Entretien avec le Haut-Duc

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Deux nuit plus tard, j'eus de nouveau un rêve de ce monde, bien que je n'en prisse pas immédiatement conscience. Je faisais les cent pas devant un bureau. Le lieu, splendide, me semblais somptueux et je ne m'y serais sans doute pas senti à l'aise, mais mon hôte ne ressentais ni malaise ni angoisse d'aucune sorte. Seulement de l'impatience.

Des voix résonnaient à l'intérieur, mais il m'étais impossible de comprendre le moindre mot. Je fixais une montre à gousset, ou du moins un appareil qui y ressemblais fortement et, bien que je sois incapable d'interpréter par moi-même ce que je voyais sur le cadran, je déduisais aussitôt que la personne qui devait me recevoir prenait son temps. La porte s'ouvrit à ce moment. Un homme sorti du bureau, me salua et s'éloigna dans le couloir, qui me paraissait ne pas avoir de fin.

— Entrez, cher duc, fit une voix à l'intérieur.

J'obtempérai, fermai la porte derrière moi et me dirigeai d'un pas assuré vers le centre de la pièce.

L'endroit, meublé richement, ressemblais plus à un salon qu'à un bureau. Un homme entre deux âges observait une carte, déroulée sur une impressionnante table ronde.

— Installez-vous, je vous prie.

Je prenai place et déposai une serviette que je n'avais pas encore remarquée sur la table, à côté de la carte sur laquelle je risquais un coup d’œil.

— Quiconque d'autre n'aurait pas le privilège de poser ses yeux sur ce document.

— J'aurais pu attendre, Haut-Duc.

— Ne dites donc pas de sottises, Epsilom. Si je ne peut compter sur vous, alors sur qui ?

Je me senti sourire en entendant cela.

— Vous devez vous demander ce qui se passe dans les territoires libres, j'imagine.

— Je suis au fait des derniers rapports.

— Y comprit celui qui relate une attaque, hier soir, sur la compagnie des chevaliers ?

Je me sentis tressaillir. Ma bouche s'entrouvrit, mon esprit s'embrouilla, l'espace d'une seconde, l'inquiétude monta comme une vague dans ma poitrine.

— Ne vous en faites pas. Votre fils est sauf. Les pertes sont mineures. Ce sont des bleus, mais ils sont bien entraînés et bien encadrés. Leur baptême du feu s'est déroulé à merveille. Enfin, autant que faire ce peut. Un homme a perdu la vie.

— Des blessés ?

— Une trentaine. Seulement deux sont gravement touchés. Le groupe s'est comporté de façon remarquable et s'est montré efficace, d'après le commandant.

L'angoisse retomba un peu, s'effaça doucement.

— Je ne venais pas pour cela, mais je suis heureux que vous ayez pris la peine de m'informer.

— C'est normal, mon cher. Nous sommes amis, après tout. Et c'est de votre fils dont il s'agit. J'espère de tout cœur qu'il reviendra sain et sauf, comme les autres chevaliers. Votre famille a toujours été populaire. Nous pourrions avoir besoin, un jour, d'un homme adulé par le peuple. Un héros de guerre, descendant d'un autre héros légendaire... Ce serait quelque chose ! Un retour victorieux de votre fils pourrait nous permettre de vous faire gagner les prochaines élections.

— Pourquoi, Haut-Duc ? Vous êtes vous même très bien à cette place, je ne souhaiterais nul autre que vous à ce poste.

— Je suis las, Epsilom. Si je survis à cette crise, je ne serais pas candidat à ma succession. Et il est hors de question que les Nordiens nous ravissent les duchés. Je n'ai confiance qu'en vous : vous êtes efficace, honnête et savez être objectif. Bien plus que moi. Vous prendrez bien un verre ?

Disant cela, le haut-duc roula la carte et la rangea. Il se procura deux verres et une carafe contenant un liquide rouge rubis.

— Volontiers, Haut-duc. Je suis venu faire le bilan de la semaine et passer en revue les affaires courantes.

— Même pendant une guerre, la population a besoin que l'on s'occupe d'elle... Je suis las, je vous dis. Fatigué de toutes ses bêtises. Le conseil est de plus en plus tatillon.

— Je n'ai aucune doléance, cette semaine. Les attaques sur nos troupes et sur nos défenses semblent les avoir calmé.

— Bonté gracieuse ! Vous dites-vrai ? Nous devons fêter cela, Epsilom !

Le haut-duc servi deux verres, m'en tendis un que je dégustais avec plaisir. Le goût m'échappe, à présent, mais pendant le rêve, j'eus la sensation de goûter un nectar divin.

La suite fut un embrouillaminis de rapports et de discussions politiques auxquelles je ne compris pas grand chose. C'était ennuyeux, tant et si bien que j'eus la sensation de m'endormir, alors que je dormais déjà. J'eus ensuite la brève vision de cet Epsilom quittant le bureau du haut-duc. Au bout du couloir, pas si long que ça, un immense miroir faisait face à un autre, de l'autre côté. C'est cela qui donnait l'illusion d'un corridor interminable, véritablement sans fin. Mon hôte, se contempla un instant dans le miroir. Au travers de ses yeux, je découvris son visage.

Son fils, Liam, lui ressemblait beaucoup. Les mêmes yeux pénétrant illuminaient un visage noble aux traits fins. Il pensa qu'il avait l'air fatigué et repris son chemin. Moi, je me réveillais.

C'était le matin.

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