Assassinés

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La fraîcheur du matin avait saisi les corps recroquevillés sous les couvertures. Mais la chaleur de la case avait permis de passer une nuit plus douce qu’à l’accoutumée.

Il est six heures, le soleil est levé, mais le silence règne encore en maître, sous la charpente hospitalière, parfois brisé par les ronflements et les délires oniriques des personnes qui l’avaient investie.

Je me réveille tranquillement, sans faire de bruit pour ne pas déranger mes compagnons de nuit. Je jette un coup d’œil sur le téléphone. Quelques appels manqués et des messages non-lus. Je m’extirpe du dortoir encore assoupi. Je m’éloigne pour consulter mes messages.

Rappelle c’est urgent !

Mon cœur s’accélère. Il s’arrête soudainement. Je m’essouffle, je perds pieds. Des films sans fin se jouent dans ma tête. Qu’avait-il bien pu se passer la nuit dernière ?

Je compose, avec beaucoup d’appréhension, le numéro de mes parents. Ça sonne. Et les battements de mon cœur assourdissent déjà la communication.

- Allô ? Qu’est-ce qu’il y a ... Je viens de voir le message, bégayais-je presque, apeurée.

- Oui ... Il s’est passé quelque chose hier soir ... Jérémy a eu un accident ...

Tout un tas de questions m’envahissent. Puis c'est le néant. La peur s’est complètement emparée de moi. J’appréhende la mauvaise nouvelle. Je ne veux rien savoir, je ne veux pas y croire. Puis tout ce qui se trouve autour de moi s’est effacé, tout ne devient qu’un trou noir, abstrait, sourd, lointain. Tout se précipite. Les larmes coulent déjà sans en connaître la fin.

- Il est décédé ... Et les autres sont à l’hôpital ... On viendra te chercher à l’aérodrome quand tu seras arrivée, rappelle-nous.

Je raccroche. La colère monte. L'incompréhension prend le dessus. La vie aurait-elle perdu tout son sens ? Un homme, "un peu" ivre, venait d'ôter la vie de mon cousin, et avait décidé de prendre la fuite. De laisser toute sa famille, ici, dans la douleur, certains même déjà inconscients, sur le bas côté de la route. Il avait tout simplement décidé de rentrer chez lui après une soirée bien arrosée. Comme si ne s'était passé.

Pendant une semaine durant, les familles ont défilé dans la salle d'attente de l'hôpital pour veiller auprès de ceux qui avaient survécu. Et dans cette petite chambre des soins intensifs, que j'aperçois du bout du couloir, mais que je n'approche pas, la vie d'un enfant était sur le point de s'arrêter. A chaque signe, à chaque instant, les faux espoirs rallumés nos coeurs. Les médecins nous ont donné des faux espoirs. Nous ont laissé croire qu'il s'en sortirait alors qu'il n'était déjà plus parmi nous.

Ce jour-là, un homme un peu ivre avait assassiné mon cousin et son fils, et avait brisé toute une famille. Je me souviens encore de l’écho assourdissant des mauvaises nouvelles.

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