Epilogue

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Ces derniers rêves me permirent de m’apaiser quelque peu et je pu enfin retrouver un sommeil convenable, l’espace de quelques nuits. L’hiver touchait à sa fin et j’espérais que le retour des beaux jours et de songes plus calmes me permettraient de retrouver un état de forme acceptable, car j’étais épuisé, tant physiquement que psychiquement. Je posais donc une demie semaine de congés et me forçais au repos, profitant de l’occasion pour mettre les derniers événements par écrit. Alors que je venais de terminer d’écrire un long passage, je fus assailli soudainement par une forte lassitude. La tête me tourna et, pour éviter de me sentir mal, je posai le front contre le verre frais de mon bureau. Cela me fit du bien, mais lorsque je relevais la tête, je n’étais plus chez moi, mais dans un long couloir. Je le reconnu aussitôt et je compris que je n’étais plus éveillé. Je mis un court instant à comprendre que je marchais, mon esprit un peu embrouillé par la transition brutale. J’étais seul, plutôt serein. Mon regard perça les fenêtres vers le parc, à l’extérieur, et mon faible reflet m'apprit que j’étais dans la tête de Liam. Il continua de marcher dans le corridor désert jusqu’à parvenir dans la salle où se trouvaient entreposées un grand nombre d’antiquités. Parmi elles, le miroir aux âmes.

Liam s’en approcha et, cette fois, l’objet ne lui rendit pas son reflet.

— De mauvaise humeur, aujourd’hui, dit-il à haute voix, amusé.

Il s’était familiarisé à cette étrange et dérangeante sensation de vide qui l’avait tant inquiété la toute première fois que ses pas l’avaient mené devant la relique. Je captais de son esprit qu’il venait régulièrement ici et que le miroir, semblant n’obéir à aucune règle, ne lui renvoyait son reflet que rarement. La plupart du temps, il restait comme une fenêtre ouverte sur un océan de brouillard, une sorte de chaos primordial dans lequel rien n’existait, pas même un concept. Plusieurs fois cependant, l’objet lui avait montré des paysages étrangers, fantastiques ou banals ou encore des gens qu’il ne connaissait pas, dont certains vêtus de si incroyable manière qu’ils ne pouvaient se trouver dans ce monde ou cette époque. Depuis la mort supposée du Nécromancien, Liam et Ange se retrouvaient régulièrement ici pour étudier le miroir qui faisait l’objet de plusieurs chapitres dans les Grand Livre du mage à la réputation toujours aussi terrible.

Le brouillard informe se mit soudain à tourbillonner. Liam, surprit par ce brusque changement, fit un pas en arrière et continua d’observer, curieux, ce qui allait se passer. Du fond du vortex, une lueur commença à se répandre et chassa progressivement la nuée chaotique. Une image se dessina et Liam resta de marbre, mais moi, je fus grandement surpris. C’était mon visage, de l’autre côté, devant mon miroir, dans ma salle de bain, en train de me raser. L’autre moi suspendit son geste, une moitié de mon menton mangé par la mousse, une main en l’air tenant mon rasoir. Il sourit et salua Liam au travers de cette fenêtre qui semblait relier ce monde onirique et le mien.

Liam lui rendit son salut, méfiant.

— Est-ce vous ? demanda-t-il.

L’autre moi acquiesça d’un hochement de tête, en souriant. Alors que le vortex semblait se refermer, je fus extirpé du corps de Liam et je flottais vers le miroir. Sans corps, incapable du moindre mouvement, je fus gagné par la panique. J’ignore pourquoi, mais le fait d’être aspiré vers cet alter-ego me terrifia. Dès que mon regard franchit la surface du miroir, je fus à nouveau moi-même, dans mon corps. La main encore levée pour saluer le visage stupéfait du jeune Duc, de l’autre côté du miroir, qui disparut dans un chatoiement pour laisser place à mon reflet. Je senti mon visage se tordre, et mon reflet m’adressa un sourire, sans que je ne le contrôle, avant de me laisser reprendre totalement le dessus. Grandement perturbé, je me précipitai vers mon salon, sans même me rincer, pour regarder l’écran de mon ordinateur. Mes mots s’étalaient sous mes yeux, comme je les avais écrits. Cependant, à la toute fin du texte, quelqu’un avait ajouté :

Ainsi s’achève l’histoire du Nécromancien.

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