11.

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Cette même forêt. Ces mêmes souvenirs douloureux. Ce même silence. Il fait nuit et l’air est doux. Comme autrefois, l’homme aux boucles brunes se retourne, laissant la pleine lune éclairer la cicatrice sur son nez, vestige d'une ancienne bagarre. Le fauve surgit de nulle-part, les babines imbibées d’un sang frais et chaud. Les deux hommes se retrouvent à terre, évanouis, une trace de griffe zébrant le torse de l’un, une morsure sanguinolente sur le mollet de l’autre.

***

Menottes ? ok. Collier ? ok. Camera ? ok. GPS ?... où est-ce que j'ai mis ce truc encore... Aurore préparait ses affaires avec soin, d'une main fébrile, sous le regard affectueux d'un portrait de famille posé sur son bureau. Demain ce serait la pleine lune et la jeune fille était à la fois impatiente et terrifiée. Son plan était pourtant simple : se menotter dans la maison abandonnée près de la rivière face à une camera. Elle aurait une puce GPS sur elle : en cas d'amnésie elle pourrait retracer ses actions de la nuit. Elle enfila des vieux vêtements de sport et sortit se dégourdir les jambes, non sans avoir embrassé ses deux parents. Ce soir, je ne serai pas une meurtrière. Ce soir, je ne dévorerai personne, encore moins ma famille ! Déterminée, elle arriva dans le bâtiment à moitié en ruine en moins d'une heure et poussa la porte branlante d'une main ferme.

L'unique pièce était en piteux état. Des cadavres de bière tenaient compagnie à ceux de rats, l'humidité ambiante avait rongé le bois des quelques meubles encore présents et une odeur de renfermé insoutenable prenait la gorge comme un étau. Les vitres des fenêtres avaient été brisées, les éclats de verre éparpillés sur le sol crasseux. Des langues de moisissures léchaient les murs autrefois blancs. Ca et là des tags apportaient de la couleur : rouge sang, bleu roi, jaune fluo. Aurore eut un haut le coeur quand elle remarqua le bout de latex blanchâtre dans un coin. Les gens sont vraiment crades ! Elle embrassa l'ensemble de la pièce du regard, s'imaginant attachée dans ce décor digne d'un mauvais film gore. D'un coup, son plan ne lui parut plus aussi simple et elle fut tentée d'abandonner. Se rappeler le goût métallique du sang des proies qu'elle avait mangées finit de la convaincre de la nécéssité de l'entreprise si elle ne voulait jamais goûter celui de personnes innocentes. Elle était en partie animale mais elle garderait le contrôle, du moins l'espérait-elle. Une fois cette promesse faite à elle même, elle rentra chez elle.

Sylvia et Georges étaient aller se coucher de bonne heure, souhaitant à leur fille de faire de beaux rêves. Aurore attendait patiemment dans sa chambre que la maison soit totalement silencieuse. Cette nuit serait une nuit de cauchemar, elle le savait. Elle sentait son sang pulser à son cou, persuader d'être un danger pour elle même et pour les autres. Les volets étaient fermés, empêchant la lumière encore faible de la lune de pénetrer dans la pièce. Le sac à dos sur ses épaules, elle enfila ses baskets et se faufila discrètement dehors. L'herbe humide mouillait ses chaussures et elle accélera le pas. Il faisait quasi nuit, la lune déjà visible mais partiellement voilée par un épais nuage provoquait des picotements désagréables sur son épiderme. Elle se mit à sprinter et la maison abandonnée apparut au loin.

Elle dégonda la porte d'un coup de poing dont elle ne maîtrisait déjà plus la force. Des échardes verdâtres figées dans les phalanges, elle se pressa de sortir son matériel. Elle craignait de ne pas avoir le temps car déjà ses dents poussaient pour devenir des crocs. D'un clac sinistre, sa mâchoire se disloqua au moment où elle finissait de positionner la caméra sur son trépied. Elle se hâta, menottant ses fins poignets de menottes épaisses. Elle eut un peu plus de mal avec le collier car une fourrure drue avait déjà remplacé sa peau lisse. Dans sa hâte, elle oublia la puce GPS. Elle repéra ensuite l'anneau d'acier figé dans le sol bétonné, passa la chaîne métallique dedans afin d'être totalement immobilisée. Au moment de fermer le cadenas de ses mains hybrides, elle se rendit compte d'une chose : elle serait prisonnière de ces liens solides sans personne pour la libérer une fois redevenue humaine ! Elle n'eut pas le loisir de réellement prendre conscience de cette atroce vérité car un éclair de douleur lui arracha un cri puis ce fut le noir complet.

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