L'énigme

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Un secret dévoilé,
Aussitôt convoité,
Qui pourrait prévoir,
Qui pourrait l’émouvoir.

Lumi regardait l’inconnu entré par les massives portes. Ce dernier, jeune, avait une allure robuste avec ses larges épaules. Il était grand comme n’importe quel homme, sans être particulièrement musclé. Des traits quelque peu grossiers, des cheveux courts, la barbe mal rasée. Il avait l’air endormi avec ses petits yeux profondément enfoncés sous ses paupières tombantes. Il semblait un peu banal pour tout ce raffut. Nombre d’apprentis s’étaient précipités à l’entrée en entendant l’arrivée d’un visiteur important. Ils étaient tous curieux de savoir s’il était vraiment le fameux prodige! Tout le monde savait qu’il viendrait, mais quand? C’était le plus gros mystère! Alors dès qu’un inconnu arrivait… Pourtant, ce nouvel inconnu avait l’air tellement banal… Mais, Maître Dorca l’accompagnait et ça, c’était inhabituel en soi!

Donc, il devait être un minimum important… Déjà des messagers se promenaient pour demander à tout le monde de se rassembler à l’heure du souper devant les portes du donjon. L’inconnu apportait du changement et cela s’entendait déjà par le brouhaha qui descendait des murs. Lumi ne discernait pas tout, mais il comprenait qu’il s’était passé quelque chose à l’extérieur. Il avait appris trop tard la nouvelle pour arriver à temps. Il avait tout manqué! En effervescence, les apprentis descendaient des murs, la plupart étaient en grande discussion. Lumi se trouva rapidement submerger par le nombre, mais il se retrouva, par hasard, au côté d’Édouard, de Siegter et de Gunter. Les trois avaient un sourire aux lèvres et ils s’amusaient beaucoup. Certain qu’ils savaient, le jeune malade demanda :

- Les gars, que vient-il de se passer à l’extérieur?

- Tu n’es pas au courant? répondit Édouard. Tu dois savoir ça!

Les deux autres acquiescèrent vivement, intriguant encore davantage Lumi. Qu’est-ce qu’il avait manqué? Tout le monde semblait soudainement si bouillant d’énergie. Édouard enchaina rapidement :

- Aujourd’hui, Herbert et Selena ont hérité de la corvée de garder la porte et comme tu le sais, les deux ne sont pas tout à fait d’accord sur la manière d’agir, comme quand ouvrir la porte, la façon d’accueillir, etc…

- Herbert a fait de la merde et Selena a récolté sa merde, compléta Siegter.

- On peut dire cela comme ça, continua Edouard en souriant. Donc, tu as vu notre nouveau visiteur? (Lumi hocha de la tête) Alors, quand Herbert la vue, il a décidé d’avoir un peu de plaisir et des rumeurs ont parcourus la Forteresse comme quoi, il allait faire son spectacle. Comme tu peux en douter, Selena n’était pas, très, très contente.

Lumi hocha à nouveau de la tête. Herbert enfreignait les règles régulièrement, se mettant souvent dans l’eau chaude, mais Selena n’était pas du genre à rester passive si cela risquait de l’ébouillanter aussi. Des flammèches avaient surement pris entre eux. Encore… Édouard ajouta :

- Et notre nouveau visiteur n’est nul autre que Sa Majesté, le disciple de maître Nirk.

- C’est lui? s’exclama avec force Lumi.

C’était bien lui… ce personnage qui semblait tellement banal, tout le contraire de l’image d’un prodige, le surdoué que tous les maîtres adoraient parler, c’était bien lui? Il était déçu, dépité, dérouté. Édouard lui résuma les derniers évènements, la confrontation et la grosse explosion. Lumi fut surpris en attendant parler de Disçart et de sa réception d’Herbert avec ses dagues ou de son bouclier magique. Le jeune malade ne s’était pas attendu à ça! Il demanda à son ami :

- Donc, il est doué?

- Il n’est pas complètement mauvais, rétorqua Édouard en perdant une partie de son sourire, mais il a encore des choses à prouver.

- Au juste, se rappela Lumi, qui a provoqué l’explosion?

- Aucune idée, répondit Édouard sourire aux lèvres.

- Je ne le sais pas plus, dit le mince Gunter, mais c’était fou.

- J’ai hâte de le voir avec une lame à la main, ajouta le massif Siegter.

Lumi acquiesça, mais son idée était un peu différente. Il avait juste hâte de rencontrer cette énigme que même son maître, Thomas l’éclair, lui avait cachée.

* * *

Disçart venait à peine d’entrer à l’intérieur du donjon de la Forteresse qu’il ne put s’empêcher de soupirer. Il n’avait jamais été friand d’êtres le centre de l’attention. Or, aussi court fût-il, traverser la cour avait été intimidant. Tout le monde avait le regard posé sur lui. L’apprenti de Nirk espérait que cela ne recommencerait pas de sitôt, mais connaissant sa chance et le moment présent… Dorca l’entraina sans jamais s’arrêter pour se retourner, l’empêchant de continuer dans ses pensées. Le maître était habitué à commander, et Disçart était trop nerveux pour ne pas le suivre. L’endroit semblait vouloir l’engloutir avec ses dizaines et dizaines de colonnes. Seul un habitué devait pouvoir s’y orienter.

Au tournant d’une colonne, Disçart n’eut d’autre choix que s’arrêter. Quelqu’un qu’il connaissait l’attendait, sourire aux lèvres. C’était un homme d’une trentaine d’années, ses cheveux bruns en bataille avec un éternel air joueur. Maître Thomas ne changerait jamais. Surpris, il eut un temps de retard pour serrer la main du sbire de maître Nirk. Il y avait plusieurs mois qu’ils ne s’étaient pas vus. L’espiègle personnage lui demanda avec un ton un peu moqueur :

- Comment va notre populaire visiteur?

- Je… Je vais bien, répondit l’hésitant apprenti.

- Même après les derniers évènements? demanda Thomas perdant tout air espiègle. Le Prince, les gardes, les bêtes et toi-même?

Disçart ne répondit pas. Il refusait d’y penser. Il ne voulait pas y penser. Il voulait oublier. Lui, la mort, le tueur. Détournant le regard, il laissa tomber en avançant d’un pas :

- Ça devrait aller.

- J’espère bien, exprima Thomas avec sincérité et douceur. Tu es dans la Forteresse. De belles choses peuvent t’arriver. Mon apprenti, que je t’ai souvent parlé, a hâte de te rencontrer.

Le sombre jeune homme retourna son regard sur son aîné, un sourcil levé. Il était vrai qu’il avait entendu parler de Lumi, mais il ne s’était pas attendu à sa présence. Il demanda la raison de cela et l’espiègle aux cheveux sans ordre continua :

- Nous avons eu nos propres aventures et mon apprenti avait besoin de repos. Cela lui fait du bien d’être en compagnie d’autres jeunes Traqueurs.

- Et donc, qui s’occupe du nord présentement? Questionna Disçart qui connaissait un peu trop sa mission dans l’Ordre.

- Personne, répondit simplement Thomas avec un sourire qui s’agrandit en voyant le visage défait de son interlocuteur, mais le Nord n’a pas à s’inquiéter de ma courte absence. En revanche, dans ton cas, je te mets en garde : la Forteresse peut être un endroit terrifiant quand on ne la connait pas. Fait attention à toi! le meilleur comme le pire se cache entre ses murs et les deux ont hâte de te tâter.

Disçart hocha de la tête. Il n’avait pas oublié l’explosion devant les portes… Le jeune homme voulut continuer la discussion, mais il remarqua que le massif Dorca s’était arrêté et qu’il s’impatientait en le fixant. Le remarquant aussi, sourire aux lèvres, Thomas lui dit qu’ils parleraient une autre fois. Courbant la tête pour saluer son interlocuteur, Disçart rejoignit le puissant homme. Sans un mot, le puissant Traqueur aux cheveux long reprit sa route, l’apprenti trottinant presque pour rattraper ses longues enjambées. Rapidement, le duo entra dans un couloir où il se mit à tourner régulièrement dans des couloirs adjacents. Rapidement, le jeune homme se retrouva complètement désorienté. La seule chose qu’il remarqua était le vide de l’endroit. Pas un tapis, pas un meuble, pas le moindre article pour égayer l’endroit. La Forteresse… le fief de l’ordre : un rassemblement de lames formées pour tuer qui le doit. Rien pour offrir du réconfort avec l’image de cette demeure.

Sans un mot de plus, maître Dorca entra dans une nouvelle pièce où il s’arrêta. Disçart eut besoin d’un moment pour réaliser qu’ils étaient arrivés. À l’intérieur, un endroit qui donnait l’impression d’être un bureau plus ou moins en ordre, quatre personnes y étaient assises. Derrière un secrétaire où régnait un léger fouillis, un vieil homme avec une longue crinière grise trônait, le dos droit, les épaules larges, discutant ou observant les autres. Un autre personnage masculin était présent et il avait, au premier regard, l’air d’un vieillard : il était vouté, les cheveux épars, la barbe mangée par endroit et le regard fou. Or, en regardant attentivement, bien que terne, ses cheveux et sa barbe, ou ce qui en restait, étaient d’un brun foncé. Son visage avait à peine de ride et une lueur d’intelligence gouvernait son regard derrière l’impression de folie. Une puissante dame, sourire pincé, au visage marqué par l’expérience, regardait durement le nouveau venu. La dernière personne était la plus jeune du lot : une femme d’une trentaine d’années, une longue crinière de jais, finement musclé avec un regard provocateur.

Dorça alla se placer à côté de ce qui semblait le chef et il se tourna vers Disçart. Ce dernier était encore dans le cadre de la porte, se demandant ce qu’il devait faire. Sa nervosité près des cieux, le jeune Traqueur attendait la suite :

- Donc, c’est bien lui, Dorca? demanda l’homme qui trônait.

- Exactement, répondit simplement l’interloqué.

- Entre, apprenti, ordonna le grisonnant, nous avons quelques questions.

Avec hésitation, le cadet obtempéra et il alla se placer au centre de la pièce en ayant une très vague idée de qui étaient ses aînés. Il n’aimait pas trop cela, mais ce qui le tracassait vraiment, c’était la présence de maître Thomas. Pourquoi était-il ici, à la Forteresse? Pourquoi n’était-il pas à cette rencontre? Pourquoi lui avait-il parlé par sous-entendues? « Où est-ce que je suis tombé? » se demanda le jeune homme. L’homme grisonnant continua avec les présentations :

- Surement que tu ne le sais pas, mais nous sommes les Maîtres de la Forteresse. C'est nous qui décidons pour tous les habitants de cette demeure. Nous sommes des professeurs et des guides pour les futurs membres de l’Ordre. Nous te souhaitons la bienvenue, Disçart de la Forêt noire.

- Euh… Merci, répondit difficilement Disçart qui était encore moins certain.

Maître Nirk ne lui avait jamais vraiment parlé de l’endroit et de son fonctionnement… et il n’avait pas posé de question… Il sentait tous les regards sur lui : on le décortiquait, on le découpait en petits morceaux à la recherche du moindre détail sur sa vie et ses capacités. Celui qui semblait être le chef continua en présentant de la main les personnes présentes:

- Je me nomme Ingmar, je suis le régent de la Forteresse. Tu as déjà rencontré maître Dorca, notre grand maître d’armes. Le troisième homme se nomme Rédémir du Nord du Val. C’est notre maître de la magie, mais tu découvriras qu’ici, la magie est particulière. Cette femme à mes côtés est maître Grésilda. Elle met énormément d’accent sur l’utilisation de toutes les aptitudes des apprentis sur le terrain. Et notre cadette, Lena, la Rose de la montagne, cette jolie demoiselle, aime envoyer les élèves dans l’environnement. Aussi bonne avec les plantes qu’avec les techniques de chasse.

- En…en…enchanté, croassa difficilement Disçart.

- Qu’est-ce que t’as appris Maître Nirk, garçon? demanda Grésilda sans plus de cérémonie.

- Euh… beaucoup de choses, hésita Disçart au début qui continua plus fort en reprenant le contrôle de ses nerfs, mais il s’est concentré à m’apprendre la maitrise de plusieurs armes, de savoir me déplacer en silence, à survivre en nature et… et… et la philosophie de l’ordre.

- Ne t’a-t-il pas appris la magie? demanda le vouté Rédémir.

- Non, répondit sans hésitation l’interrogé. C’est Maître Minester qui m’a appris à maitriser le don.

- Ainsi, c’est le grand Mage du Roi qui t’a formé? affirma Lena plus qu’elle demanda. Intéressant… cela devrait apporter du changement...

- Quelles sortes de magie maitrises-tu, voulu en savoir plus Rédémir qui fronçait les sourcils au-dessus de ses yeux fous.

- Je… je maitrise une magie surtout défensive… répondit Disçart. Les boucliers, protections, illusions, atténuations ou l’augmentation des effets sont dans mes points forts. Ma magie est un outil avant tout pour réussir dirait maître Nirk…

- Ne maitrises-tu donc pas de magie offensive, jeune homme? demanda Rédémir encore plus perplexe.

- Assez peu… admit l’apprenti.

- D’accord… répondit Rédémir avec un doute.

Disçart sentit une pointe de désapprobation chez les cinq maîtres et il comprenait pourquoi. Une lame sans tranchant était beaucoup moins dangereuse. Or, le fait qu’une lame dite prodigieuse manque de cet aspect agressif, la magie, la rendait beaucoup moins impressionnante. Son maître et Minester n’avaient jamais voulu le former dans ce sens. Il soupira silencieusement. Que pouvait-il faire de mieux?

- Quelles armes maitrises-tu le mieux? lui demanda maître Dorca subitement.

- Euh… hésita un instant Disçart qui, sortant de sa demi-seconde d’inattention, avait un doute, l’épée longue et courte… euh… la dague, le couteau et la lance… euh… le bâton et des armes similaires…

- Aucune arme à distance? demanda Grésilda

- Non, aucune véritable arme à distance… maître, répondit le cadet en sentant le mépris chez la dame.

- Je vois, répondit-elle simplement avec une pointe de mépris.

- Dans les épées, continua Dorca, as-tu une préférence entre l’épée courte, l’épée longue classique, la rapière, l’épée bâtarde ou les épées à deux mains?

- J’ai une préférence pour les épées pouvant se manier à une main, répondit Disçart. Sinon, je me débrouille avec n’importe quelles de ces lames, maître.

- Et pour le bâton, demanda Ingmar en prenant de court tout le monde qui se mit à le regarder, surpris, pour quelles raisons maitrises-tu ce genre d’armes?

- J’ai… j’ai… j’ai toujours eu un faible pour cette arme et sa manière de passer partout, avoua timidement le jeune homme.

Disçart eut comme réponse qu’un simple hochement de tête, et le silence se fit quelques instants. Le moment fut difficile pour le cadet : il sentait tout leur regard sur lui et il sentait une pointe de déceptions sur ses réponses. Qu’aurait-il pu leur dire d’autre? De gros mensonges sans fondement? S’il avait seulement pu disparaitre éternellement… Peut-être qu’ainsi, il ne serait plus une déception… Lena, la Rose de la Montagne, continua pour ses collègues :

- Maître Thomas nous a déjà mentionné, ou résumé si tu préfères, tes expériences sur le terrain. Donc, nous sommes déjà au courant pour tes traques : chasses aux monstres et hommes dans divers environnements. Nous sommes curieux de te voir en action quand nous te mettrons en traque. Par contre…

- Par contre, reprit Ingmar qui coupa sa cadette, dans les prochains jours, nous allons évaluer tes compétences sur les domaines des armes et de la magie. Comme tu as déjà pu remarquer, ta présence était très attendue…

Ingmar laissa ses paroles en suspens, faisant bien comprendre à Disçart qu’il ne l’aurait pas facile prochainement. La Forteresse avait hâte de se mesurer à lui. Et lui, il n’avait pas hâte de commencer…

* * *

Alors que le soleil avait déjà entamé sa descente, tous les apprentis et les autres maîtres de la Forteresse se retrouvaient dans la cour devant les portes menant à l’intérieur. Les cinq chefs avaient réuni toute la population de la Forteresse pour faire une annonce. Près d’une centaine d’individus étaient présents, mais même si la cour n’était pas très grande, il restait encore beaucoup de place. La Forteresse avait toujours cet aspect fantomatique même si l’Ordre recrutait toujours plus. En ce jour, de jeunes enfants, surement trop jeunes, suivaient leur éducateur, des adolescents se serraient entre cliques, des jeunes plus vieux s’affirmaient beaucoup mieux, des adultes à l’allure de domestiques impatients de repartir, des personnes d’âge mûr couvertes de couture et des anciens encore droit, mais marqué par l’expérience étaient unis. Les seuls éléments communs entre chacun étaient la simplicité des vêtements et la manière que tous jetaient régulièrement un regard vers la porte à double battant. L’impatience se sentait.

Du moins, Edouard en avait marre d’attendre comme un idiot que les maîtres fassent leur spectacle. Il avait hâte que ce soit fini. Ses amis autour de lui, Lumi, Siegter, Gunter et Jora commençaient aussi à s’impatienter. Cela faisait facilement une demi-heure qu’il attendait! Edouard exprima l’ensemble de leur pensée :

- Nous pourrions tellement mieux utiliser notre temps qu’à être planté comme des arbustes imbéciles à attendre après je ne sais quel évènement miraculeux.

Ses amis (et certaines autres personnes qui l’attendirent) approuvèrent avec un sourire défait. Les grands maîtres s’amusaient un peu trop à les faire attendre! Seul Jora eut une grimace amusée. Il demanda à Edouard :

- Et que ferais-tu de si mieux avec tout ce temps pour toi?

- Je n’en ai aucune idée, répondit l’interloqué, mais surement quelque chose de mieux!

Des sourires naquirent dans le groupe, et alors que Siegter allait pour répondre, les portes s’ouvrirent avec un long grincement. Tous les êtres vivants s’arrêtèrent pour se tourner vers la provenance du bruit. Plus un autre son ne pouvait s’attendre à part ce dernier. Ils allaient enfin savoir pourquoi on les avait tous réunis. Les cinq grands Maîtres avançaient d’un même pas, maître Ingmar en tête, les maîtres Dorca, Léna, Grésilda et Rédémir un pas respectueux en arrière, les cinq avec un air solennel. Derrière ses têtes fortes de la Forteresse, deux hommes suivaient : Le premier était le fringant Maître Thomas, ses cheveux encore en bataille et un sourire rieur aux lèvres, et il était accompagné d’un jeune homme d’environ de l’âge d’Edouard et de Jora. Il reconnaissait l’étranger de ce matin, le fameux Disçart, mais avec sa carrure ordinaire et son air absent, il n’avait absolument rien de très « fameux ». Au final, ils allaient bien voire assez vite ce que ce nouveau valait. Edouard fut interrompu par les premières paroles d’Ingmar :

- Bonsoir, Traqueurs et Traqueuses, je suis content de vous voir réuni, alors que vous devez tous avoir envie de faire autre chose qu’être dans cette cour. Comme vous le savez tous, nous avons quelques nouvelles à vous donner. Déjà, ce qui était prévu dans les prochains jours sera annulé.

Plusieurs hoquets de surprises se firent entendre et des regards incrédules se voyaient chez les plus vieux. Leur horaire était chamboulé sans avertissement. Les plus jeunes souriaient bien plus. Pour Edouard, soudainement, il sentait que la patience n’avait pas été de trop : c’était déjà à être intéressant. Il était sûr que le pupille de maître Nirk en était la cause. Or, le vieil intendant de la Forteresse repris rapidement :

* * *

- Pour continuer, j’aimerais vous présenter Disçart de la Forêt noire.

Ingmar, d’un geste de main, demanda au jeune homme derrière lui de s’avancer. Aux yeux de Lumi, ce dernier avait l’air bien peu sûr de lui. Il semblait presque avoir peur. En d’autres circonstances, Lumi aurait parfaitement compris : être présenté à une foule, une foule de guerriers en plus, sur une estrade pouvait avoir quelque chose d’épeurant. Cependant, ce n’était pas supposément n’importe qui qui était présenté : c’était l’apprenti du Grand Chef de l’Ordre! Lumi se serait attendu à beaucoup plus…

Pour avancer, Lumi remarqua que Disçart eut besoin d’un petit coup de main de Thomas : une très légère poussée, accompagnée d’un espiègle sourire quand le nouveau venu se retourna. Ainsi, le centre de l’attention s’avança à côté d’Ingmar. Cela laissa Lumi perplexe. Son propre Maître, Thomas l’éclair, semblait vraiment apprécié le jeune homme. Les quelques fois que les deux avaient parlé de celui-ci, l’homme à la chevelure sauvage avait toujours dit du bien. Même aujourd’hui, il le soutenait devant tous. Le jeune gringalet malade se sentait tiraillé entre son impression et le jugement de son Maître. Il était curieux de voir lequel des deux aurait raison. Ingmar fit une déclaration, apportant un long brouhaha comme réponse :

- Disçart est l’apprenti de maître Nirk.

* * *

Ainsi, il l’était vraiment, l’apprenti dont tous les Maîtres parlaient. L’apprenti qui, même s’il avait intégré l’Ordre beaucoup plus tard que la plupart, avait appris si vite qu’on le qualifiait de prodige. C’était lui! Lui qui portait le nom à surpasser : Disçart! Au premier regard, elle ne le trouvait pas très… très… incroyable? Et pourtant… L’air s’était rempli d’une forte tension : la magie commençait à se faire sentir et une aura de menace grandissait rapidement. Les Traqueurs avaient trouvé une proie intéressante qu’ils avaient envie de tester. Ingmar continua dès que le silence reprit :

- Pour accueillir notre nouvel apprenti, la Forteresse festoiera!

- Comment démontrer que notre nouveau venu est incroyable, n’est-ce pas, Selene, demanda une voix espiègle et féminine

Selena se tourna vers Frida pour l’interroger des yeux, mais elle comprit le sous-entendu dans l’éclat lubrique de ses yeux verts. Rougissant légèrement, l’interloqué pourfendit son adversaire d’un regard foudroyant. Un sourire fut sa seule réponse. Grr! Certes, il avait un éclat plaisant, mais c’était tout! Il n’avait surement pas toutes les qualités que les Maîtres aimaient lui donner! Elle avait hâte de savoir qui prouverait ça! L’atmosphère était de plus en plus électrisante : si Selena avait été attentive, elle aurait pu percevoir plusieurs Traqueurs commencer à canaliser la magie. Une nouvelle explosion pouvait éclater à tout moment et créer un beau chaos. Cependant, tout cela fut coupé quand Ingmar déclara :

- Dans les prochains jours, nous organiserons le banquet! Ce que je ne vous ai pas dit, c’est que plusieurs d’entre vous rivaliseront dans des affrontements presque réels jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un gagnant. Tout sera permis! Presque toutes vos aptitudes et tous vos talents pourront vous aider à faire une différence. D’une façon ou d’une autre, la gloire attend ceux qui combattront. Pour ceux qui ne feront qu’assister, ces combats seront des moments pour apprendre et voir en œuvre vos entrainements. Ne venez pas nous harceler pour participer : les autres Grands Maîtres et moi avons déjà choisi qui participera. Nous préviendrons ceux-ci dans les jours à venir.

L’atmosphère s’embrassa violemment et même la froide Selena s’alluma avec eux. Il était rare que les Traqueurs aient le droit de s’affronter réellement pour gagner. Les esprits s’enflammaient à cette seule idée. Tous avaient déjà hâte que ce tournoi commence et voir qui étaient le meilleur d'entre eux. Soudainement, quelqu’un qu’elle ne vit pas demanda :

- Donc, on peut s’attendre à ce que le « prodige » participe aussi?

Soudainement, Selena réalisa que cette question lui importait aussi. Est-ce que cet apprenti allait combattre? Est-ce qu’il allait se faire tester comme les autres? Par qui allait-il se faire démolir? Tournant ses yeux vers le jeune homme en question, elle remarqua que celui-ci regardait Ingmar avec air démesurément surpris, comme s’il était étonné de l’ampleur de tout ce qui se passait. Comme s’il n’avait pas été au courant de sa place dans l’Ordre. Les murmures sur le nouveau s’intensifiaient : tous voulaient savoir s’il rivaliserait avec les autres. Certains mêmes avaient recommencé à canaliser à la seule idée qu’il pourrait s’en sauver. Dorca leur donna la très entendue réponse :

- Pour tous les curieux, ne vous inquiétez pas, Disçart fera partie des apprentis qui s’affronteront.

Aussitôt dit, le brouhaha devint presque incontrôlable alors que l’atmosphère s’embrasait encore plus : tous les jeunes espéraient avoir une chance de démolir le prodige et prouver qu’ils valaient bien plus. Même Selena espérait d’avoir sa chance. Il ne pouvait pas être si doué! Elle murmura tout bas :

- Je vais lui montrer ce que je vaux!

Frida lui lança un regard amusé en entendant ses mots quasi imperceptibles.

* * *

Disçart n’avait aucune idée le temps écoulé depuis qu’il avait arrêté de respirer, mais il n’était pas sûr qu’il allait pouvoir recommencer. C’était trop! Des attaques, des Maîtres fous, un tournoi et beaucoup trop de personnes qui veulent le battre! Bordel! Il avait senti tellement de personnes se préparer à lancer un sort, il n’aurait même pas pu indiquer précisément d’où viendrait la menace! Même les maîtres derrière lui avaient commencé à canaliser. Où était-il rentré? Ils étaient tous fous! Il ne voulait pas se battre! Il était venu apprendre… Il ne voulait que la paix et être tranquille… Pourtant… S’il ne le faisait pas… S’il ne le faisait pas… Il risquait de s’en mordre les doigts. Il serait qu’un triste déchet nullement à la hauteur des attentes de ses maîtres… Il ne pouvait pas… Il ne pouvait pas… Il ne pouvait pas! Il devait se prouver! Au cœur de toutes ses émotions contradictoires, entre son orgueil, sa fierté, sa lassitude et sa mélancolie, une étrange sensation lui étreignait l’estomac. Une sorte de hâte s’enroulait autour de sa nervosité et de son âme. Une part de lui avait déjà hâte de commencer!

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