photos d'Elle et Elle avec. Alors ne t'avise plus jamais de poser tes sales pattes dessus, espèce de chienne. »

Coincés dans l'armoire, Nikita et Gabriel sentaient la porte s'ébranler à chaque phrase, le bruit sourd d'une tête qu'on cogne contre du bois faisant vibrer le meuble. Ils imaginaient sans peine la femme, tenue au dessus du sol d'une poigne de fer, suffoquant mot après mot. Un autre bruit, mat et étouffé par le tapis persan, indiqua que leur parrain avait finit par la lâcher. Ils restèrent immobiles encore quelques minutes, puis la porte s'ouvrit sur le visage moqueur de la séduisante brune.

« Alors, les gosses, on a eu peur ? Enchantée, moi c'est Luciole !»

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 9 versions.

Vous aimez lire Claire Zuc ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0