Je vis. 

Je n'ai plus d'âge. Le temps n'est qu'une vague notion pour moi. Je vis et je crois avoir toujours vécu. J'ai senti tant de petites vies autour de moi. Tous ces éphémères qui s'agitent, qui courent, qui volent. Ils grattent mon tronc, creusent sous mes racines, secouent mes branches. Ils ne sont pour moi que des éclairs qui illuminent la nuit, une intense mais brève lueur dans l'obscurité. Et dans cet éclat de lumière, je vois le monde par intermittence.

Tous les miens autour de moi, rien que les miens autour de moi. Cette multitude de petites créatures rampantes, volantes, bourdonnantes dans mes feuillages. Ce singe joueur, sautant de branches en branches. Ce félin paresseux baillant paresseusement à l'ombre de mes ramures. Ce magnifique oiseau chantant et dansant pour séduire sa belle. Ces hommes curieux et gourmands de mes fruits.

Et soudain, plus rien. Le contact froid de l'acier.

Je meurs.