Recul

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Ada, sereine, sac à dos léger épousant ses épaules, débute son Chemin, en ce matin brumeux de Septembre.

Elle accompagne sur plusieurs kilomètres le groupe des mamies randonneuses, avant de poursuivre à un rythme plus soutenu, son rythme à elle.

Le vent frais sur ses tempes, l’air coulant entre ses doigts, la chaleur de ses muscles, le bruit régulier de son bâton de bois, et cette vue splendide sur ce plateau d’Aubrac, terre lunaire infinie… Ces sensations l’enivrent. La liberté, à l’état brut. En harmonie avec les éléments. Dans cette progression lente et récurrente, résonne le tempo de son cœur.

Les secondes égrainées par son souffle, constituent bientôt des minutes, des heures, des jours. La jeune femme ne s’arrête que pour se sustenter ou dormir. L’essentiel, revenir aux besoins primaires, à son noyau, à son essence. Bipède.

Elle se sent bien. En paix. Sur ces sentiers sans fin, sans contrainte, sans attente. Dans l’instant d’un pas. Ancrée.

Sous un vieux chêne en bordure de chemin, elle s’assied sur le granit affleurant et respire les odeurs de fin de journée, admirant les myriades d’insectes voletant sur un fond vert pâle. L’automne arrive. Elle le sent. Elle le voit. Elle sort sa gourde et boit une gorgée d’eau.

Elle allume son portable, compose un numéro :

  • Bonjour Papa, c’est Ada.
  • Ma fille, bon sang, je n’arrivais pas à te joindre. Où es-tu ?
  • Je suis partie marcher sur le Chemin de Saint-Jacques. J’en ai besoin. La mort de Thérèse m’a chamboulée et j’ai besoin de me recentrer. Il est trop tôt pour que je m’engage dans une voie d’étude et j’ai un an d’avance. Je marche jusqu’en décembre et après, c’est promis, je décide de mon avenir. Mais là, je ne peux pas, c’est trop tôt.

Son père déglutit, espérant que ce ne soit pas une nouvelle fugue.

  • Tu es en sécurité au moins ?
  • Oui, ne t’inquiètes pas. Cela fait cinq mois que je côtoie les pèlerins et je peux t’assurer que je ne crains rien. Il y a peu de touristes en septembre, et ceux qui marchent là, ne feraient pas de mal à une mouche. Ça te rassurerait que je t’envoie un texto pour te dire où j’en suis, chaque semaine ?
  • Oui s’il te plaît.
  • Ok alors, on fait comme ça.

Elle hésite puis se lance :

  • Papa, tu sais... Je t’aime.
  • Moi aussi, je t’aime ma fille...
  • Bisou, tchao. À bientôt.

Ada soupire de soulagement. Un vieux couple avance lentement dans sa direction. La femme s’extasie sur une orchidée, il s’avance et observe lui aussi, puis lui pose un baiser sur sa joue ridée. Ada en profite pour capturer le cliché, à la volée, de cet instant d’amour, sans âge, en pleine nature.


Plus tard, à l’entrée de Figeac, c’est son anniversaire. Ses dix-sept ans. Son portable déchargé, elle patiente dans les ruelles, l’ouverture d’un gîte, à dix-huit heures.

Elle s’avance dans une boutique et achète deux cartes postales :

***

Barbie, ma sœur,

Tu as raison, on ne peut s’immiscer dans la tête d’un autre. Ses choix lui appartiennent. Je le comprends désormais. Je te demande pardon.

Je marche sur les chemins terreux et plus j’avance moins la destination a d’importance.

Seul compte de profiter du trajet et les liens qui nous lient.

Je te souhaite tout le bonheur du monde.

Je t’aime.

Microbe.

***

Sur la deuxième carte, la jeune femme hésite. Elle pose le stylo et l’encre roule lentement sous la bille :

Pensées pour toi, maman.

Puis recopie l’adresse récupérée sur un bout de papier, une adresse en japonais.

***

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