Remembering - Yutaka Yamada

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J’ouvre les yeux et papillonne un instant. De la main, je te cherche à côté de moi. Et puis, je me souviens. Tu n’es plus là. Pourtant, dans mon rêve… Dans mon rêve, je te regardais, et tu me souriais, ce sourire doux et un peu bête que j’ai aussi lorsque je pense à toi. Je dois sûrement l’avoir, moi aussi, maintenant. Des coups frappés à ma porte me ramènent à cette réalité si douce-amère…

Je me précipite et l’ouvre. Mais ce n’est que mon patron - et logeur - qui m’apporte ma tasse de café matinale. Je lui souris, et il comprend instantanément qu’il vaut mieux me laisser seule. Ces matins-là sont les plus durs. La colère et la folie sont faciles à endiguer, mais cette peine, cette douleur qui me broie de l’intérieur, personne ne peut rien y faire. Sauf toi. Mais l’illusion de mon rêve s’est déjà effacée, disparaissant au loin. Pourquoi n’ai-je pas agi quand tu étais encore à ma portée ? Maintenant, je suis là, seule, terriblement seule…

Machinalement, je me lève. Un coup d’œil à la pendule m’indique qu’il est temps pour moi de prendre mon service. Je m’habille et m’installe derrière le bar. Aujourd’hui encore, ce sera calme. Depuis que tu es parti, nous ne sommes plus dérangés par ceux qui te cherchent. Nos clients habituels passent et repassent, prennent un café, silencieusement. Je suis sûre qu’eux aussi, ils pensent à toi. Ta petite sœur aussi, ne t’a pas oublié.

Je ne t’ai pas oublié. La preuve, je rêve encore de toi. J’ai rêvé que tu étais à mes côtés, que tu étais encore là, comme si tu n’étais jamais parti. Mais tu n’étais pas avec moi, ni devant une tasse de café. Tu étais sur le pas de la porte, tes cheveux couleur de neige et tes yeux translucides fixés sur un avenir que je ne pouvais pas voir. Je me rappelle avoir voulu t'appeler, te demander de ne pas partir, mais ces mots ne sont jamais sortis de ma bouche. Je savais déjà que je ne pourrais pas t’en empêcher.

« Je ne peux pas rester ici. »

Tu laisses ces mots sur le pas de la porte, aussi vides que ton regard. Et puis je comprends. J’aurais voulu franchir l’espace qui nous séparait, te retenir, mais c’est trop tard. Tu savais déjà. Moi, je venais uniquement d’ouvrir mes yeux humides pour te regarder partir. Maintenant, le soleil brille sur mon horizon morne. C’est juste un autre jour. Un autre jour sans toi. Je regarde les immeubles qui disparaissent dans l’ombre du soir. Le soleil se couche, luisant faiblement, comme un disque d’or qui fond au contact de l’horizon. Et moi, je pense à toi. Comme tous les jours.

La porte s’ouvre. Comme toujours, je sursaute et me retourne pour saluer le nouvel arrivant.

La tasse que je nettoyais m’échappe et se brise. Le silence tombe sur le café. Aucun son ne sort de ma bouche. Es-tu vraiment là ? Est-ce moi qui t’imagine ici, à mes côtés ? Tes yeux s’emparent des mieux, transparents, et pourtant plus profonds que ceux de quiconque. Je lance un bref regard derrière moi, mais il n’y a personne d’autre. C’est bien moi que tu regardes. Et c’est bien toi que nous regardons tous. Mais tu es accompagné. Ces trois jeunes que tu sembles emporter avec toi, qui ne sont jamais venus, et qui pourtant semblent plus proches de toi que nous ne l’avons jamais été…

J’ai si souvent rêvé que tu étais à mes côtés, que nous nous rencontrerions à nouveau… Je les vois, tes yeux scintillent, des larmes coulent, et tu ne comprends pas pourquoi… Je sais que tu n’as pas oublié le passé que nous avons partagé. Moi aussi, je m’en souviens. Et c’est avec une certaine tendresse que je te regarde encore une fois essuyer tes larmes d’un revers de ta manche, désormais si blanche…

Mais il est temps pour toi de repartir. Je ne peux m’empêcher de murmurer « Déjà… ! ». Mais tu as fini ton café, tu as parlé avec ces gens, puis tu nous as salués, et vous êtes partis. Même si je t’ai retrouvé, je sais que cette rencontre ne sera pas la dernière. Tu feras tout, et moi de même, pour te retrouver. Je dois te laisser aller, ne pas te courir après, ne pas te rattraper, ne pas me jeter dans tes bras en pleurant. Continue de chercher ta voie, même si tu vas me manquer…

Avec un soupir, je reviens à mon poste. Il est temps de se réveiller de ce rêve…

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